Chapitre 3

Julien s'est arrêté sur le seuil, ramenant Alice près de lui. Ses yeux étaient froids, distants, comme s'il regardait une étrangère, et non sa propre fille.

Le visage d'Alice, quant à lui, rayonnait d'espoir, espérant que je disparaisse enfin.

« Je... »

Un instant, j'ai failli leur dire la vérité. Mais je me suis souvenue des mots de Simon la veille : « Laisse tomber. Quoi que ce soit, cela ne nous concerne pas. »

Ces mots m'ont de nouveau frappée comme une gifle. J'ai avalé mon explication avant qu'elle ne sorte de ma gorge.

Si je partais silencieusement, je pourrais me dire plus tard qu'ils ne savaient pas, et non qu'ils s'en moquaient.

« J'étais très occupée par le travail à l'institut de recherche, » ai-je finalement dit. « Je vais y rester quelque temps... »

Le regard de Julien s'est assombri. « Alors quand tu as dit que tu ne reviendrais jamais, qui essayais-tu de menacer exactement ? Parler ainsi aux Omégas... tu veux que tout le monde pense qu'on te maltraite ? » Sa voix s'est élevée en un rugissement.

Lucas a laissé échapper un rire froid. « Si tu veux partir, alors pars. Personne ne va te supplier de rester. »

« Papa, ne dis pas ça. » Le ton d'Alice était doux, fragile, empreint d'une fausse compassion. « Zoé ne le pensait pas. Ne dis pas qu'elle ne peut pas revenir. Tu vas la rendre triste. »

Puis elle s'est tournée vers moi, esquissant un sourire. « Ne dis pas de choses pareilles, Zoé. Tu vas les rendre tristes. »

« Ils ne deviennent tristes que pour toi, » ai-je répliqué sèchement.

Un éclair de triomphe a traversé les lèvres d'Alice avant qu'elle ne le cache derrière une expression douce.

« Surveille ta parole ! » a grondé Lucas. « Tu ne peux pas parler correctement à ta sœur sans crier ? »

Je n'ai rien dit. Je me suis détournée, essuyant mes larmes avant qu'elles ne tombent. Puis je suis montée et ai fini de faire ma valise.

Le soir venu, je me tenais devant la porte avec mes bagages.

Une averse soudaine s'est abattue, obscurcissant le jardin à l'extérieur.

« Eh bien. Toujours là ? » Julien a ricané depuis le canapé, journal à la main. « Tout ce temps passé à faire tes valises depuis midi juste pour qu'on t'arrête ? Qu'est-ce que tu attends ? Un peu de pluie ne devrait pas t'empêcher de partir. »

« À midi, tu étais si sûre de ne jamais revenir, » a ajouté Lucas, les yeux froids et moqueurs. « Où est passé tout ton courage ? »

Puis il s'est tourné pour peler une orange pour Alice, son expression s'adoucissant instantanément.

Alice s'est approchée de moi, sa voix douce. « Il pleut fort, Zoé. Pourquoi ne pars-tu pas demain ? »

Elle a tendu une main, mais je savais qu'il valait mieux ne pas la toucher. Si je la prenais, elle la retirerait brusquement, éclaterait en sanglots et m'accuserait de l'avoir menacée.

« Laisse-la partir, Alice, » a dit Simon en la tirant derrière lui, comme pour la protéger. « Si elle veut partir, laisse-la faire. »

Leurs mots se sont coincés dans ma gorge. J'ai serré les dents, agrippé la poignée de la valise si fort que j'en avais mal aux doigts, puis je suis entrée dans la pluie.

« Mademoiselle... votre parapluie... » une servante Oméga a couru après moi.

« Ne le lui donnez pas ! » La voix de Julien est venue derrière moi. « À partir d'aujourd'hui, elle ne fait plus partie de cette famille ! Supprime son empreinte digitale du système de la maison ! »

Un bruit de fracas a suivi son cri.

La pluie se mêla à mes larmes, brouillant ma vision. J'ai continué à marcher jusqu'au coin, où la voiture de Léo attendait.

Léo était l'Alpha de la tribu du Sud, et le sponsor du projet de recherche. Il travaillait depuis des années sur une formule pour atténuer la douleur de la transformation.

Il admirait mes compétences en recherche, m'avait invitée d'innombrables fois auparavant. J'avais toujours refusé... jusqu'à maintenant.

Quand j'ai finalement accepté, il a été si content qu'il est venu lui-même me conduire à l'aéroport.

« Je suis justement venu te chercher, » a-t-il dit, ouvrant le coffre et soulevant ma valise. « Pourquoi marches-tu sous la pluie ? »

« Ah, » le rire froid de Simon a traversé la pluie battante. « Voilà donc la vérité. Tu as dit que tu ne reviendrais jamais parce que tu as trouvé un nouvel Alpha. »

« Tu déménages chez lui ? »

La mâchoire de Léo s'est serrée. « Je ne suis pas son petit ami. Elle va... »

« Léo, » l'ai-je interrompu rapidement en secouant la tête.

Simon a froncé les sourcils. « Va où ? Je croyais que tu allais à l'institut ? »

« Ce n'est rien. Tu le sauras bien assez tôt. »

Avant même que Simon comprenne ce que je voulais dire, il tirait sur la portière de la voiture. « Zoé, sors de la voiture ! »

Son expression était féroce, furieuse, mais en dessous, j'ai aperçu quelque chose d'autre. De la panique. Du regret.

Quoi que ce soit, je ne voulais plus le voir.

Léo a démarré la voiture et est parti. Dans le rétroviseur, Simon est resté immobile, sous une pluie battante, jusqu'à ce qu'il disparaisse dans l'obscurité.

À l'aéroport, avant l'embarquement, mon professeur a appelé.

« Tes données seront supprimées à minuit, » a-t-il dit. « Une fois fait, Zoé Hugo cessera d'exister. Dis au revoir une dernière fois. »

J'ai fixé mon téléphone longtemps, ne sachant quoi faire.

Puis une notification est apparue : la nouvelle publication d'Alice sur Instagram.

Sur la photo, elle était assise au centre, rayonnante. Mes trois pères se tenaient derrière elle, la regardant avec un sourire radieux, comme si elle était leur soleil.

Les mots sous la photo : « C'est tellement merveilleux d'avoir trois Alphas papas. »

Ma gorge s'est serrée. La place du milieu... elle était autrefois la mienne.

Pourtant, j'ai hésité, puis j'ai quand même appelé.

« Allô ? Zoé ? » La voix d'Alice m'a répondu, légère et joyeuse.

« Où sont les papas ? » ai-je demandé doucement.

« Julien cuisine un steak pour moi, Lucas ouvre mes colis et Simon répare mon portemanteau, » a-t-elle dit d'une voix douce. « N'hésite pas à me dire si tu as besoin de quelque chose, ils sont occupés. »

« Alice, viens manger. Ne perds pas ton temps avec elle, » la voix de Julien s'est fait entendre faiblement en arrière-plan.

« Tu as besoin de quelque chose, Zoé ? Sinon, je vais manger maintenant, » a dit Alice. Je pouvais entendre la suffisance dans sa voix.

« Non, » ai-je murmuré. « Rien d'autre. Au revoir. »

J'ai terminé l'appel, retiré la carte SIM et l'ai jetée dans une poubelle.

Quand l'avion a décollé, j'ai regardé par le hublot. Les lumières de la ville en contrebas étaient floues à cause de la brume et de la distance.

« Au revoir, » ai-je pensé.

Au revoir, papas.