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Chapitre 3

Author: N.O Darling

« Réveillez-vous, Mademoiselle Banks. »

Une voix douce et posée glisse jusqu’à moi comme une caresse rassurante. Pour la première fois depuis bien longtemps, je me sens en sécurité… et je n’ai pas du tout envie de quitter cette tendresse.

Tout est chaud, enveloppant. Je frotte doucement ma joue contre la chaleur toute proche. Une odeur boisée, un peu sucré, presque beurré, caressant mes narines. Instinctivement, je me blottis un peu plus contre cette chaleur rassurante, inhalant ce parfum.

Mais un soupir vient briser mon instant de sérénité… juste avant qu’on ne me laisse tomber sans ménagement sur le dos.

Le contact est mou, mais pas agréable.

« C’est quoi ce bordel ? ! » Je m’exclame en me redressant d’un coup, mes sens en alerte.

Mon regard balaie l’espace autour de moi. Un canapé. Une pièce faiblement éclairée. Des ombres mouvantes sur les murs.

Puis une lumière vive éclate, m’arrachant un gémissement agacé.

Je plisse les yeux, tournant la tête vers l’origine de cette agression lumineuse, luttant contre l’envie de siffler comme une vampire mal réveillée.

Une silhouette. Grande. Imposante. Découpée dans le halo doré projeté par une immense baie vitrée.

Elle s’agite avec les rideaux. Et dès que je distingue son visage, le puzzle s’assemble : Collins.

Monsieur-le-parfait-détective-à-l’égo-surdimensionné.

D’un coup, tout me revient. L’ascenseur. Son regard. Ce mot qu’il a murmuré.

Dors.

Une tempête d’émotions me noie : peur, colère, incompréhension absolue.

« Qu’est-ce que vous m’avez fait ? C’est où ? » Je lance en me levant d’un bond, le souffle court.

« Je n’ai pas le temps jouer les nounous, alors voici la version courte. » répond-il tout en déboutonnant sa veste et l’accroche sur le dossier d’un grand fauteuil en cuir.

« Je m’appelle Deacon Collins. Je suis le directeur de l’Académie Grise, et vous… »

Il marque une pause, un sourire imperceptible flottant sur ses lèvres.

« Vous êtes notre nouvelle élève. »

Il s’installe sur le fauteuil.

« Dites-moi, Mademoiselle Banks… que savez-vous de vos origines ? »

Puis, sans se presser, il déboutonne les poignets de sa chemise et retrousse ses manches, révélant des avant-bras étonnamment musclés.

Son geste est d’une lenteur élégante.

Un raclement de gorge me tire brutalement de ma contemplation.

Je sursaute légèrement.

« Oh… euh… » Je balbutie, prise au dépourvu, avant de détourner le regard, gênée d’avoir été surprise en flagrant délit de rêverie.

« Désolée… je suis complètement paumée, là. J’ai l’impression de ne plus être moi-même. » je souffle en me laissant retomber sur le canapé, une main passant nerveusement dans mes cheveux.

Tout ça n’a aucun sens. Absolument aucun.

Les pièces du puzzle s’éparpillent dans ma tête sans jamais s’assembler.

Collins me fixe.

« Vu les circonstances, je vais supposer que vous ne savez rien. Ici, à l’Académie Grise, nos élèves sont… doués. » commence-t-il d’un ton mesuré.

« Attendez, doués ? » je l’interromps. « Je crois qu’il y a erreur. J’ai peut-être réussi mes examens, mais j’ai rien d’exceptionnel. »

« Si vous pouviez me laisser finir, Mademoiselle Banks… »

« Josie. » je corrige d’un ton sec. Ce Mademoiselle Banks commence sérieusement à m’agacer.

« Mademoiselle Banks. » reprend-il avec une pointe de défi, « si vous pouviez vous taire deux minutes, je pourrais peut-être vous expliquer tout ce que vous demandez. »

Je croise les bras, le défiant en retour, mais sans dire un mot de plus.

« Notre académie accueille ce que nous appelons les Gris. Une race de surhumains. Bien plus puissants que les humains ordinaires, mais aussi bien plus rares.

C’est pourquoi nous avons créé notre propre monde, à l’intérieur du leur. Un espace sécurisé, où nous pouvons coexister en paix.

D’une façon ou d’une autre, vous êtes passée entre les mailles du filet, et vous avez grandi dans le monde humain sans jamais savoir qui vous étiez réellement.

J’ouvrirai une enquête pour comprendre comment cela a pu arriver. Mais pour l’instant, sachez une chose : vous êtes ici, et vous êtes en sécurité. »

Je l’écoute, et quand j’entends le mot « sécurité », je lui adresse un sourire.

« Je sais que ça fait beaucoup d’un coup, et que vous avez du retard à rattraper. Alors pour éviter de vous noyer sous les informations, mon assistante va vous attribuer une chambre au dortoir et vous mettre en binôme avec l’un de nos élèves les plus brillants.

Vous aurez aussi des cours supplémentaires, des cours de rattrapage et quelques séances avec nos professeurs. Des questions ? » conclut-il, le visage fermé.

Un silence s’installe.

Puis, d’un coup, un rire m’échappe.

« Oh, t’es bon ! » je ris, « J’adore cette émission ! Je la regardais tout le temps. » Je me lève, scrutant la pièce, cherchant du regard la moindre caméra cachée.

« C’est Freya qui t’a demandé de faire ça, hein ? » je pouffe, incapable de prendre cette mascarade au sérieux.

Il faut que ce soit Freya qui m’ait piégée. Ma meilleure amie de l’école… Elle est bien capable d’un coup pareil.

« Mademoiselle Banks ! » tonne l’acteur dans le rôle de Collins, frappant du poing sur le bureau. Le geste aurait dû m’effrayer, mais au lieu de ça, je me plie de rire.

Je m’approche de lui, les yeux plissés d’amusement.

« Allez, avoue… » je murmure en attrapant un des boutons de sa chemise. L’un d’eux doit forcément être une caméra cachée. Puis, sans gêne, je passe mes mains sur son torse, à la recherche d’un micro ou de fils dissimulés.

Mais en un éclair, ses mains viennent saisir mes poignets. Je pousse un petit cri de surprise - sa poigne est ferme, presque brutale, et m’immobilise net.

Je lève les yeux vers lui. Son regard est intense, brûlant, et me transperce.

« Qu’est-ce que vous êtes en train de faire ? » demande-t-il d’une voix rauque.

« Je… je cherchais ton micro ? » Je balbutie.

« Je n’ai pas de micro. Ce n’est pas une farce. » Il marque une pause, ses doigts toujours enserrés autour de mes poignets.

« Tu viens d’arriver ici, tu es encore hors de situation, alors je vais fermer les yeux cette fois. Mais si jamais tu poses encore les mains sur moi… il y aura des conséquences. Est-ce que c’est clair ? » Sa voix est basse, vibrante de quelque chose indéfinissable.

Sa respiration brûlante me donne envie de lui demander c’est quoi les conséquences. Une remarque moqueuse me chatouille déjà la langue. Je me retiens de justesse. Mais comme s’il lisait dans mes pensées, ses yeux s’illuminent d’un bleu étrange, vif et irréel.

Et c’est là que je m’en souviens.

Ses yeux avaient déjà brillé ainsi, juste avant qu’il m’ordonne de dormir… une injonction à laquelle je n’avais pas pu résister.

Un frisson glacé remonte le long de ma colonne vertébrale. Il disait la vérité, n’est-ce pas ?

« Tu… tu m’as forcée à dormir… » souffle-je, la gorge serrée.

Il hoche lentement la tête.

Ma bouche devient sèche.

« Et… tu peux me forcer à faire quoi d’autre ? » Je déglutis. La peur, sourde et viscérale, s’installe. Cette question, je redoute la réponse. Et pourtant, je ne peux m’empêcher de poser la question.

Il ne cligne même pas des yeux.

« Tout. »

Sa voix est un murmure, un souffle grave, presque rauque. Et je pourrais jurer qu’il s’est penché un peu plus près de moi.

Mon cœur cogne si fort que j’ai du mal à respirer.

Et contre toute logique, ce n’est pas seulement la peur qui m’envahit.

Une chaleur inattendue s’insinue sous ma peau. Une réaction que je ne contrôle pas. Un sort de… désire, d’excitation. Que je ne comprends pas.

Puis, une porte s’ouvre, et tout s’évapore, brisant net l’envoûtement dans lequel il m’avait plongée.

Il me lâche aussitôt, recule d’un pas, comme si ma présence le dégoûtait.

Je me retourne pour voir l’intrus.
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