- Je t’ai posé une question Shelly, que cherches-tu ? Plus Anrick parlait, plus il se rapprochait de Shelly.
La femme en face d’Anrick était nerveuse comme si elle était prise en flagrant délit mais elle-même savait que c’était dû à la présence très rapprochée de son mari.
- Euh… En fait, je… Je cherche mes papiers.
Anrick a levé les sourcils.
- Tes papiers ! Quels papiers ? Et pour quoi en faire ?
- J’en ai besoin pour postuler pour un emploi. A fièrement dit la femme après avoir retrouvé son calme.
- Hors de question. Anrick s’est détourné d’elle et s’est dirigé vers le placard pour chercher de quoi porter.
Surprise, Shelly s’est approchée de lui pour avoir une explication :
- Pardon ! Mais pourquoi ?
- Tu as tout ce donc tu as besoin ici, je ne vois pas pour quelle raison tu voudrais travailler.
- Anrick, j’étouffe ici, je vais finir par perdre la raison si je ne m’occupe un peu.
- Il y a une bibliothèque, tu devrais passer la journée dans la lecture au lieu de vouloir te chercher du travail ; bon sang Shelly, ton fils est mort il y a de cela une semaine et toi la seule chose à laquelle tu penses c’est de travailler ?
Les mots d’Anrick ont amusé Shelly, elle ne voulait pas de sa permission. Par honnêteté, elle lui a dit la vérité quand il le lui a demandé mais maintenant il utilisait la mort de son fils pour l’en dissuader. C’était injuste et ironique à la fois.
- Voyez-vous ça ! C’est l’hôpital qui se fou de la charité, Anrick ton fils est mort et le meilleur moyen que tu as trouvé de le pleurer était d’aller chez ta maîtresse et tu oses venir me dire à moi que je ne pleure pas mon fils ? Shelly a pris un ton menaçant. Contrairement à toi, j’ai pleuré mon fils et je continue de le faire mais je sais qu’il aurait voulu que j’avance malgré son départ et c’est ce que je compte faire peu importe si tu es d’accord ou pas je vais me trouver un emploi.
C’était la première fois qu’il voyait sa femme furieuse de cette façon, il la savait obstinée et têtue mais la colère qu’il lisait dans son regard à ce moment-là lui était totalement étrangère venant de cette femme devant lui.
- La discussion est close Shelly, je refuse que tu travailles. Anrick s’est approché plus près d’elle pendant qu’il terminait de boutonner sa chemise. Essaies de zapper mon autorité et tu verras ce dont je suis capable.
Ceci dit, Anrick a décroché sa veste du cintre puis il est passé devant sa femme furieuse et s’en est allé sans rien ajouter de plus.
Plus tard dans la journée, Shelly est allée au cimetière visiter l’endroit qui était devenu le nouvel abri de son fils. La dernière fois qu’elle y était, c’était lors de son enterrement. Ce jour-là, Shelly avait fait un malaise et s’était évanouie pendant que le corps de son fils était mis sous terre.
-Ils ont au moins eu la décence d’embellir ta tombe mon chéri. Shelly a fondu en larmes. Je ne tiens plus mon bébé, j’essaie de vivre mais je n’y arrive pas ; ton père, ta tante et ta grand-mère ne me facilitent pas les choses. Je ne pense pas qu’un jour ton père et moi réaliserons ta dernière volonté de nous voir ensemble avec tes petits frères et sœurs.
Shelly s’est recueillie sur la tombe de son garçon pendant des heures.
- Mme Orane, il est l’heure de partir. A dit le gardien du cimetière ; le vieil homme se sentait tellement mal pour cette mère dont la mort lui avait arraché le fils.
Shelly s’est tournée vers l’homme, a fait un signe de tête et lui a dit au revoir avant de s’en aller.
Dans un des appartements d’un gratte-ciel situé au centre-ville, Amanda essayait désespérément de remonter le moral de son homme qui depuis son arrivée était presque dans un état de transe.
- Anrick, qu’est ce qui t’arrive ? Tu es là depuis et tu ne veux même pas prononcer un seul mot.
L’homme a dirigé son regard vers la fille, son visage était sans expression. Impossible pour Amanda d’avoir ne ce reste qu’une trace d’idée de ce à quoi il pense.
« Anrick ton fils est mort et le meilleur moyen que tu as trouvé de le pleurer était d’aller chez ta maîtresse et tu oses venir me dire à moi que je ne pleure pas mon fils ? «
Anrick avait beau regarder celle qui était devant lui mais la seule voix qui résonnait dans sa tête était celle de sa femme. Les mots qu’elle lui a dits ce matin ainsi que le corps raide de son petit garçon dans son cercueil.
- Désolée Amanda, je dois y aller. Anrick a ramassé ses affaires, a posé un baiser sur le front d’Amanda et a quitté l’appartement.
Même s’il ne le montrait pas, le départ de son fils Nathan a énormément affecté Anrick mais il était un homme, il ne voulait pas afficher sa peine à quiconque souhaitait la voir. Il voulait être fort pour soutenir sa femme mais chaque fois qu’il la voyait aussi triste, il ne savait pas comment s’y prendre pour la consoler. La peine de Shelly lui rappelait qu’il reverra plus son fils. Donc il a choisi de s’isoler dans l’appartement dans lequel il vivait auparavant avant son mariage. Il voulait être loin de tous pour faire son deuil, même d’Amanda. Au fond Anrick ne détestait pas Shelly mais il était sûr qu’il ne l’aimait pas non plus.
Quand il est arrivé au manoir cette nuit-là, seule Maria était encore debout.
- M. Orane, bon retour. La femme âgée a fait la révérence en saluant.
- Bonsoir Maria, comment vas-tu ? A répondu Anrick en remettant ses affaires à la vielle femme.
- Bien monsieur.
- Où est Shelly ? L’homme a levé le regard vers l’étage.
- Dans la chambre monsieur, elle est rentrée désemparée du cimetière et est directement allée se coucher.
- Bien, merci Maria, n’oublie pas de te coucher tôt.
Anrick a doucement ouvert la chambre pour ne pas faire de bruit mais dans l’obscurité, il s’est heurté à une commode qui se trouvait sur son chemin. La femme endormie dans le lit a été réveillée par le bruit et a tout de suite allumé la lumière.
Shelly a froncé les sourcils en voyant son mari briller sous l’éclairage de la chambre.
- Anrick ! Pourquoi marches-tu dans l’obscurité ?
- Je… Je ne voulais pas te réveiller. L’homme a tendrement répondu en s’asseyant sur le lit près de sa femme, il a pris son petit visage entre ses mains et a délicatement caressé ses joues.
Son geste a étonné la femme, elle ne se souvenait même plus de la dernière fois qu’il avait été si tendre envers elle. En fait les rares fois qu’il l’avait fait, étaient pour faire bonne figure devant leur fils mais ce dernier n’était plus là, pourquoi le faisait-il donc ?
- Anrick, tu es sûr que ça va ? A-t-elle demandé avec méfiance.
- Je suis désolée pour tout Shelly.