LOGINZoéLe soleil inonde la cuisine, accrochant des paillettes d'or dans ses cheveux. Je le regarde, cet homme qui beurre des tartines avec une intensité de chef d'orchestre, et quelque chose se fissure en moi. Un dernier rempart, tenace, qui cède sous le poids de cette évidence.Le silence n'est plus seulement complice. Il est lourd de tout ce qui n'a pas encore été dit. Les mots montent, irrépressibles, portés par le souvenir de ses mains sur ma peau, par la douceur de son regard à l'instant.— Raphaël.Il se retourne, une tartine dans chaque main, un sourire en coin. Le sourire s'estompe quand il voit mon expression. Il dépose les assiettes avec un léger claquement.— Qu'y a-t-il ?Je serre la couverture plus fort contre moi, comme un bouclier. Mais il n'y a plus à se cacher. Plus du tout.— Je...La phrase se coince dans ma gorge, une vieille peur, un réflexe de protection. Mais ses yeux, attentifs, patients, me donnent le courage de plonger.— Je t'aime.Les mots résonnent dans le pe
ZoéJe m'éveille dans la lueur laiteuse qui précède le jour.Le silence n'est plus une absence,mais une présence pleine, douce. Un épais manteau de paix enveloppe la pièce, les souvenirs épars de nos vêtements, le monde.Et puis, il y a lui.La chaleur de son corps contre mon dos, un bras posé sur ma taille, lourd, possessif, protecteur. Sa respiration est lente et profonde, un souffle régulier qui caresse ma nuque. Je reste immobile, afraid de briser le sortilège. Chaque parcelle de ma peau se souvient de la sienne. Le poids de ses mains, la trace de ses lèvres, le goût de son baiser. Ce n'était pas un rêve. C'était un achèvement.Un frisson me parcourt, non de peur, mais de reconnaissance. D'émerveillement.Je sens un mouvement derrière moi. Son bras se resserre imperceptiblement. Ses lèvres se posent dans mes cheveux, un baiser somnolent, instinctif.— Tu dors ? murmure-t-il, la voix rauque de sommeil, plus grave encore.— Non.Le mot est un souffle. Je me retourne lentement pour l
ZoéL’appartement est trop silencieux après le bruit de la rue.Je pose mon sac,enlève mon manteau. Mes doigts tremblent en accrochant le tissu.Les murs semblent avoir retenu l’écho de la confrontation,l’image de Jule qui s’éloigne, dos tourné, défaite.Je me verse un verre d’eau. Je le bois trop vite.La froideur me traverse,lucide, coupante.Je ferme les yeux et je les vois tous les deux: Raphaël, calme comme un lac profond. Jule, tempête rentrée.Et moi,entre les deux, un fil tendu à craquer.Le vertige n’est plus une chute, ai-je pensé.Mais c’est quoi,alors ?C’est cette attente.Ce silence après l’orage.C’est le goût de l’inconnu sur la langue.Un coup frappé à la porte.Mon cœur fait un bond dans ma poitrine.Je sais,sans avoir à regarder, qui se tient de l’autre côté.RaphaëlElle ouvre la porte.Ses yeux sont agrandis,son visage légèrement pâle.Dans l’encadrement,avec la lumière douce de l’entrée derrière elle, elle ressemble à un animal surpris, prêt à fuir ou à se défendr
ZoéLa journée file comme une eau trop claire.J’écris, je réponds à des messages, je mets en ligne le nouvel article. Il reçoit vite des commentaires , certains techniques, d’autres curieux, d’autres encore étrangement personnels.Je souris sans y penser. Ce n’est pas la fierté, c’est la sensation de respirer à nouveau dans quelque chose que je maîtrise.Mais sous la surface, il reste un frémissement, une tension fine que le café et les mots n’effacent pas.Le soir approche.La lumière baisse dans le bureau, ce mélange d’orangé et de gris qui annonce la fin d’une journée trop longue.Je range lentement mes affaires. Le néon au-dessus de ma tête grésille.Et c’est là que je le vois : Raphaël, appuyé contre la rambarde de l’entrée, les mains dans les poches, l’air calme.Sa présence a toujours ce don étrange de réorganiser l’espace, comme si tout autour de lui se taisait.— Tu finis tard, dit-il simplement.— Je voulais boucler l’article avant de partir.Il hoche la tête, son regard s’
ZoéJe me réveille avant l’aube.L’appartement est silencieux, étiré dans cette lumière laiteuse où tout paraît suspendu. L’air est froid. Mes draps ont gardé la forme de mon corps, pas celle d’un autre. Jule n’est plus là. Il ne l’a jamais été vraiment ici. Pourtant, son absence emplit la pièce comme une odeur qui ne veut pas partir.Je reste un long moment sans bouger, les yeux ouverts sur le plafond. Ma respiration s’accroche, hésite. Il y a cette pulsation sourde, quelque part entre mes côtes et ma gorge, comme un rappel du monde. Je me dis qu’il faut que j’écrive. Que je dois reprendre, pour le blog.Le prétexte est simple : un test, une nouveauté, un article à livrer.Mais je sais que c’est autre chose que je cherche.Je me lève.L’air du matin s’infiltre par la fenêtre entrouverte, vif, presque cruel. Je frissonne, sans savoir si c’est le froid ou le souvenir. Le sol sous mes pieds est glacé. Je traverse la pièce, nue, sans y penser. Chaque geste a la lenteur de quelqu’un qui r
ZoéJe n’ai pas senti le froid tout de suite.Juste le vide.Celui qui s’ouvre dans la poitrine quand on quitte un endroit où on a laissé trop de soi.La porte s’est refermée derrière moi, et le bruit a sonné comme un adieu.Le couloir du vieil immeuble sent le café rassis et la peinture écaillée. Je descends les marches sans vraiment les voir. Mes doigts tremblent encore. Mes jambes ont ce léger tremblement de l’après , celui qu’on ne maîtrise pas, celui qui garde la mémoire de tout ce qu’on vient de vivre.J’avance.Dehors, la ville est encore à moitié endormie. L’aube traîne sa lumière sur les toits, étire les ombres dans les rues désertes. Je remonte mon manteau sur mes épaules, tente d’emprisonner un peu de chaleur, mais c’est inutile : la sienne s’efface déjà.Et sans elle, j’ai froid.Le bus met du temps à venir.Je fixe mon reflet dans la vitre de l’arrêt. Mes cheveux sont en désordre, mes lèvres gonflées. On dirait une autre. Une femme qui a aimé trop fort pendant une nuit en







