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Chapitre 6

Auteur: Perrine Béliveau
« Madame, l'affaire qui retient M. Battier cette fois… est particulièrement complexe. Il risque de ne pas rentrer avant une quinzaine de jours, voire davantage. »

Séverine, impuissante, a compris qu'une discussion en face-à-face avec Maxime était impossible.

Peut-être était-il impoli de traiter cela en ligne, mais elle n'avait pas le choix.

Elle a ouvert l'application de messagerie, a trouvé la conversation de Maxime, et a rédigé : « Es-tu occupé ? Peux-tu m'accorder quelques minutes ? J'ai quelque chose à te dire. »

Après un moment d'hésitation, elle a envoyé le message. Mais une marque grise, cinglante, est apparue aussitôt : Maxime l'avait bloquée.

Séverine a fixé l'écran pendant une demi-minute, puis un sourire froid et lucide s'est dessiné sur ses lèvres.

C'était logique, après tout. Maxime l'avait épousée pour provoquer Florian, pour l'humilier. Quant à ses véritables sentiments pour elle… ils devaient rester aussi distants... voire aussi méprisants qu'autrefois.

Était-il nécessaire de l'informer de son départ à l'étranger ?

Elle a rangé son téléphone et a regagné sa chambre. Retirant sa bague, elle l'a jetée sur la table de chevet. Elle la vendrait plus tard, cela compenserait les deux millions d'euros de commission que Thaïs lui avait volés.

« Madame, voici un encens apaisant pour un sommeil plus profond », a murmuré une domestique en allumant le bâtonnet. Un parfum délicat a embaumé bientôt la pièce.

Comme promis, Séverine s'est endormie rapidement.

Dans le silence de la nuit, la porte de sa chambre s'est ouverte sans un bruit. Une silhouette haute et imposante s'est approchée du lit. Son regard s'est posé sur la bague abandonnée.

De longs doigts s'en sont emparés, la serrant avec une force telle que les jointures ont blanchi, comme pour pulvériser l'objet maudit. Une fine traînée de sang a perlé entre ses doigts.

La douleur aiguë a apaisé, l'espace d'un instant, la fureur obsessionnelle qui embrasait son regard.

Il a poussé un rire bas, empreint d'autodérision, et a projeté la bague souillée de sang directement dans la corbeille. Du bout de ses doigts encore rougis, il a effleuré avec une retenue tremblante la joue endormie de la femme. Même dissimulé dans l'obscurité, son regard, poisseux et dévorant, en disait long.

« Séverine… Ne pense plus à me fuir », a-t-il murmuré comme une incantation.

Bien que son entrée chez le groupe G-Renouveau ne doive intervenir que dans un mois, Séverine comptait mettre ce délai à profit pour compiler ses données.

Ses logiciels de prédilection et ses archives complètes restaient stockés sur son ordinateur personnel, abandonné dans son ancien bureau du groupe FS. Elle devait le récupérer.

À peine avait-elle pénétré dans l'immeuble que sa présence était signalée au bureau du PDG, au dernier étage.

« Patron, Mme Jaubert est de retour. »

Florian a déposé son dossier, un sourire satisfait aux lèvres : « Elle daigne enfin plier. »

Il a sorti un écrin de velours de son tiroir et a ordonné à Lucas : « Porte-lui ce collier de diamants roses, une acquisition récente aux enchères. Réserve également un restaurant pour ce soir… »

Puis, se ravisant soudain, il a ajouté : « Non, j'irai moi-même. »

Dès son entrée dans le service R&D, Séverine a perçu une atmosphère étrange. Son ancienne assistante, Mia, lui a adressé des signes discrets en coin.

Effectivement, en ouvrant la porte de son bureau, elle a découvert Thaïs installée en maîtresse des lieux. Celle-ci, nonchalamment calée dans le fauteuil sur mesure de Séverine, lui a lancé un regard chargé de défi.

« Tiens, Séverine ? Ici ? Je te croyais licenciée. Tu as le front de revenir ? Je t'imaginais plus fière… » Son ton dégoulinait de mépris, comme si l'espace lui appartenait, « Mais même revenue, ce bureau ne t'appartient plus. Je suis la directrice de la R&D, ta supérieure. As-tu saisi ? »

« Quant à ton nouvel emplacement… » Elle a désigné, par la baie vitrée, un bureau encombré de dossiers poussiéreux, perdu dans un angle, « Ce sera là-bas. »

Vraiment, passer d'un bureau privé à un espace encombré au milieu des fournitures obsolètes, c'était plus qu'une humiliation professionnelle, c'était un DÉNI de sa valeur !

Séverine a toisé Thaïs rayonnante de méchanceté triomphante, et a eu un sourire froid.

Un bureau ? Un département voué à l'échec ? Elle s'en moquait.

D'une voix neutre, elle est allée droit au but : « Où est mon ordinateur ? »

« Là ! » Thaïs a désigné de dépit la poubelle, un sourire mauvais aux lèvres, « Tu tiens à ce vieux machin ? Radinerie de petite bourgeoise. Si tu le veux, va le chercher. »

Séverine a suivi son geste : son portable, avec ses effets personnels, gisait parmi les déchets, maculé de miettes et de traces de café.

Son visage s'est figé.

« Séverine », Thaïs, une main sur son ventre arrondi, s'est levée et s'est approchée. Hors de toute vue extérieure, son expression est devenue difforme et haineuse, « puisque tu as quitté Florian, pourquoi revenir ? Mon mari est mort. Florian est le père de mon enfant, mon seul soutien. Pourquoi t'obstines-tu à me le voler ? »

« Ne pourrais-tu pas disparaître et me le laisser ? » a-t-elle lancé, comme si elle énonçait une évidence morale.

Devant cette logique de pillarde, Séverine a eu un rire exaspéré.

« Crois-tu vraiment que cet enfant soit issu d'une FIV ? Naïveté ! Florian et moi, nous nous sommes aimés nuit après nuit. Au début, rongé par la culpabilité, il fermait les yeux en murmurant ton nom. »

« Et puis, devine ? Nous en sommes arrivés à nous contempler dans le miroir… Il est à moi. En ma présence, tu ne l'auras pas. »

À peine avait-elle prononcé ces mots que Thaïs a attrapé la main de Séverine et l'a guidée violemment vers sa propre joue, avant de se laisser choir au sol avec une théâtralité parfaite.

« Aïe ! » Sa chute s'est accompagnée d'un cri dramatique. Main sur la joue, elle est redevenue instantanément la fragile innocente, tremblante de peur.

« SÉVERINE ! »

La voix tonitruante de Florian a retenti du couloir. Il s'est rué dans la pièce, a aidé Thaïs à se relever avec une délicatesse de circonstance, puis a repoussé Séverine avec une brutalité rageuse : « Elle est enceinte ! Elle porte mon enfant ! Comment oses-tu ? »

La violence de la poussée a projeté Séverine contre le bord acéré du bureau. Une douleur fulgurante, comme une déchirure, lui a traversé les reins. Son visage a blêmi, une moiteur glacée inondant son dos.

Florian, lui, ne voyait qu'Thaïs. « Excuse-toi ! » a-t-il ordonné d'un ton dur.

Blottie contre lui, Thaïs affichait dans ses yeux la satisfaction du triomphe, mais sa voix n'était que douceur blessée : « Florian… ne lui en veux pas… Ce n'est rien… Sa colère est légitime. Tout est de ma faute. Si je n'avais pas dû donner un héritier aux Battier… Séverine, tu peux me gifler autant que tu le souhaites, pourvu que tu retrouves la paix. »

Florian, ému par ses larmes et sa résignation, a contrasté cette image avec la froideur agressive de Séverine. Soudain, cette dernière lui a paru odieuse. Son regard s'est fait glace et dégoût.

Quant à Séverine, face à leur étreinte, une nausée et une douleur au cœur, plus aiguës encore que celle de ses reins, l'ont submergée.

« Vraiment ? Autant de gifles que je veux ? » a-t-elle répété, glaçante. Puis, elle a levé la main et a abattu deux gifles cinglantes sur le visage de Thaïs, « Drôle de requête ! En voici deux. Assez, ou t'en faut-il davantage ? Je t'en offre volontiers. »
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