IV : Trop tard.

Je reprends une bouchée de ma barbe à papa en voyant Ava hurler de toute ses forces dans le manège. Elle m'a forcé à venir avec elle à la foire, avant que ma mère ne s'en aille c'était une tradition de venir ici chaque année, ça me fait du bien de revoir cette femme que je considérais comme ma tante en tout cas.

Comme toujours Adrian reste à côté de moi et on a une équipe éparpillée dans le coin au cas où il se passerai quelque chose.

- Ta mère serai fière de voir que tu as retrouvé le sourire. Dit Evelyne, en passant une main sur ma joue.

Si seulement elle savait...

Je souris et elle dépose un baiser sur ma tempe.

Si seulement elle savait que ce soir j'irai la rejoindre, que je la retrouverai au ciel.

Que je pourrai enfin être dans ses bras, sentir son odeur, entendre sa voix.

J'arrive maman, on va enfin se retrouver.

Je tourne la tête vers Adrian, qui m'analyse du regard.

- Tout va bien ?

J'hoche la tête.

- On peut rentrer ? Je suis fatiguée.

Il appuie sur son oreillette et fait passer le message aux autres hommes, j'enlace Ava et Evelyne une dernière fois, Ava me dit qu'elle viendra me voir demain, mais ce sera trop tard.

*

Je m'assois à table avec mon frère et mon père, j'ai pas vraiment appétit mais j'essaie de manger au mieux.

- Je suis désolée pour ce matin... je marmonne.

- Ce n'est rien, c'est bon.

- C'était bien la foire avec Ava ?

J'hoche la tête.

- J'ai revue Evelyne aussi.

- Elle va bien ?

- Oui, comme toujours. C'est Evelyne quoi, maman l'aimait autant pour sa bonne humeur et son optimisme. J'ai pas faim, je vais me coucher.

- Bonne nuit mon ange.

Je dépose un baiser sur la joue a mon père et à Livio aussi avant de monter à ma chambre. Adrian est en pause.

Je récupère deux feuilles avec un stylo, je ne peux pas partir sans leurs laisser un mot.

Je sens les larmes monter en écrivant mes derniers mots, c'est peut-être égoïste, mais je n'en peux plus de tout ça, je n'ai pas envie de continuer, et encore moins de vivre dans cet état toute ma vie.

Adrian

Je sens que quelque chose ne va pas. C'est trop bizarre la façon par laquelle elle a agit, elle était bien trop heureuse, elle profitait bien trop, comme si...

Comme si elle était en train de vivre son dernier jour.

Je me redresse directement dans mon lit. Non, elle n'aurai pas osée, elle n'aurai pas fait ça ?

Je me lève et fonce dans sa chambre, elle n'est pas dans son lit, la porte de la salle de bain est fermée.

- Lyana, ouvre la porte. Dis-je en la tambourinant, elle a fermé à clé.

Je l'entends sangloter derrière, deux lettres trônent au pas de la porte, Livio et Papa.

Non, merde, elle ne peut pas faire ça. Elle ne peut pas.

- Lyana ! Ouvre cette porte !

- Va t'en !

- Ouvre !

- C'est déjà trop tard.

Je sens mon cœur s'affoler, trop tard ?

Qu'est-ce qu'elle a fait ?! Pourquoi elle m'en a pas parlé ?! Pourquoi elle a fait ça ?!

J'ai perdu une personne de cette façon, j'en perdrai pas deux, c'est hors de question.

Je prends mon arme et tire dans la serrure, la porte s'ouvre.

Elle est assise par terre. J'aperçois des dizaines de plaquettes de pilules.

Vides.

- Qu'est-ce que tu as fais ? Non, non, non ! Pourquoi tu as fais ça ?! Dis-je en prenant son visage en coupe.

Pourquoi ? Pourquoi tu t'infliges autant de mal ?

Elle est en sanglots, sa poigne s'ouvre et j'aperçois les tonnes de médicaments qui y sont. Je m'empresse de tous les vider dans les toilettes et de tirer la chasse.

- Laisse-moi tranquille... pourquoi tu ne me laisses pas... j'ai pas envie de continuer, j'en ai pas envie...

Je m'assois à ses côtés et la prends dans mes bras. Je devrai sûrement appeler son père et Livio pour qu'ils rentrent et s'occupent d'elle, mais je ne pense pas que ce soit ce dont elle a besoin.

- J'en peux plus de tout ça... laisse-moi retrouver ma mère... je t'en supplie laisse-moi retrouver ma mère...

- Calme-toi Lyana, calme-toi, respire.

Je la prends sur mes genoux, elle enfouie la tête dans mon cou. Laissant toutes ses larmes couler.

Je sens mon cœur se serrer en la voyant pleurer de cette façon.

La première fois que je l'ai vu, il y a trois ans, elle était si heureuse, si joyeuse.

Pourquoi le monde s'est déchaîné sur elle comme ça ? Sur un ange comme elle ? Elle n'a jamais rien fait de mal à personne, elle a juste essayé d'être une bonne personne rien de plus...

- Ne le dit pas à mon père, je t'en supplie Adrian...

Elle se met en face de moi, elle me supplie des yeux de ne pas le faire.

- Alors promets-moi de ne plus jamais recommencer.

- Je te le promets, je te le jure mais je t'en supplie ne dit rien à mon père ni à mon frère, par pitié...

- D'accord, je ne dirai rien.

Elle me reprend dans ses bras. Je caresse ses longs cheveux bruns tout en essayant de la rassurer au mieux, si j'étais arrivé deux minutes plus tard... je ne veux même pas imaginer.

Je l'emmène dans son lit, elle a arrêté de pleurer.

- Lyana... c'est pas ça la solution, tu le sais.

- J'ai plus envie de la chercher, la solution. J'ai plus envie Adrian.

- Tu ne peux pas faire ça, Lyana te tuer n'arrangera rien, tu ne te rends pas compte à quel point tu es précieuse pour ton père et ton frère, ne leurs fait pas ça.

Ses larmes reviennent.

- Arrête de te faire du mal, s'il te plaît, arrête. Ça ira mieux, je te le promets, tu finiras par t'en remettre et tu seras plus forte que jamais, mais mourir, ce n'est pas une solution.

Elle renifle en essuyant ses larmes.

- Tu peux rester avec moi ? S'il te plaît... j'ai tellement peur...

- Je suis là, t'en fais pas.

Je m'allonge à ses côtés et l'enlace contre moi. Tant de souffrance dans un si petit être, c'est injuste, putain de monde injuste de merde.