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Chapitre 6 — Sous tension 6

Author: Eternel
last update Last Updated: 2025-08-08 23:10:45

ÉLISE

Le gravier crisse sous mes talons alors que je traverse le chantier. Le soleil tape déjà fort pour un matin d’août. L’air sent le béton chaud, la poussière et la sueur ce mélange qui m’est devenu presque familier.

Je garde la tête haute, les pas sûrs, même si tout, à l’intérieur, tangue.

Il est là.

Je l’ai vu dès que j’ai passé le portail. Il était penché sur un plan, debout à côté d’un camion de livraison, le t-shirt noir tendu sur ses épaules larges, taché de peinture, de ciment et de quelque chose de plus brut encore. Sa nuque luisait de sueur. Il a levé les yeux une demi-seconde.

Et m’a ignorée.

Volontairement.

Mon cœur cogne trop fort. Une alarme sourde dans ma poitrine. Une douleur familière.

Je l’ai mérité, sûrement. Mais ça n’aide en rien.

Je serre la mâchoire, ajuste mon casque, et me force à marcher droit. Professionnelle. Intouchable. Je me fonds dans les ordres, les instructions, les relevés, les bruits métalliques du chantier. Tout pour éviter de croiser ses yeux.

Mais je le sens. Il est là, quelque part derrière moi. Parfois devant. Trop près. Jamais assez loin.

C’est comme une tension électrique dans l’air. Chaque fois que je bouge, j’ai l’impression de frôler un fil à nu.

Il passe à quelques mètres de moi. Son bras à peine à portée du mien. Il ne tourne même pas la tête.

Mais je capte l’odeur celle de sa peau chauffée au soleil, du tabac froid sur ses doigts, de cette virilité brute qui me retourne l’estomac. Et ce n’est pas de la peur. C’est pire.

Je retiens mon souffle.

Mon corps est une trahison vivante.

Je lui tourne le dos. Je parle trop fort. Je souris trop. Je pose les yeux sur les plans sans les lire. Je fais semblant d’être là, alors que je ne suis que dans l’espace entre nous.

Il ne me regarde pas.

Et c’est une brûlure.

MARCUS

Elle se croit invisible. Détachée. Elle joue la femme de glace, distante, parfaite.

Mais je vois tout.

Je vois la tension dans sa nuque. Le poing qu’elle referme sur son stylo quand je m’approche. La façon dont ses yeux s’attardent trop longtemps sur les échafaudages pour faire semblant de s’intéresser à autre chose qu’à moi.

Elle croit me punir en m’ignorant. Elle se punit elle-même.

Elle n’a aucune idée du chaos qu’elle fout dans ma tête.

Putain.

Chaque fois que je la vois, c’est comme si une lame chaude me traversait la poitrine. Je pense à sa bouche contre la mienne. À sa voix quand elle perdait le contrôle. À ses jambes autour de mes hanches. Aux marques qu’elle m’a laissées. À celles que j’ai pas osé lui laisser.

Je pense à ce qu’elle a dit. Ce qu’elle croit.

Et ça me bouffe.

Je devrais la haïr. La mépriser pour m’avoir collé cette gifle, pour m’avoir craché à la gueule qu’elle s’était sentie "utilisée", comme si j’étais un putain de prédateur.

Mais je la veux encore.

Et je me hais pour ça.

Je m’occupe les mains. Je donne des ordres. Je monte sur les échafaudages avec plus de hargne que nécessaire. Je cogne un outil, il tombe, je grogne. Tout m’irrite. Surtout elle.

Elle bouge à quelques mètres , trop près. Toujours trop près.

Elle fait semblant d’être ailleurs.

Mais elle est là , pleine, brûlante, magnifique. Et j’ai envie de la plaquer contre le mur brut du bâtiment en construction et de lui rappeler ce que c’est que de se taire et de ressentir.

Mais je ne fais rien.

Je me tais aussi.

Et je brûle.

ÉLISE

Il finit par me parler.

À voix basse. Entre deux consignes, comme s’il m’adressait une remarque technique. Mais chaque mot claque comme un reproche.

— La poutre du deuxième est mal alignée. Vous devriez regarder ça, cheffe .

Cheffe !

Ce mot dans sa bouche, c’est une gifle. Il le crache comme une insulte.

Mais ce n’est pas ce mot qui me fait le plus mal. C’est le ton. Glacé. Distant.

Il me parle comme à n’importe quel autre responsable de projet.

Et c’est ça, le vrai supplice.

Je me tourne vers lui.

Son regard me percute de plein fouet , dur , impénétrable. Mais je vois, derrière ça le feu.

Toujours là.

J’avance d’un pas. Juste assez pour lui rappeler que moi aussi, je brûle.

Mais je me tiens droite , fière. Imperméable.

— C’est ce que je compte faire, contremaître.

Je le pique volontairement.

Il ne bouge pas. Il me fixe.

Son silence est un champ de mines.

MARCUS

Elle est à deux doigts de moi.

Trop proche , trop belle , trop arrogante et trop consciente de ce qu’elle fout à mon corps.

Je sens sa respiration, rapide. Elle a l’air calme, mais je vois ses doigts crispés sur la tablette.

Je vois la panique dans ses pupilles.

Et je veux la faire craquer.

Je veux la voir s’effondrer , tomber de son piédestal. Revenir à ce qu’on était, à ce qu’elle était quand elle m’a supplié de ne pas m’arrêter.

Mais je me retiens.

Je prends une inspiration, douloureuse.

Et je dis :

— Très bien.

— Alors on n’a plus rien à se dire.

Et je me détourne.

Pas pour partir.

Pour survivre.

Parce que si je reste une seconde de plus, je vais la prendre là, contre l’armoire à plans. Et elle le sait.

ÉLISE

Il part. Je le regarde s’éloigner.

Chaque muscle de son dos est tendu. Il est furieux. Contre moi. Contre lui-même.

Et moi, je suis là, figée, le cœur au bord des lèvres.

Je me sens vide , brûlée.

Mais pas guérie , pas calmée.

C’est pire.

C’est insoutenable.

C’est prêt à exploser.

Et je sais qu’un jour prochain… ça explosera.

Peut-être demain.

Peut-être ce soir.

Mais pas maintenant.

Maintenant, il faut tenir.

Faire semblant encore un peu.

Avant que l’un de nous deux finisse par céder.

Et cette fois, il n’y aura plus de retour en arrière.

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