LA CAPTIVE DU LYCAN

La forêt sentait la peur.Le vent glissait entre les arbres avec un silence inhabituel, comme s’il craignait de révéler sa présence. Les branches se pliaient sous son souffle, et chaque craquement dans l’ombre faisait frémir les plus braves. Cette nuit-là, la Lune n’éclairait pas le ciel. Elle se cachait derrière un voile épais de nuages, et les ténèbres semblaient plus profondes que jamais.Isalys courait.Ses pieds nus frappaient le sol humide de la forêt, ses jambes griffées par les ronces et les branches basses. Elle sentait son cœur battre à toute vitesse dans sa poitrine, et le sang pulsait dans ses oreilles comme un tambour. L’air froid mordait sa peau, mais elle n’avait pas le temps d’avoir froid. Elle devait s’éloigner. Survivre.Derrière elle, des cris. Des hurlements. Des rugissements.La chasse était lancée.Tout avait commencé une heure plus tôt. Le village de Marnwick dormait paisiblement lorsqu’un grondement sourd s’était élevé dans l’air. D’abord lointain, presque un é

⸻Isalys avait grandi dans un monde rationnel.Elle croyait aux plantes, aux infusions, aux remèdes. Elle croyait aux battements du cœur, aux instincts, aux blessures visibles et aux mots murmurés dans la pénombre. Elle croyait à la terre. À ce qui s’explique. Ce qu’on peut toucher. Pas aux prophéties. Pas aux pactes anciens ni aux liens tissés par des forces invisibles.Et pourtant, elle portait cette marque.Elle l’avait regardée longtemps, seule dans la chambre que Thorne lui avait attribuée — un coin reculé de la grande bâtisse. La pièce était sobre, avec une paillasse, un brasero, et une bassine d’eau chaude que quelqu’un avait eu la délicatesse de déposer en son absence. Elle avait baissé sa tunique et observé la marque dans la glace de métal poli : une lune bordée de griffes, exactement comme dans les légendes murmurées par les anciens du village. Elle n’avait jamais su ce que ces contes signifiaient. Maintenant, elle en portait l’héritage.La porte s’ouvrit sur un raclement lé

Les jours passaient, lents et denses comme du miel noir. Chaque minute dans la vallée semblait chargée d’un souffle ancien, d’une tension qu’Isalys ne savait expliquer. Le soleil se levait paresseusement, et dans l’ombre des arbres, les Lycans s’activaient : entraînement, chasse, chants gutturaux. Une culture à part entière.Mais au fil des jours, Isalys commença à changer.Elle sentait l’air plus vivement. Entendait les murmures derrière les murs. Ses rêves devenaient plus clairs, plus précis. Elle se réveillait parfois avec des échos de voix dans sa tête. Et son cœur battait d’une façon nouvelle, plus fort, plus… animal.Le quatrième soir, Vaena la conduisit au Temple de Lyr.Un autel ancien, construit au creux d’une cascade gelée. Là, les anciens et les chefs de meute se réunissaient pour célébrer les unions sacrées. Ce soir, on ne célébrait rien. On préparait.— Tu dois comprendre ce qu’est le Pacte, dit Vaena, en lui tendant une robe grise, simple. Si tu acceptes Thorne… tu ne se

La forêt vibrait d’une tension sourde.Le lendemain de la tentative de profanation du cercle sacré, les sentinelles étaient en alerte. La meute, d’ordinaire bruyante et agitée, semblait marcher sur des œufs. Les regards s’échangeaient plus prudemment, les chuchotements étaient devenus la norme. Un ennemi invisible rôdait. Et Thorne ne dormait plus.Isalys, elle, se réveillait chaque matin avec des sensations étrangères : des visions brèves, des éclairs de souvenirs qui n’étaient pas les siens. Parfois, elle entendait des voix chuchoter son nom, d’autres fois elle sentait la morsure du froid alors qu’elle était au chaud. Elle avait parlé de tout cela à Vaena.— C’est le lien, avait-elle expliqué. Thorne ne te cache rien, même sans le vouloir. Et la meute te parle. Ceux qui t’acceptent… te laissent entrer dans leur esprit.— Et ceux qui ne m’acceptent pas ?Vaena avait baissé les yeux.— Ils t’excluent. Ou t’effraient. Parfois, ils essaient de te briser.⸻Un conseil d’urgence fut convo

La nuit tombait plus vite, désormais. Comme si le ciel lui-même craignait ce qui rôdait en dessous.La lune noire approchait.Ce phénomène rare : l’absence totale de lune n’était pas qu’un détail astronomique pour les lycans. C’était une faille. Un creux dans la lumière. Un moment où les protections se relâchaient, où les anciens liens pouvaient être brisés… ou corrompus.La meute se préparait, silencieuse et tendue.Isalys, elle, se refermait. Depuis le rêve de la veille (depuis la griffure ) elle sentait que quelque chose avait changé en elle. Une vibration sous sa peau. Un écho étranger dans son esprit. Elle n’était plus seule, même dans sa propre tête.Vaena évitait son regard.Lira murmurait à voix basse avec d’autres.Et Thorne… Thorne gardait ses distances.Il ne l’avait pas touchée depuis leur nuit de lumière. Comme s’il craignait que le lien ne lui échappe à nouveau. Comme s’il ne savait plus à qui il avait donné son âme.•Le jour de la lune noire, la forêt se tut. Pas un