Point de vue de Gianna
Gianna Castellano quitte l’entreprise, son sac à main serré contre son côté, son cœur battant un peu plus vite à chaque pas. Dix entretiens. Dix refus. Pourquoi ? Pourquoi ça n’aboutit jamais ? Elle n’a pas la force de se poser de questions, pas aujourd’hui. Elle a un objectif : trouver un travail pour elle, pour sa sœur Giulia, pour ne pas sombrer. Mais malgré ses efforts, les portes se ferment systématiquement. Ses parents sont morts depuis trois mois dans cet accident tragique. Le vide qu’ils ont laissé derrière eux est encore trop grand, trop lourd à porter. Leurs rêves, leurs promesses à Giulia… Tout ça, c’est à elle de le gérer maintenant. Comment ? Elle ne sait même pas, mais elle doit se battre. Chaque jour. Elle sort de l’immeuble, les yeux légèrement embués, et se dirige vers la rue, quand la voix de l’homme du bureau résonne encore dans sa tête. — “Désolé, mademoiselle Castellano, mais notre entreprise a besoin d’une personne avec une expérience de deux ans minimum pour le poste d’assistante.” Un sourire forcé, un regard désolé. Les mots sont les mêmes, les excuses aussi. Mais ça ne fait pas moins mal. Elle garde son téléphone allumé et compose rapidement le numéro de Bianca. Un appel à Bianca… C’est la seule personne avec qui elle peut être elle-même, la seule à qui elle peut montrer sa vulnérabilité sans être jugée. Le téléphone sonne quelques secondes avant qu’elle ne réponde. — “Bianca, tu fais quoi ?” — “Rien de spécial, et toi ?” — “Encore un refus. La routine…” Gianna s’arrête sur le trottoir, le regard perdu dans la rue animée. “Tu veux toujours qu’on se retrouve au Coffee’s Bar ?” — “Tu sais que je n’ai jamais dit non à un café.” Un sourire en coin traverse les lèvres de Gianna. Même après tout ce qu’elle traverse, Bianca réussit à lui redonner un peu de légèreté. Le Coffee’s Bar est une petite perle discrète, un lieu où les habitués viennent pour échapper à la frénésie de la ville. Gianna pousse la porte, l’odeur du café fraîchement moulu l’envahit immédiatement. Elle aperçoit Bianca au fond du café, la tête plongée dans un livre, un latte à moitié vide posé devant elle. Son regard s’éclaire dès que Gianna s’approche. — “Je te jure, tu es la seule à avoir encore de l’espoir après tout ça.” Bianca lâche un rire, mais son ton est sérieux. Elle n’a jamais eu de filtre, et c’est peut-être ça que Gianna aime le plus chez elle. — “Si j’avais ton courage, je serais déjà partie dans un autre coin du monde.” Gianna s’assoit en face d’elle, retirant son manteau et l’accrochant derrière sa chaise. Ses yeux sont fatigués, mais elle fait de son mieux pour masquer son découragement. — “Partir où, Bianca ? Tu penses vraiment que ça résoudrait tout ?” Bianca sourit, levant les yeux de son livre pour plonger son regard dans celui de Gianna. — “Non, mais ça pourrait être un début. Fuir, ça ne résout pas tout, mais parfois, ça permet d’y voir plus clair, de respirer un peu, non ?” Gianna soupire et prend une gorgée de son propre café. Le goût amer du café se mêle au vide qu’elle ressent. Tout ça, ce quotidien qui lui échappe. Elle a bien du mal à y trouver du sens. — “Tu sais, ça commence à être vraiment lourd, Bianca. Je… Je suis fatiguée de me battre contre des portes fermées.” — “T’es pas la seule, Gianna. La vie, elle te fait souvent comprendre qu’il faut aller chercher tes rêves à la force des bras, pas avec des sourires et de la gentillesse. T’as pas encore assez tapé, faut t’accrocher.” Bianca est directe, parfois même brutale, mais il y a cette vérité dans ses paroles. Gianna hoche la tête, silencieuse. Elle sait qu’elle ne peut pas tout abandonner, pas maintenant. Mais la pression, la perte, les responsabilités… c’est épuisant. — “Je me sens juste coincée dans un tourbillon, parfois.” Gianna admet enfin, son regard fuyant celui de Bianca. — “C’est normal. Et t’es pas seule là-dedans, ok ?” Un silence confortable s’installe entre elles. Pas de jugements, juste la présence de l’autre, réconfortante et rassurante. Bianca ne parle pas de la mort de ses parents, ni du fardeau que Gianna porte. Elle sait que c’est un sujet trop douloureux. Ce n’est pas le genre de conversation qu’on veut avoir en buvant un café. Mais à travers leurs échanges, elles savent qu’elles se comprennent. — “Tu sais, parfois je me dis que si on avait encore papa et maman, tout serait plus facile.” Gianna murmure, les yeux plongés dans son café comme si c’était lui qui allait lui apporter la réponse. — “Oui, je le sais… Mais faut vivre avec ça maintenant, et si t’as pas d’autre choix que de plonger, autant le faire à fond.” Bianca hausse les épaules, puis lui lance un regard appuyé. “Et puis, faut aussi savoir quand demander de l’aide. Parce que t’es pas seule à porter ce fardeau.” Gianna serre les lèvres et hoche la tête. Elle sent les larmes monter, mais elle les retient. Ce n’est pas le moment. Pas ici. Pas devant Bianca. Pas encore. Bianca prend une grande inspiration, et ses yeux se font plus sérieux. — “Écoute, j’ai une idée. Je travaille dans un endroit, et ils cherchent des gens. C’est un peu particulier, mais… si t’es prête à travailler dur, ça pourrait t’aider.” Gianna la regarde, intriguée, mais un peu méfiante. — “Un boulot particulier ? Tu parles de quoi ?” Bianca la fixe intensément. Elle sait que Gianna n’aimera peut-être pas ce qu’elle va entendre, mais elle veut lui offrir une chance. — “C’est dans une boîte de luxe. Tu sais, un endroit où les gens viennent chercher un peu de… distraction. C’est pas un boulot classique, mais tu pourrais y trouver une certaine stabilité. T’es bonne avec les gens, tu sais comment gérer des situations délicates. Et puis, l’argent serait là. T’as besoin de ça.” Gianna reste silencieuse, déconcertée. Travailler dans une boîte de nuit ? Elle n’avait jamais envisagé une telle possibilité. Mais le besoin d’argent, la pression… Peut-être qu’elle n’a pas le choix. — “Et tu veux que je travaille dans ce genre d’endroit ? Mais je… Je sais même pas si je peux faire ça.” — “Tu n’as rien à perdre, Gianna. Et puis, personne ne te force à faire quoi que ce soit que tu ne veux pas. Ce n’est pas ça le deal. C’est juste un moyen de te sortir la tête de l’eau.” Gianna reste là, les yeux perdus dans sa tasse. La proposition de Bianca résonne dans sa tête. Peut-elle vraiment accepter cela ? Peut-elle vraiment se lancer dans cette aventure ? Un silence lourd plane entre elles, tandis que Gianna réfléchit.Gianna Le silence avait un goût amer depuis que Rocco était parti. Trois jours. Seulement trois. Et pourtant, elle avait l’impression que le temps s’était étiré, suspendu, figé dans une attente qu’elle n’avait pas voulu reconnaître. Elle sortit de l’appartement en serrant contre elle son blouson en cuir. Il faisait plus froid que d’habitude, ou peut-être était-ce elle qui frissonnait de l’intérieur. Giulia dormait encore. Bianca, toujours bienveillante, avait insisté pour l’amener au collège ce matin-là. Gianna avait accepté, trop fatiguée pour discuter. La veille, elle avait effacé un message qu’elle s’apprêtait à envoyer à Rocco. Juste un : Tu me manques. Trop simple. Trop sincère. Trop tôt. Au Velvet, tout semblait normal. Pourtant, une sensation étrange persistait. Elle sentit un regard la suivre lorsqu’elle entra dans les coulisses. Au début, elle crut à une impression, puis elle aperçut une enveloppe glissée sous la porte de son casier. Aucune mention. Aucun no
Point de vue : Gianna Le matin filtrait à peine à travers les rideaux de l’appartement de Rocco. Il régnait ce genre de silence qui ne pèse pas, mais apaise. Gianna s’était réveillée plus tôt que lui, recroquevillée dans un coin du canapé, la couverture encore tirée jusqu’au menton. Elle n’osait pas bouger. Pas encore. Tout en elle était calme, mais pas vide. Il y avait ce bourdonnement discret dans sa poitrine, celui qui naît après une tempête intérieure. Elle ne savait pas vraiment ce qui s’était passé la veille, ou du moins, comment cela avait été possible. Ce n’était pas un baiser, pas une déclaration enflammée. C’était… un début. Elle tourna la tête vers lui. Rocco dormait sur le fauteuil à côté, toujours habillé, les bras croisés sur la poitrine. Comme s’il n’avait pas voulu s’allonger de peur qu’elle s’éclipse pendant la nuit. Et c’est cette pensée qui la fit sourire. Il était là. Encore. Toujours. Elle se leva doucement, ses pieds nus effleurant le sol froid.
Point de vue : Gianna La pluie n’était pas prévue ce soir-là. Pourtant, elle tombait, fine et insistante, comme si elle voulait nettoyer le trop-plein de silences que Gianna portait en elle. Elle marchait d’un pas décidé, serrant contre elle sa veste trop légère, les cheveux trempés collant à ses tempes. Elle n’avait pas pris de parapluie. Elle n’avait rien prévu, en réalité, si ce n’est une chose : le retrouver. Elle n’avait pas besoin de se justifier. Pas ce soir. Depuis des jours, elle repassait tout en boucle. Le moment où elle l’avait supplié pour sa sœur, sa propre honte, l’orgueil brisé, la proposition insensée qu’elle lui avait faite. Elle s’était attendue à ce qu’il en profite. Qu’il se jette sur l’occasion. Mais non. Rocco n’avait rien exigé. Il avait refusé ce corps qu’elle lui avait offert en échange d’un sauvetage. Il avait payé, sans contrepartie. Et puis, il s’était effacé. Sans pression. Sans tentative de manipulation. Elle avait cru qu’il reviendrait. Qu’i
Point de vue : Gianna Il y a des vérités qui s’imposent dans le silence, qui s’infiltrent entre deux battements de cœur, entre deux respirations trop lourdes. Depuis quelques jours, Gianna ne dormait plus tout à fait. Pas parce qu’elle faisait des cauchemars, mais parce qu’elle commençait à rêver éveillée. Rêver de lui. Rocco. Elle s’était tant acharnée à l’exclure de son esprit, à le repousser dans un coin sombre de sa mémoire, qu’elle n’avait pas vu que son absence pesait plus lourd que sa présence. Et pourtant, elle n’était pas encore prête à l’admettre. Pas à voix haute. Mais cette nuit-là, alors que Giulia dormait profondément dans la chambre d’à côté, elle s’était levée. Pieds nus, une couverture autour des épaules, elle avait rejoint le balcon. La ville brillait, indifférente à ses dilemmes. Et dans ce silence, une vérité avait émergé. Il n’avait jamais abusé de son pouvoir. Elle se rappelait encore ce moment, aussi humiliant que douloureux, où elle lui avait prop
Point de vue : Gianna Les rayons du soleil filtraient à travers les rideaux, mais la lumière semblait floue, distante, comme si le monde avait perdu un peu de sa netteté. Gianna ouvrit les yeux dans un silence étrange. Ce genre de silence qui pesait sur la poitrine avant même le premier battement de la journée. Elle se redressa lentement dans son lit, une main sur le front. Elle avait mal dormi. Encore. Les mots de Rocco tournaient en boucle dans sa tête. Ce qu’il avait dit. Ce qu’elle avait répondu. Et ce qu’elle n’avait pas osé avouer. Elle sortit de la chambre, trouva Giulia assise à table, déjà prête pour le lycée. Son visage était calme, paisible. Il y avait quelque chose d’apaisant à la voir aller mieux. Vraiment mieux. — Tu veux du café ? demanda Gianna, sa voix encore rauque de la nuit. Giulia leva les yeux. — C’est toi qui demandes ça ? T’es sûre que t’es ma sœur ? Gianna esquissa un sourire fatigué. Elle alla faire couler deux tasses. Pendant que le liquide s
Point de vue : Gianna Le vrombissement de sa moto résonnait encore dans le parking souterrain lorsqu’elle coupa le contact. Le casque toujours vissé sur la tête, Gianna resta immobile un instant. Le cœur battant. Les mains moites. Elle détestait ce que son corps lui faisait subir depuis la veille. Depuis qu’il était revenu. Rocco. Même son nom dans sa tête avait le goût d’un poison. Lent, insidieux. Il s’infiltrait partout. Elle l’avait vu, entendu, senti. Et elle avait fui. Comme toujours. Parce que face à lui, elle perdait le contrôle. Et le contrôle… c’était tout ce qui lui restait. Elle descendit de la moto, monta les escaliers quatre à quatre, et poussa la porte de l’appartement. Le silence l’accueillit. Giulia était déjà couchée, la lumière de sa chambre éteinte. Gianna posa ses affaires, défit sa queue-de-cheval, et se laissa tomber sur le canapé. Son téléphone vibra. Elle l’ignora. Puis le reprit. Un message de Bianca : « Je suis dispo demain midi si tu veux parl