Laurie
Je décroche, et ma voix s'allège un peu, presque familière. « Salut, Carter ! » À l'autre bout, son ton claque, ensoleillé, comme toujours. Peu importe les kilomètres, les années, il est là, intact, mon ancre dans ce merdier.
« Alors, comment vas-tu ? L'entretien, c'était comment ? »
Je soupire, un souffle lourd qui charrie toute la crasse de cette journée.
« Comme d'hab, Carter. Tribunal. Terrain trop court. J'ai rien senti passer, et franchement, j'ai l'impression d'avoir foiré. Je m'attendais à… plus. »
Silence. Il encaisse, puis reprend, doux mais ferme.
« T'inquiète pas, Laurie. Ça va payer un jour. C'est fait pour ça. Laisse pas un petit accroc te faire douter. Celui-là est raté ? Tant mieux, tu trouveras mieux ailleurs. »
Un sourire m'échappe, invisible mais réel, un baume sur mes nerfs à vif.
« J'espère. Mais là, j'ai l'impression de patauger dans cette ville. J'ai fait des études, des tas, et pour quoi ? Rien à ce sujet, rien ne bouge. Je suis démoralisée, Carter. »
Mes jambes me lâchent, et je me laisse tomber sur un banc, le bois dur sous mes cuisses. La fatigue me plombe, plus lourde que jamais. Mes pensées tourbillonnent, un chaos qui me bouffe. Et si je me faisais des films ? Ce rêve de grandeur, ce besoin de plus, c'est peut-être juste une illusion, une connerie que je poursuis pour rien. Si j'ai rien chopé jusqu'ici, c'est peut-être que je vaux pas mieux que ça.
Dehors, le soleil cogne, éclatant, presque insolent. Juin étale son parfum d'été, un mélange de chaleur et de liberté qui me nargue. Une brise légère glisse sur ma peau, fraîche, salvatrice dans cette moiteur étouffante. Mais moi, je suis ailleurs, coincée dans ma tête, dans cette vie qui me serre comme un étau. Je veux respirer, mais je sais pas comment.
« Faut y croire, Laurie. Regarde-moi – l'audiovisuel, c'est pas simple, surtout sans piston. Et pourtant, j'ai ma place à la radio maintenant. »
Sa me voix tire du gouffre, pleine de cette foutue conviction qui lui colle à la peau. Carter, mon Carter, animateur dans une station locale. Il a galéré, trimé, mais il a tenu. Chance ou volonté ? Lui, il fonce, quand moi, je m'enlise, bloquée par mes doutes à chaque pas. « T'as raison », je murmure, mais ça sonne creux. Il me parle de son taf, de sa vie à l'autre bout de la ville, de ses projets qui pétillent. Et moi, je pense à ma coloc.
Deux colocataires, sympas mais à des années-lumière de moi. Un mec, une fille, toujours prêt à faire la fête, à vider des bouteilles jusqu'à l'aube. Moi, je suis la casanière, celle qui mate des séries pendant qu'ils hurlent sur du mauvais son. Ils vivent dans l'instant, légers, insouciants. Moi, je cogite, je tire chaque seconde, chaque choix. On cohabite, mais on se frôle à peine. C'est pas ma vie, ça.
En attendant mieux, je vais rappeler l'intérim. Des vacances, serveuse peut-être – un boulot qui recrute, mais que tout le monde fuit. Moi et moi comprenons. Je sers des cafés tièdes et des sourires forcés pour survivre, pour tenir jusqu'à ce que mon vrai chemin s'ouvre. J'ai trouvé ma voie, je sais ce que je veux – marketing, stratégie, un truc qui claque. Mais personne me donne ma chance. Les portes claquent, les refus s'empilent, et je me demande si je vais un jour sortir de ce cycle pourri, de ces jobs que je hais.
Pas le luxe de choisir, hein ? Alors je prends ce qui vient, même si c'est à des kilomètres de ce que j'imaginais gamine. Je rêvais de bureaux vitrés, de réunions qui comptent, pas de plateaux crasseux et de pourboires minables. Mais là, c'est ça, ma réalité – un entre-deux qui m'étouffe. Carter continue, sa voix un fil tenu qui me retient. « T'as du feu en toi, Laurie. Ça viendra. »
Je veux y croire, mais mes épaules pèsent, mon souffle s'épuise. Le soleil bande, indifférent, et moi, je fixe le vide, coincée entre ce que je suis et ce que je veux être. Peut-être qu'il a raison. Peut-être pas. Pour l'instant, je suis juste là, sur ce banc, à attendre un signe qui tarde.
Laurie semble à un point de rupture. Pensez-vous qu'elle réussira à surmonter ses doutes et à atteindre son rêve, ou bien est-elle sur le point de faire un choix radical qui changera tout ? Quelles décisions pensez-vous qu'elle devrait prendre pour enfin se sentir accomplie ?
LAURIECarter relâche ma main et se redresse, un sourire en coin revenant sur son visage, comme s’il retrouvait son assurance.— Fais gaffe, Knight, lance-t-il, taquin, ses yeux pétillant. Elle est têtue, cette fille. Elle va te faire tourner en bourrique, mais elle vaut le coup.Alexander rit, un son bas, rauque, qui résonne dans ma poitrine.— Je sais, murmure-t-il, un éclat malicieux dans les yeux, son regard glissant vers moi.Le reste de l’équipe – Marc, quelques techniciens de Knight Enterprises, une amie de Carter – finit par partir, leurs rires et leurs voix s’évanouissant dans l’escalier. Le rooftop redevient notre refuge, un îlot suspendu au-dessus de Paris. Le vent se lève, jouant avec mes cheveux, les faisant danser autour de mon visage. Je les repousse, frissonnant légèrement, et Alexander s’approche, s’asseyant à côté de moi sur le coussin. Il est proche, si proche que je sens la chaleur de son corps, l’odeur de son eau de Cologne, boisée et subtile, mêlée à celle de la
laurieLe rooftop de Knight Enterprises scintille sous un ciel constellé d’étoiles, les guirlandes lumineuses suspendues entre des poutres d’acier jetant des éclats dorés qui dansent sur le béton poli. L’air frais d’avril 2025 porte une odeur sucrée de croissants tout juste sortis du four, flottant depuis un café niché dans une ruelle en contrebas, mêlée au parfum métallique et vibrant de Paris. La ville s’étend sous nos pieds, un océan de lumières clignotantes, des toits en zinc luisant sous la lune, des boulevards traçant des lignes dorées dans la nuit. Je suis assise sur un coussin posé à même le sol, une tablette sur les genoux, griffonnant des idées pour un projet qui n’a pas encore de nom – des esquisses de code, des concepts pour une start-up, des bribes de rêves que je n’ai jamais osé formuler à voix haute. Mes lunettes glissent sur mon nez, et je les repousse d’un geste machinal, mon pull en laine effleurant ma peau, doux comme une caresse contre la fraîcheur du soir.Alexande
laurieLa pluie tambourine contre les baies vitrées du bureau d’Alexander, un rideau glacé qui brouille la skyline de La Défense, ses éclats scintillant comme des yeux dans la nuit d’avril 2025. L’air sent le café refroidi et le papier, saturé par les vibrations des écrans tactiles, leurs notifications clignotant comme des battements de cœur. Je tiens la lettre d’Amadeus, mes doigts tremblants sur l’encre noire, le croquis d’un médaillon – cercle barré, symbole d’Oméga – brûlant mes yeux. Alexander, penché sur un écran, fronce les sourcils, ses cheveux noirs en mèches rebelles, ses yeux gris pleins d’une tempête contenue. Il croise mon regard, et je sens mon pouls s’affoler, une chaleur familière malgré la peur.« Son médaillon, » murmuré-je, ma voix rauque, pointant le dessin. « Il le portait toujours. Dans son ancien bureau, ici, non ? »Avant qu’il réponde, son téléphone vibre, et la voix de Marc, paniquée, déchire le silence. « Stahl s’est évadé, » dit-il. « Un gardien corrompu. I
LAURIEOn marche, main dans la main, à travers la cour, puis à l’intérieur, nos pas résonnant dans les couloirs vides. Chaque pièce est un souvenir – la salle commune où on jouait aux cartes, le dortoir où je pleurais la nuit, l’escalier où Alexander m’avait promis qu’on s’en sortirait. Je m’arrête devant une porte, celle du bureau du directeur, et je frissonne, repensant à Elena, à sa silhouette dans la photo, à tout ce qu’on a découvert. Stahl est en prison, les preuves d’Oméga ont fait tomber des puissants – politiciens, hommes d’affaires, ombres qu’Amadeus manipulait. Knight Enterprises est sauvé, Hargrove a signé pour de bon, et pourtant, je sens encore une ombre, un poids qui refuse de partir.Alexander le sent aussi, je le vois dans sa posture, dans la façon dont ses yeux balaient les murs, comme s’il cherchait quelque chose. Il sort une lettre de sa poche, celle trouvée dans les dossiers de Stahl, écrite par Amadeus avant sa mort. Il me la tend, et je la prends, mes doigts tre
laurieLe soleil se lève sur la campagne, un éclat timide qui perce les nuages, comme une caresse après une longue nuit de tempête. Je suis debout dans la cour de l’orphelinat, l’herbe humide trempant mes baskets, mon souffle formant de petits nuages dans l’air frais d’avril. Alexander est à côté de moi, sa main dans la mienne, chaude, solide, un ancrage que je n’aurais jamais cru possible il y a encore quelques semaines. Nos valises sont posées près de la voiture, un vieux break qu’on a loué pour ce voyage, comme si on voulait laisser le luxe de Knight Enterprises derrière nous, ne serait-ce que pour un jour. On est revenus ici, à cet endroit qui nous a faits et brisés, pas pour chercher des réponses, pas pour se battre, mais pour dire adieu – aux murs gris, aux souvenirs amers, à la douleur qu’on a portée trop longtemps.L’orphelinat n’a pas changé, pas vraiment. Les fenêtres sont toujours cassées, leurs cadres mangés par la rouille, et la grille d’entrée penche comme un vieillard f
Il attrape son arme, rapide comme un serpent, et je pousse Laurie derrière moi, mon flingue levé, le canon pointé sur sa poitrine. Mon cœur cogne, mais ma main est ferme.— Pose ça, Stahl, dis-je, la voix basse, un grondement. T’es pas en position de jouer.Il hésite, ses yeux passant de moi à Laurie, puis à la porte, comme s’il calculait ses chances. On gagne du temps, c’est le plan – laisser les flics se positionner, attendre le signal de Marc. Mais je vois Laurie bouger du coin de l’œil, discrète, maligne. Elle glisse une main dans sa poche, son téléphone allumé, l’écran masqué par sa paume. Elle enregistre, encore, capturant chaque mot de Stahl, chaque aveu qu’il lâche malgré lui. Elle est brillante, toujours un coup d’avance, et une bouffée de fierté m’envahit, même au milieu de cette tension.— Parle, Stahl, dis-je, pour le pousser, pour le faire craquer. T’as perdu. Pourquoi tu t’accroches ?Il ricane, mais ses mots sortent, presque malgré lui, comme si la pression le faisait d