Point de vue : Rocco
La lumière tamisée du bureau jetait des ombres sur les visages graves des hommes assis autour de la table. Rocco tapota du bout des doigts le dossier posé devant lui, son regard acéré scrutant un à un les membres de son cercle rapproché.
— Dans un mois, je pars à New York.
Sa voix brisa le silence pesant.
— Les négociations avec nos futurs partenaires doivent être menées avec précision. Si leur offre est avantageuse, on signe. Sinon, on passe notre chemin.
Antonio, assis à sa droite, hocha lentement la tête en croisant les bras.
— On a déjà une idée de ce qu’ils comptent proposer ?
Rocco ouvrit le dossier et fit glisser quelques documents vers lui.
— Une alliance stratégique. Accès à leur réseau, facilitation de certains transports, une couverture en cas de besoin. Mais je veux plus. On ne joue pas dans la même cour qu’eux, c’est à nous de fixer les règles.
L’un des hommes présents, Matteo, fronça les sourcils.
— Tu penses qu’ils pourraient essayer de nous entourlouper ?
Rocco esquissa un sourire froid.
— Ils essaieront forcément. Tout le monde veut tirer profit de ce genre d’accord. Mais c’est à nous d’être plus malins.
Antonio laissa échapper un léger rire.
— Ce ne serait pas drôle sinon.
Rocco referma le dossier et s’appuya contre le dossier de son fauteuil.
— Je prendrai Antonio avec moi, ainsi que quelques hommes de confiance. Marco, tu restes ici et tu gères les affaires locales.
Son frère releva la tête et acquiesça sans hésitation.
— Je m’en occuperai. Tu n’auras rien à craindre d’ici.
— Je le sais.
Un court silence s’installa, comme un accord tacite entre eux.
— Bien. Cette réunion est terminée. Préparez-vous, et faites en sorte qu’aucune faille ne nous échappe.
Les hommes se levèrent et quittèrent la pièce un à un, ne laissant que Rocco et Antonio.
— Tu crois qu’on va tomber sur des partenaires intéressants, ou juste des opportunistes en costard ? demanda Antonio en s’adossant à la table.
Rocco haussa un sourcil, un sourire en coin.
— Un peu des deux. Mais c’est toujours nous qui gagnons à la fin.
Après la réunion, Rocco rentra chez lui, un immense domaine aux abords de Palerme. Il savait que ses parents et Caterina l’attendaient pour dîner. Comme toujours, les repas en famille étaient un mélange de tradition et de discussions sérieuses sur l’avenir de la famille Ferraro.
Dans la salle à manger, son père, Vito Ferraro, était assis à sa place habituelle, imposant et droit, tandis que sa mère, Clara, s’affairait à servir les plats avec l’aide de Caterina.
— Te voilà enfin, lança Caterina en levant les yeux vers lui. J’ai cru que tu allais encore nous poser un lapin pour tes affaires.
Rocco s’approcha et embrassa sa mère sur la joue avant de s’asseoir.
— Tu sais bien que je ne manquerais pas un repas préparé par Mamma.
Clara lui adressa un sourire affectueux avant de s’asseoir à son tour.
— Tu travailles trop, Rocco. Et maintenant, ce voyage à New York… Elle soupira. Tu es sûr que c’est une bonne idée ?
Vito posa son verre sur la table avec un bruit sec.
— Bien sûr que c’est une bonne idée. Ce partenariat pourrait renforcer notre position.
Rocco hocha la tête.
— Si les conditions sont bonnes, je signerai le contrat. Mais je ne me laisse pas aveugler par une simple alliance.
Son père observa un instant son fils avant de sourire légèrement.
— C’est bien. Tu réfléchis comme un vrai Ferraro.
Caterina, qui jusque-là s’était contentée d’écouter, croisa les bras avec un sourire en coin.
— Un mois à New York, hein ? Avec Antonio en plus ?
Rocco leva un sourcil.
— Qu’est-ce que tu veux insinuer ?
— Rien du tout, répondit-elle d’un ton faussement innocent. Juste que New York regorge de jolies femmes, et que papa veut te voir marié…
Vito grimaça légèrement mais ne nia pas.
— Il n’a pas tort de vouloir assurer l’avenir de la famille.
Rocco roula des yeux.
— Je vais à New York pour le business, pas pour me trouver une femme.
Caterina haussa les épaules, amusée.
— C’est ce qu’on dit…
Sa mère posa une main sur celle de Rocco, son regard empreint de tendresse.
— Fais attention à toi là-bas. Ne te fie à personne.
Rocco serra doucement la main de sa mère.
— Tu me connais, Mamma. Je ne fais confiance à personne.
La conversation se poursuivit dans une atmosphère plus détendue, mais l’ombre du voyage à New York planait au-dessus de la famille Ferraro.
Point de vue de Gianna
Cela faisait maintenant deux semaines que Gianna travaillait au Velvet. La première semaine avait été un choc : l’ambiance, les regards des clients… mais petit à petit, elle s’habituait. Le travail sur scène devenait plus naturel, et elle commençait à maîtriser le stress. Toutefois, le plus difficile restait d’attendre la fin du mois pour toucher son salaire. En attendant, elle ne vivait que des pourboires, qui ne suffisaient pas à couvrir ses dépenses. Le loyer était une pression constante.
Elle avait accepté de vivre avec Bianca, même si cela la gênait au départ. Partager son espace était un compromis, mais nécessaire. Cela lui permettait d’économiser et de respirer un peu.
Gianna pensait constamment à Giulia, sa petite sœur de 12 ans, qui vivait avec elle depuis la mort de leurs parents. Depuis ce jour tragique, elle était devenue celle sur qui Giulia comptait. Ce rôle était lourd, mais Gianna n’avait d’autre choix que de le porter. Chaque nuit, quand elle rentrait du Velvet, elle trouvait Giulia en train de faire ses devoirs ou de dessiner. La petite ne parlait pas beaucoup de leurs parents, mais Gianna savait qu’elle ressentait le vide laissé par leur absence. Giulia semblait parfois perdue, et Gianna se sentait responsable de son bien-être.
C’était pour elle que Gianna faisait tout cela. Chaque sacrifice, chaque nuit difficile. Elle rêvait de pouvoir offrir à Giulia un avenir meilleur, loin de la précarité dans laquelle elles se retrouvaient. Leur appartement était modeste, mais Gianna travaillait dur pour que sa sœur puisse se concentrer sur ses études sans avoir à se soucier de leur situation.
Les études de Gianna à l’université étaient un espoir pour l’avenir, mais jongler entre son travail au Velvet et ses cours n’était pas facile. Elle savait que l’éducation pourrait lui ouvrir des portes, et surtout à Giulia. Pour l’instant, elles étaient toutes les deux dans un combat quotidien, mais Gianna ne perdait pas espoir. Chaque jour la rapprochait de son but : offrir à sa sœur une vie stable et épanouie.
Gianna Le silence avait un goût amer depuis que Rocco était parti. Trois jours. Seulement trois. Et pourtant, elle avait l’impression que le temps s’était étiré, suspendu, figé dans une attente qu’elle n’avait pas voulu reconnaître. Elle sortit de l’appartement en serrant contre elle son blouson en cuir. Il faisait plus froid que d’habitude, ou peut-être était-ce elle qui frissonnait de l’intérieur. Giulia dormait encore. Bianca, toujours bienveillante, avait insisté pour l’amener au collège ce matin-là. Gianna avait accepté, trop fatiguée pour discuter. La veille, elle avait effacé un message qu’elle s’apprêtait à envoyer à Rocco. Juste un : Tu me manques. Trop simple. Trop sincère. Trop tôt. Au Velvet, tout semblait normal. Pourtant, une sensation étrange persistait. Elle sentit un regard la suivre lorsqu’elle entra dans les coulisses. Au début, elle crut à une impression, puis elle aperçut une enveloppe glissée sous la porte de son casier. Aucune mention. Aucun no
Point de vue : Gianna Le matin filtrait à peine à travers les rideaux de l’appartement de Rocco. Il régnait ce genre de silence qui ne pèse pas, mais apaise. Gianna s’était réveillée plus tôt que lui, recroquevillée dans un coin du canapé, la couverture encore tirée jusqu’au menton. Elle n’osait pas bouger. Pas encore. Tout en elle était calme, mais pas vide. Il y avait ce bourdonnement discret dans sa poitrine, celui qui naît après une tempête intérieure. Elle ne savait pas vraiment ce qui s’était passé la veille, ou du moins, comment cela avait été possible. Ce n’était pas un baiser, pas une déclaration enflammée. C’était… un début. Elle tourna la tête vers lui. Rocco dormait sur le fauteuil à côté, toujours habillé, les bras croisés sur la poitrine. Comme s’il n’avait pas voulu s’allonger de peur qu’elle s’éclipse pendant la nuit. Et c’est cette pensée qui la fit sourire. Il était là. Encore. Toujours. Elle se leva doucement, ses pieds nus effleurant le sol froid.
Point de vue : Gianna La pluie n’était pas prévue ce soir-là. Pourtant, elle tombait, fine et insistante, comme si elle voulait nettoyer le trop-plein de silences que Gianna portait en elle. Elle marchait d’un pas décidé, serrant contre elle sa veste trop légère, les cheveux trempés collant à ses tempes. Elle n’avait pas pris de parapluie. Elle n’avait rien prévu, en réalité, si ce n’est une chose : le retrouver. Elle n’avait pas besoin de se justifier. Pas ce soir. Depuis des jours, elle repassait tout en boucle. Le moment où elle l’avait supplié pour sa sœur, sa propre honte, l’orgueil brisé, la proposition insensée qu’elle lui avait faite. Elle s’était attendue à ce qu’il en profite. Qu’il se jette sur l’occasion. Mais non. Rocco n’avait rien exigé. Il avait refusé ce corps qu’elle lui avait offert en échange d’un sauvetage. Il avait payé, sans contrepartie. Et puis, il s’était effacé. Sans pression. Sans tentative de manipulation. Elle avait cru qu’il reviendrait. Qu’i
Point de vue : Gianna Il y a des vérités qui s’imposent dans le silence, qui s’infiltrent entre deux battements de cœur, entre deux respirations trop lourdes. Depuis quelques jours, Gianna ne dormait plus tout à fait. Pas parce qu’elle faisait des cauchemars, mais parce qu’elle commençait à rêver éveillée. Rêver de lui. Rocco. Elle s’était tant acharnée à l’exclure de son esprit, à le repousser dans un coin sombre de sa mémoire, qu’elle n’avait pas vu que son absence pesait plus lourd que sa présence. Et pourtant, elle n’était pas encore prête à l’admettre. Pas à voix haute. Mais cette nuit-là, alors que Giulia dormait profondément dans la chambre d’à côté, elle s’était levée. Pieds nus, une couverture autour des épaules, elle avait rejoint le balcon. La ville brillait, indifférente à ses dilemmes. Et dans ce silence, une vérité avait émergé. Il n’avait jamais abusé de son pouvoir. Elle se rappelait encore ce moment, aussi humiliant que douloureux, où elle lui avait prop
Point de vue : Gianna Les rayons du soleil filtraient à travers les rideaux, mais la lumière semblait floue, distante, comme si le monde avait perdu un peu de sa netteté. Gianna ouvrit les yeux dans un silence étrange. Ce genre de silence qui pesait sur la poitrine avant même le premier battement de la journée. Elle se redressa lentement dans son lit, une main sur le front. Elle avait mal dormi. Encore. Les mots de Rocco tournaient en boucle dans sa tête. Ce qu’il avait dit. Ce qu’elle avait répondu. Et ce qu’elle n’avait pas osé avouer. Elle sortit de la chambre, trouva Giulia assise à table, déjà prête pour le lycée. Son visage était calme, paisible. Il y avait quelque chose d’apaisant à la voir aller mieux. Vraiment mieux. — Tu veux du café ? demanda Gianna, sa voix encore rauque de la nuit. Giulia leva les yeux. — C’est toi qui demandes ça ? T’es sûre que t’es ma sœur ? Gianna esquissa un sourire fatigué. Elle alla faire couler deux tasses. Pendant que le liquide s
Point de vue : Gianna Le vrombissement de sa moto résonnait encore dans le parking souterrain lorsqu’elle coupa le contact. Le casque toujours vissé sur la tête, Gianna resta immobile un instant. Le cœur battant. Les mains moites. Elle détestait ce que son corps lui faisait subir depuis la veille. Depuis qu’il était revenu. Rocco. Même son nom dans sa tête avait le goût d’un poison. Lent, insidieux. Il s’infiltrait partout. Elle l’avait vu, entendu, senti. Et elle avait fui. Comme toujours. Parce que face à lui, elle perdait le contrôle. Et le contrôle… c’était tout ce qui lui restait. Elle descendit de la moto, monta les escaliers quatre à quatre, et poussa la porte de l’appartement. Le silence l’accueillit. Giulia était déjà couchée, la lumière de sa chambre éteinte. Gianna posa ses affaires, défit sa queue-de-cheval, et se laissa tomber sur le canapé. Son téléphone vibra. Elle l’ignora. Puis le reprit. Un message de Bianca : « Je suis dispo demain midi si tu veux parl