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Chapitre 06

last update Dernière mise à jour: 2025-08-05 22:26:46

•••Maeve 

Dimanche soir..

« Acceptez-vous de dîner avec moi demain soir ? »

Les mots de Tristan résonnent encore dans ma tête vingt-quatre heures plus tard. Je me tiens devant le miroir fissuré de ma chambre, essayant de donner une allure décente à ma seule robe convenable, une robe bleu marine que maman m'avait offerte pour mes vingt et trois ans.

« Elle te va à ravir, ma chérie », avait-elle dit en ajustant les bretelles. « Tu es si belle. Un jour, tu rencontreras quelqu'un qui saura voir ta valeur. »

Maman. Si elle pouvait me voir maintenant, que dirait-elle ? Sa fille s'apprêtant à dîner avec un homme qu'elle connaît à peine, un homme de ce monde qu'elle ne comprend pas.

— Maeve ? » La voix d'Elias me tire de mes pensées. « Tu sors ? 

Il se tient dans l'embrasure de ma porte, ses devoirs de mathématiques à la main. Ces derniers jours, il fait vraiment des efforts. Ses notes remontent, son professeur m'a même appelée pour me féliciter. Mais là, il me regarde avec cette inquiétude que je n'aime pas voir dans ses yeux.

— Juste... un dîner » dis-je en évitant son regard.

— Avec qui ? 

— Un... un client du restaurant. 

— Le type d'hier soir ? 

Comment peut-il savoir ? Je ne lui ai rien dit sur Tristan.

— Quel type ? 

— Maeve, j'ai seize ans, pas sixe. Tu es rentrée hier avec des roses et un sourire que je n’avais pas vu depuis des mois. Alors oui, j'imagine que c'est le même homme. 

Je me retourne pour faire face à mon petit frère. Quand est-il devenu si perspicace ?

— Elias... 

— Il est riche, pas vrai ? Très riche. 

— Pourquoi tu dis ça ? 

— Parce que tu n'aurais jamais ce regard-là pour un type normal. Tu as ce... cet espoir dans les yeux. Comme si tu pensais qu'il pourrait tout changer. 

Ses mots me frappent en plein cœur. Est-ce si évident ?

— Ce n'est qu'un dîner, Eli. 

— Les riches ne s'intéressent aux pauvres que pour s'amuser. » Sa voix est dure, trop adulte pour son âge. « Tommy me l'a dit. 

— Tommy Venter ne sait pas de quoi il parle ! 

— Cette fois, si. » Elias s'approche et pose ses mains sur mes épaules. « Maeve, tu es ma sœur et je t'aime. Mais tu rêves d'être sauvée depuis la mort de papa et maman. Et les princes charmants n'existent pas. 

Ses mots me font mal parce qu'ils touchent juste. Depuis six mois, je porte tout sur mes épaules, notre survie, son éducation, nos dettes. Et quand Tristan me regarde avec ses yeux verts, quand il me parle de mes rêves, de ce que je mérite, j'ai envie de croire qu'il pourrait vraiment tout changer.

— Une soirée » je murmure. « Juste une soirée où je peux redevenir Maeve, pas seulement ta grande sœur. 

— Tu seras toujours ma grande sœur. Et je préfère que tu le restes plutôt que de devenir le jouet de quelqu'un. 

Il m'embrasse sur la joue et retourne dans sa chambre, me laissant seule avec mes doutes.

Je termine de me préparer en silence. Un peu de mascara, le seul que j'ai encore , un soupçon de rouge à lèvres. Mes cheveux, je les attache en chignon bas comme maman me l'avait appris.

À dix-neuf heures, je sors de l'appartement. Fatima, notre voisine du troisième, arrose ses plantes sur le palier.

— Eh bien, ma petite ! Tu es bien élégante ce soir. 

Fatima a soixante ans et des poussières, veuve depuis dix ans. Elle nous aide souvent, un plat en trop, une oreille attentive quand j'ai besoin de parler. C'est une femme sage qui a vu défiler bien des jeunes filles dans cet immeuble.

— Je... j'ai un rendez-vous. 

— Ah ! » Ses yeux pétillent. « Il est bien, au moins ? 

— Je ne sais pas encore. 

— Mon conseil, ma chérie ? Fais confiance à ton instinct. Les hommes bien, ça se sent. Les autres aussi. 

Je hoche la tête et descends les escaliers. Dans la rue, j' hésite. Prendre un taxi jusqu'à Constantia va me coûter une fortune, presque une journée de salaire. Mais je n'ai pas le choix.

Le trajet dure quarante minutes dans les embouteillages du dimanche soir. Par la fenêtre, je regarde défiler les townships, puis les banlieues résidentielles, puis enfin les domaines viticoles de Constantia. Chaque kilomètre nous éloigne un peu plus de mon monde.

Le restaurant La Colombe est encore plus impressionnant que je l'imaginais. Architecture moderne nichée dans les vignobles, vue panoramique sur les montagnes, voitures de luxe alignées dans le parking. Une Ferrari rouge attire mon attention, elle coûte probablement plus cher que ce que mes parents ont gagné en dix ans.

À l'entrée, un maître d'hôtel en costume me jauge d'un regard. Je vois bien qu'il hésite, ma tenue, bien que correcte, détonne dans ce temple de l'élégance.

— J'ai... j'ai rendez-vous avec Monsieur Johnson » dis-je timidement.

Son attitude change instantanément.

— Bien sûr, mademoiselle ! Monsieur Johnson vous attend. Suivez-moi, s'il vous plaît. 

Il me guide à travers la salle bondée d'une clientèle qui respire l'argent. Bijoux étincelants, montres de luxe, conversations feutrées sur des affaires à millions. Je me sens comme une intruse.

Tristan m'attend à une table sur la terrasse, face aux vignobles baignés par les derniers rayons du soleil. Il porte un costume gris clair qui met en valeur ses yeux verts, et quand il me voit approcher, son sourire illumine son visage.

— Maeve. » Il se lève et m'embrasse délicatement sur la joue. « Vous êtes... éblouissante. 

Je rougis malgré moi. Dans sa bouche, le compliment sonne sincère.

— Le... le restaurant est magnifique » dis-je en m'asseyant.

— N'est-ce pas ? J'y viens souvent. Mais ce soir, c'est spécial. J'ai rarement eu une compagnie aussi charmante. 

Le serveur, un homme distingué aux cheveux argentés , s'approche avec une déférence visible.

— Monsieur Johnson, le champagne que vous avez demandé. 

— Parfait, André. 

Du champagne Dom Pérignon. Encore. Je calcule machinalement, cette bouteille coûte plus que mon loyer.

— Vous n'étiez pas obligé... 

— Maeve. » Tristan pose sa main sur la mienne. « Ce soir, vous oubliez tout. Les soucis, l'argent, les responsabilités. Ce soir, vous êtes juste une belle femme qui mérite d'être gâtée. 

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