NERIAHLa salle de réunion est baignée d’une lumière blanche, presque crue, qui glisse sur les surfaces froides et lisses de la grande table en verre.Les visages autour de moi sont concentrés, absorbés par des chiffres, des graphiques, des projections d’avenir, mais aussi par une sorte de routine mécanique.Leurs voix s’entremêlent en un murmure professionnel, monotone.Je suis là , assise droite, le dos raide, figée dans ce fauteuil.Mais mon esprit est ailleurs , loin.Tiraillé entre une peur sourde qui me serre la poitrine et une anticipation brûlante, affamée, qui me dévore de l’intérieur.J’essaie de suivre les échanges, de répondre aux questions, de noter les points essentiels.Mais tout se brouille.Les mots s’effacent derrière le martèlement régulier, inéluctable, de mon cœur.Chaque tic de la pendule, chaque respiration devient un coup sourd qui résonne dans ma tête.Comme si le temps lui-même voulait m’écraser.Puis, sans prévenir, la porte claque contre le mur avec un brui
NERIAHLe matin est un mensonge.Une caresse fade sur une plaie qui brûle encore.Je suis assise face à Liam, une tasse de café chaude entre les mains. Le parfum du pain grillé, le bruit discret des couverts contre la vaisselle, tout semble normal, presque paisible. Mais rien ne l’est. Pas à l’intérieur.Il parle de projets, de week-end, de tout ce qui pourrait ressembler à une vie simple. Ses mots flottent dans l’air comme des bulles fragiles, et moi, je me contente d’hocher la tête, d’afficher ce sourire qui n’en est pas un.Sous la table, mes jambes tremblent. Et dans ma poitrine, une autre présence pulse.Lui : Kael , je sens qu'il est proche , trop proche.Je détourne le regard, le cœur battant. Liam ne comprend pas, et c’est mieux ainsi. Ses sourcils se froncent légèrement.— Tu es sûre que ça va ?Je relève les yeux vers lui, force un sourire qui me déchire presque les lèvres.— Oui. Juste un matin un peu lourd.Il ne me croit pas. Il ne dit rien, mais je vois ses mâchoires se
KAELJe l’ai sentie.Un fragment d’elle, arraché au néant, venu me heurter en plein cœur.J’étais là, au milieu du hall désert, les poings serrés, prêt à fracasser des murs qui n’avaient rien demandé, quand c’est arrivé. Une décharge. Une secousse dans le lien. Une preuve de vie.Et le pire… c’est que ça ne m’a pas soulagé.Ça m’a brisé un peu plus.Parce que si je l’ai sentie, c’est qu’elle sait.Et si elle sait… c’est qu’elle est déjà repartie.Elle fuit encore.— Kael.La voix de Bryn me rattrape, posée, maîtrisée. Trop calme pour ne pas être calculée. Il s’avance dans le couloir, son manteau détrempé, les yeux plus sombres que la nuit elle-même.— Dis-moi que tu ne vas pas faire une connerie.Je ne lui réponds pas.Je fixe la porte devant moi. Elle est là, derrière. Enfin… elle l’était.Tout dans cette pièce sent Neriah. Sa chaleur, sa colère, son parfum. Et ce vide.— Elle m’a laissé quelque chose.Je tends le morceau d’écharpe, froissé, trempé par mes doigts, comme une offrande
NERIAHLe souffle chaud de Liam contre ma nuque.Sa main sur ma hanche, paume ouverte, possessive dans son sommeil.Le drap glisse sur nos peaux encore moites, et la chambre baigne dans la lumière bleutée de l’aube. Tout semble calme. Lent. Doux.Mais je suis déjà ailleurs.Les yeux ouverts. Le cœur trop rapide. L’estomac noué.Quelque chose vient.Et je le sens. Pas comme un danger. Comme un grondement sous ma peau.— Tu dors encore ? murmure Liam.Je ferme les yeux trop vite. Trop fort. Il le sent.Il se redresse un peu, pose un baiser dans le creux de mon épaule.— Tu es tendue.Je hoche la tête sans répondre. Mes lèvres sont sèches.Ses doigts s’enroulent dans mes cheveux, glissent lentement jusqu’à ma nuque.— Tu fais encore ces cauchemars ? Ceux où tu cries ?Je m’efforce de sourire. Un rictus. Rien de sincère.Je me tourne vers lui, mords ma lèvre pour étouffer l’instinct.L’envie de fuir.Il est beau. D’une beauté rassurante, humaine, simple.Pas comme l’autre.Pas comme lui.
KAELQuand je sors enfin, la lumière du matin me frappe comme une gifle.Elle ne réchauffe rien. Pas mes os. Pas mon cœur. Pas cette rage froide qui s’est logée dans mon ventre depuis que je sais.Depuis que je sens.Ma meute s’étend sur des kilomètres, au-delà des forêts, des montagnes et des rivières. Elle n’est pas qu’un regroupement de loups. C’est un royaume.Structuré , hiérarchisé , redoutable.Et aujourd’hui, j’en suis le roi.Je traverse le domaine à grandes enjambées. Chaque sentinelle me salue, baisse les yeux, sent l’orage dans mon sillage. Je ne réponds pas. Pas un mot. Pas un regard. Je suis déjà ailleurs.Son visage me hante. Il est ancré en moi. Gravé dans chaque battement de mon cœur.Je connais la moindre courbe de ses pommettes, l’ombre douce de ses cils, la ligne fière de sa mâchoire. Même ses silences ont une forme que je saurais reconnaître dans la foule d’un millier d’inconnus.Et c’est ça que je veux fixer.Son image. Sa vérité.Je pousse la porte de l’atelier
LIAMLa lumière entre en traînées dorées, douce et furtive, elle caresse la peau nue, glisse sur ses épaules, dépose un frisson léger, presque imperceptible.Elle dort encore, blottie contre moi, ses bras comme un refuge fragile, son souffle une berceuse apaisante.Je la regarde.Je la contemple.Le tumulte d’hier soir sauvage, brut, viscéral s’est mué en une paix étrange, une trêve suspendue.Je sens chaque battement de son cœur contre ma poitrine, irrégulier, fragile, mais vivant.Mes doigts explorent son visage, effleurent la courbe délicate de sa mâchoire, le pli doux de ses lèvres encore humides.Je m’abandonne à ce moment comme à un dernier souffle avant la tempête.Ses paupières s’ouvrent doucement, dévoilant des yeux encore embués de rêves.Elle cherche mes yeux, s’y perd, y trouve un havre.— Liam… murmure-t-elle, sa voix tremblante, encore emprisonnée dans la nuit.Je passe une main dans ses cheveux emmêlés, et le monde bascule dans la simplicité de cet instant.Je ne veux r