SANAA
Demain, je m’envole. Je quitte cette ville, cette cage où il m’a enfermée corps et âme. Demain, c’est fini. Ou du moins, c’est ce que je me répète, parce qu’au fond, je sais que rien ne s’efface si facilement.
Je me réveille avec le goût âcre de lui sur ma peau, un souvenir brûlant qui colle à mes pensées comme une marque indélébile. Une brûlure sourde, une promesse cruelle qu’il a laissée au creux de mon corps, et qui pulse encore sous mes doigts tremblants.
Je traîne mes pas jusqu’à la formation, dernier jour, dernière heure. Sa voix est lointaine, un murmure glacial qui se fraie à peine un chemin dans le brouillard de mon esprit. Je ne vois que lui. Sa silhouette parfaite, cette ombre découpée dans la lumière crue de la salle, puissante et menaçante. Son regard me dévore, m’enchaîne, même dans son silence.
Quand la session s’achève enfin, il est là, immobile, une statue de pouvoir et de désir contenu.
— J’ai quelque chose à te montrer, murmure-t-il, sa voix grave éraillée par la tension.
Je hoche la tête, incapable de refuser, déjà suspendue à ses lèvres.
La nuit est tombée quand nous arrivons devant une porte discrète, presque invisible, à peine éclairée d’un néon tamisé. Un écriteau minimaliste : Le Jardin des Libertés.
Un club échangiste.
Mon cœur s’emballe, mon corps se crispe comme si je m’apprêtais à plonger dans un abîme.
Il m’entraîne à l’intérieur. L’air est saturé de fragrances sucrées et épicées, lourdes, presque étouffantes. La chaleur humaine se répand dans la pièce, mêlée à celle des corps qui s’entrelacent, se cherchent, se consument. Les murmures se fondent à la musique, une basse lourde, pulsante, qui résonne dans ma cage thoracique. Les regards se croisent, s’allument, se défient.
Il serre ma main avec une force possessive, presque douloureuse.
— Ce soir, oublie tout. Tu es à moi. Et à personne d’autre.
Je sens son corps contre le mien, solide, droit, ce mélange d’autorité froide et d’une intensité brûlante qui me fait frissonner.
Ses mains, larges et sûres, glissent sur mes hanches, caressant la courbe de mes reins avec une précision de prédateur. Sa peau est chaude, presque rugueuse, contrastant avec la douceur de mes propres frissons.
Son regard, sombre et profond, est un océan où je me perds, où je sombre volontairement.
À côté de lui, l’autre homme surgit, imposant, athlétique. Sa mâchoire carrée, son visage marqué par quelques jours de barbe de plusieurs jours, lui donne un air sauvage, presque bestial.
Son regard noir, perçant, est une invitation autant qu’un défi. Il avance vers moi avec une confiance implacable, une force tranquille qui me déstabilise autant qu’elle m’attire.
Il effleure ma peau nue d’une main experte, ses doigts explorant lentement chaque parcelle qu’il découvre, une caresse à la fois douce et revendicatrice.
Je sens une vague de frissons me traverser. Mon corps, jusque-là tendu par la peur, vacille.
Il s’approche encore, ses lèvres frôlant ma nuque, déposant un souffle chaud, un murmure rauque qui s’infiltre en moi.
— Tu n’as rien à craindre. Ce soir, tu choisis, Sanaa. Je ne suis qu’un écho, un reflet de ce que tu veux explorer.
Ses mots sont une invitation, un pont jeté au-dessus de mes doutes.
L’homme que je connais, celui qui m’a prise, possédée, blessée, se fait plus doux, plus attentif à mes hésitations.
Il semble vouloir me protéger même en me partageant.
Je ferme les yeux, je respire profondément, laissant les sensations s’amplifier.
Le troisième homme glisse alors une main audacieuse entre nous. Je ne l’écarte pas.
Au contraire, j’accueille ses caresses, les tremblements qui parcourent ma peau.
Je me laisse envahir, déchirée entre la peur de perdre le contrôle et l’extase de me sentir désirée, revendiquée.
Leurs mains parcourent mon corps en une symphonie électrique.
Les baisers, alternant entre feu et douceur, embrasent chaque parcelle de peau, chaque nerf.
Ils m’entraînent dans une danse sauvage, où chaque mouvement est une promesse, une revendication.
L’un me plaque contre le mur, ses mains serrant mes hanches, m’immobilisant tout en me consumant.
L’autre, plus patient, explore mes courbes, ravivant des zones enfouies, oubliées.
Leurs souffles se mêlent sur ma peau, la chaleur qui se répand comme une flamme insatiable.
L’un me pénètre avec une force déchaînée, sauvage, chaque coup de bassin est une explosion brutale.
— Putain, t’es à moi, hurle-t-il dans mon oreille, sa voix rauque de désir sauvage.
L’autre suit, lentement, chaque mouvement un délice, chaque soupir qu’il suscite est une offrande.
— T’es tellement bonne, murmure-t-il, mordillant ma peau avec une possessivité presque douloureuse.
Je me perds dans cette tempête de plaisir, déchirée entre douleur et extase.
Mes gémissements s’élèvent, tremblants, rauques, se mêlant aux leurs.
— Oh oui, plus fort, plus profond… prends-moi encore, insulte l’un.
— Lâche-toi, salope, je vais te faire hurler, menace l’autre.
Leurs corps s’accordent en une danse sauvage, un chaos orchestré qui me consume.
Je hurle, je m’abandonne, je me perds dans cette folie d’extase.
Mes mains cherchent leurs corps, agrippent, suppliant, voulant toujours plus, refusant que ça s’arrête.
Quand le souffle final me traverse, ils se serrent contre moi, protecteurs et conquérants, deux forces indomptables unies par leur désir pour moi.
Le club tout entier semble s’effacer autour de nous.
Il ne reste que nous trois, perdus dans cette nuit infinie, suspendus à l’instant où tout bascule.
Demain, je partirai.
Mais ce soir, je brûle.
Je brûle au feu de deux hommes, de deux forces que je ne pourrai jamais oublier.
CamilleIl est si proche que j’ai l’impression que chaque battement de son cœur résonne contre ma poitrine, que chaque souffle qu’il laisse échapper vient s’écraser sur ma peau comme une caresse brûlante.L’air est dense, presque épais, saturé de cette tension qui gonfle entre nous depuis des nuits, et j’ai le sentiment étrange que la pièce a rétréci, que tout l’hôpital se réduit à cet espace minuscule où il n’y a plus ni patients ni protocoles, juste lui et moi, et cette urgence qui nous consume lentement.Ses mains quittent ma taille avec une lenteur calculée, comme s’il voulait imprimer la chaleur de ses paumes sur ma peau, avant de descendre le long de mes hanches, suivant une trajectoire lente, presque hypnotique. Ses doigts glissent, s’attardent, dessinent des lignes invisibles qui me font frissonner et me donnent l’impression qu’il me lit comme on explore un territoire interdit. Chaque geste est précis, sûr, mais derrière cette maîtrise parfaite je sens quelque chose qui vibre,
CamilleSes mains ne me quittent plus.Elles tracent sur moi des lignes invisibles, comme s’il cartographiait chaque parcelle de ma peau pour s’en souvenir plus tard, dans le noir, quand je ne serai plus là.Ses doigts sont chauds, fermes, d’une lenteur calculée qui me rend presque folle. Je sens mes muscles se tendre à chaque passage, puis céder, comme s’il dénouait un à un tous les points où je garde encore un semblant de résistance.Son souffle chaud descend le long de ma clavicule et s’attarde, brûlant, dans le creux de mon cou. C’est un frisson liquide qui coule en moi, partant de ma gorge pour se répandre plus bas, bien plus bas.Il remonte à mon oreille, et ses lèvres frôlent mon lobe à peine, juste assez pour que ma respiration se brise. Sa voix, basse, grave, se glisse directement dans ma poitrine.— Tu es venue pour ça… avoue-le.Je pourrais mentir. Me détourner. Lui dire que non.Mais mes mains l’ont déjà trahi. Elles se sont faufilées sous sa chemise, ont rencontré cette c
CamilleJe croyais avoir dompté cette fièvre, ce trouble qui me prenait chaque fois que je croisais son regard. Je me disais que ce n’était qu’un effet secondaire de la fatigue, une réaction chimique alimentée par les longues nuits de garde et le manque de sommeil. Une illusion passagère.Mais je me trompais.Cette brûlure est toujours là, tapie sous ma peau. Et ce soir, elle pulse plus fort.Parce que c’est lui. Encore.Le couloir est presque vide, étouffé sous la lumière pâle des néons qui grésillent par intermittence, comme si même l’électricité hésitait à troubler le silence. Mes chaussures glissent doucement sur le carrelage, le frottement discret résonne dans mes oreilles. Chaque pas que je fais me rapproche de la porte du bloc 7. Je ne sais pas pourquoi je viens ici. Ou plutôt, je le sais trop bien.Je le sens avant même de le voir.Cette façon qu’a l’air de se tendre, ce changement imperceptible dans l’atmosphère… il est là.Je franchis l’embrasure, et il relève la tête. Ses y
CamilleLa nuit s’étire, lourde et dense, comme un drap humide que l’on peine à tirer. Les couloirs sont presque vides, les lumières blafardes se reflètent sur le carrelage luisant, et je sens, à chaque pas, la fatigue se glisser dans mes chevilles, dans mes épaules, jusque dans ma nuque. Pourtant, je ne parviens pas à penser à autre chose qu’à lui. Ses yeux gris qui, encore, traversent ma mémoire comme une lame douce, ses mains qu’il a relevées pour retrousser ses manches, le mouvement précis, presque sensuel, qui m’a paru durer plus longtemps qu’il ne l’a vraiment fait.Je termine un pansement dans la chambre 214 quand une voix basse, derrière moi, vient briser le silence :— Vous travaillez trop vite…Je me retourne d’un geste et il est là. Le docteur Morel. Appuyé contre l’encadrement de la porte, les bras croisés, le regard fixé sur moi avec cette intensité qui m’avait déjà frappée dans le couloir. Sa présence emplit la pièce comme une chaleur qui n’a rien à voir avec le chauffag
CamilleL’hôpital, la nuit, a une odeur différente. Moins âcre, moins saturée par le désinfectant qu’en journée, comme si les murs eux-mêmes retenaient leur souffle. Les couloirs semblent plus longs, les plafonds plus hauts, et chaque ombre s’étire sur le carrelage comme pour remplir le vide. Les sons sont rares, étouffés, presque discrets : le roulement lointain d’un chariot que je devine plus que je ne vois, le bip régulier d’un moniteur qui pulse quelque part derrière une porte close, le soupir discret d’un ascenseur qui s’ouvre au bout du couloir. Même mes propres pas paraissent plus mesurés, absorbés par cette atmosphère en suspens. J’aime cet entre-deux, cette impression que le temps ralentit juste pour ceux qui savent écouter. C’est mon territoire.Je marche, le dossier serré contre ma poitrine comme un ancrage, quand une silhouette attire mon regard, au détour d’une chambre. Lui. Le docteur Morel. Il sort lentement, refermant la porte derrière lui avec un geste sûr, presque ab
SANAALe matin me tombe dessus comme une lame glacée, brutale et implacable.Je n’ai rien vu venir. Pas cette lumière grise qui filtre à travers les rideaux tirés, pas ce poids sourd qui pèse sur ma poitrine.Mes paupières s’ouvrent lentement, comme si chaque seconde m’arrachait un morceau d’âme. L’air est lourd, presque suffocant, chargé de silence et d’absences.Mes muscles protestent, douloureux, brûlés par chaque mouvement que j’ose faire. Ma peau porte encore les marques brûlantes de la nuit passée : rougeurs profondes, empreintes fugaces, morsures douces-amères qui palpitent sous mes doigts tremblants.Je reste allongée, immobile, comme si bouger allait tout effacer. Mais rien ne s’efface jamais.L’odeur âcre de leurs corps mêlée à la mienne flotte autour de moi, insidieuse, invincible.Leurs voix graves, leurs respirations rauques, le choc des peaux, tout résonne encore dans mes oreilles comme un écho obsédant.Je suis encore prise au piège, possédée par ce souvenir, écartelée