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Chapitre 6 : Projet commun annoncé

Author: Nems
last update Last Updated: 2025-08-31 10:02:11

La porte de l’ascenseur s’ouvrit dans un bip discret, libérant Naïla dans le couloir feutré du 12ème étage. Sa montre affichait 10h55. La réunion était à 11h00. Elle avait passé la matinée à relire son dossier sur la réhabilitation urbaine, ses doigts effleurant les pages des vieilles cartes de Douala, les plans annotés de quartiers qui étaient l'âme de la ville. Le projet "Nova" n'était pas juste un contrat pour elle ; c'était une mission, une résurrection. Elle avait la conviction, presque mystique, que chaque brique, chaque mur, portait en lui les échos des vies passées. Son père ghanéen lui avait appris à respecter la mémoire des ancêtres ; sa mère camerounaise, à la construire, à la préserver.

Pour Naïla, c'était une chance de prouver sa valeur, de montrer que son approche, plus humaine et poétique, était aussi valable que la froide logique de la rentabilité. Elle avait fui un mariage arrangé, un fiancé choisi par sa mère pour des raisons financières, et elle s'était battue pour son indépendance. Aujourd'hui, elle n'avait pas peur d'un défi, pas après avoir rebâti sa propre vie à partir de zéro. Elle redressa la tête, son afro bien coiffée, et ses yeux en amande captèrent leur propre reflet dans la porte en verre de la salle de conférence. Derrière son image, elle se voyait, cette femme forte, mais à l'intérieur, la petite fille qui craignait la trahison et l'abandon se nichait encore.

Malik entra par l'autre couloir, son pas mesuré et confiant. Le tissu de son costume italien glissait sur ses larges épaules, un symbole de son succès. Il avait appris la dure leçon de la vie quand son père, un homme d'affaires autrefois prospère, était mort ruiné. La honte et la précarité avaient gravé en lui une seule conviction : la seule chose qui compte est la solidité, la force, l'argent. L'émotion est une faiblesse, l'amour une illusion. Pour lui, "Nova" était une opportunité en or, un investissement stratégique pour le quartier de New Bell, un quartier dont l'histoire et l'âme importaient peu, seule sa valeur potentielle importait. Il pensait comme un stratège, ne laissant rien au hasard. Il contrôlait tout, ou du moins il le croyait.

Il remarqua une jeune femme assise, la tête baissée, fixant des papiers. Ses cheveux crépus formaient un halo majestueux autour de son visage, et même de dos, sa posture était d'une élégance sans effort. Intrigué, il s'assit silencieusement en face d'elle. Elle n'avait pas levé les yeux, absorbée par ses pensées, ignorant sa présence. Malik, qui avait l'habitude de capter l'attention dès son entrée, sentit une pointe de frustration. C'était la première fois qu'il ne se sentait pas instantanément perçu. Cela le rendit curieux.

La porte s'ouvrit de nouveau et leur supérieure, Madame Ndema Rosalie, entra, son sourire éclatant d'enthousiasme. "Bonjour à vous deux ! Naïla, Malik, merci d'être venus."

Naïla leva la tête, ses yeux rencontrant ceux de Malik. Elle fut frappée par l'intensité de son regard, un regard noir et profond qui semblait scanner chaque parcelle de son être. Un courant électrique, fugace mais puissant, passa entre eux. Elle, qui s'était juré de se méfier de ce genre d'hommes, sentit son cœur battre un peu plus vite. Lui, qui pensait l'amour et l'émotion comme une distraction, sentit une impulsion qu'il ne pouvait pas expliquer.

"Vous êtes l'équipe parfaite pour le projet Nova," continua Madame Ndema Rosalie. "La réhabilitation du quartier de New Bell. Naïla, ton expertise en urbanisme et ta vision créative vont donner une âme à ce projet. Malik, ta rigueur et ton sens des affaires vont lui garantir le succès financier. Vous avez des approches radicalement différentes, et c'est ce qui est si excitant. Vous êtes les deux faces d'une même pièce."

Le sourire de Naïla s'éteignit. La réhabilitation de New Bell. Le quartier de New Bell, c'était le cœur battant de la ville, le lieu où les souvenirs s'accrochaient aux murs, où chaque ruelle avait une histoire. Sa vision, c'était de préserver cette âme. La sienne, celle de l'homme en face d'elle, c'était de "rentabiliser". Elle jaugea son regard. Il était calme, analytique. Il ne montrait aucune émotion. C'était un investisseur, un homme qui voyait les bâtiments comme des chiffres, pas comme des lieux de vie.

Malik serait son adversaire le plus coriace. C'était un investisseur, un homme qui voyait les bâtiments comme des chiffres, pas comme des lieux de vie Cet homme ne voit que des chiffres et des profits… mais je dois convaincre, pour les habitants, pour l’âme de ce quartier, pensa-t-elle.

Malik, quant à lui, jaugea Naïla. Sa passion était visible dans chaque geste, chaque étincelle dans ses yeux. Intéressant… mais dangereux. Elle pourrait devenir une distraction que je n’ai pas le droit de me permettre, se dit-il, son côté stratégique s’éveillant immédiatement

Le visage de Malik resta impassible, mais à l'intérieur, une alarme sonnait. "Donner une âme" ? Il avait entendu ce genre de discours. C'était le langage des idéalistes, de ceux qui ne comprenaient rien aux affaires. Naïla, avec ses yeux de braise et sa passion palpable, était exactement ce qu'il craignait : une distraction, une complication. Il se força à sourire, un geste calculé, professionnel. "Je suis impatient de commencer. J'ai déjà une analyse de rentabilité qui montre un retour sur investissement de 25 %.

Madame Ndema tendit le dossier technique à Naïla et le dossier financier à Malik. « Je veux que vous réfléchissiez à vos premières propositions. Vous aurez une réunion de coordination la semaine prochaine. Rappelez-vous : le succès du projet dépendra de votre capacité à combiner créativité et rigueur financière. »

Naïla haussa un sourcil et murmura : « Combiner créativité et rigueur financière… facile à dire quand on ne connaît pas le prix des familles déplacées. »

Malik répondit d’un ton calme mais tranchant : « Le prix de la vérité est toujours plus élevé que celui de l’émotion. »

Un courant électrique traversa la pièce. Madame Ndema, observant cette étincelle de tension, sourit intérieurement. je compte sur votre collaboration afin que ce projet soit un réel succès.

Alors que Madame Ndema quittait la salle, Malik se leva pour ranger ses affaires. Ses gestes étaient précis, méthodiques, mais ses yeux ne quittaient pas Naïla. Elle, consciente de ce regard, sentit une chaleur étrange monter en elle, mélange de défi et d’intrigue.

Sans qu’aucun mot ne soit échangé, ils partagèrent un bref moment où leurs mains effleurèrent les dossiers sur la table. Un contact presque imperceptible, mais suffisant pour envoyer un frisson électrique le long de leur colonne vertébrale.

Il est incroyablement froid… mais pourquoi ce frisson ? pensa Naïla, tentant de se raisonner.

Malik, de son côté, sentit son contrôle vaciller légèrement. Elle est l’opposé parfait de moi… et pourtant, je ne peux détourner les yeux. Attention Malik. L’attachement est dangereux.

Plus tard, chacun rentra chez soi, mais aucun ne put vraiment éteindre l’image de l’autre. Naïla, dans son appartement, s’allongea sur son canapé, laissant la musique de jazz remplir l’espace. Elle pensa à Malik, à son regard implacable, à cette impression d’énigme qu’il dégageait. Il est froid… mais ce regard… il cache quelque chose. Je dois comprendre ce qu’il voit dans ces murs…

Malik, seul dans son bureau avec vue sur Douala, sortit son carnet en cuir, un objet qu’il gardait secret. Ses mains tremblaient légèrement alors qu’il écrivait, laissant ses pensées glisser dans la poésie, seule échappatoire à la rigueur de son esprit.

« Elle voit des âmes dans les murs, je ne vois que des chiffres, que des pertes. Elle est chaos, flamme de vie… je suis ordre, ombre… et pourtant, ses yeux me distraient… »

Il referma le carnet avec un mélange d’agacement et de fascination. Ce projet allait être un défi bien plus personnel qu’il ne l’avait anticipé. Naïla représentait exactement ce qu’il s’efforçait de contrôler : l’imprévisible, l’humain, l’émotion.

Le soleil se couchait sur Douala, teignant les immeubles de nuances orangées et pourpres. Le quartier de New Bell, au loin, semblait attendre leurs décisions. Deux mondes, deux visions, deux personnalités. Et au cœur de cette tension, une alchimie naissante, encore silencieuse, mais déjà électrique.

Le projet Nova ne serait pas seulement un défi architectural ou financier : il serait le théâtre de leurs convictions, de leur passion et, peut-être, du début d’une connexion que ni l’un ni l’autre n’aurait pu prévoir.

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