RoxaneJe sais qu’elle prépare quelque chose.Maud est trop méthodique pour laisser un affront comme celui de ce matin sans réponse.Et si je veux survivre dans cet univers, je dois être plus rapide qu’elle.Je m’installe à mon bureau, les doigts tapotant nerveusement le bois. L’open space est bruyant, rempli des discussions feutrées des employés, du claquement des claviers et du bourdonnement constant des téléphones. Mais tout ça ne m’atteint pas.Je suis en guerre.Et dans une guerre, il faut des alliés.Je fais glisser mon regard sur l’équipe. Qui est avec elle ? Qui est neutre ? Qui pourrait être de mon côté ?À ma gauche, Jeanne, une assistante de direction, semble absorbée par son écran. Je sais qu’elle respecte Maud, mais pas au point d’être aveuglément loyale.À ma droite, Nathan, l’un des analystes financiers, me jette un coup d’œil discret. Lui, en revanche, n’aime pas Maud. Trop autoritaire. Trop froide. Il pourrait être utile.Je sors mon téléphone et lui envoie un message
---RoxaneJe serre les dents.L’e-mail clignote toujours sur mon écran, sa menace froide s’infiltrant sous ma peau.“On sait qui tu es. On sait ce que tu veux. Tu ne gagneras pas.”Une rage sourde me prend à la gorge.Je ne suis pas née pour me laisser intimider.L’open space bruisse autour de moi, les discussions et les frappes sur les claviers se fondant en un bruit blanc que je ne perçois plus.J’ai une ennemie.Et maintenant, elle a frappé en premier.J’ignore qui a envoyé ce message, mais je connais la main qui l’a guidé.Maud.Elle veut me faire comprendre que je suis une intruse. Que ce terrain lui appartient et qu’elle n’a pas l’intention de le partager.Je souris.Parfait.Qu’elle sache que je ne suis pas ici pour jouer les figurantes.Je lève les yeux, et mon regard croise celui d’Elias, à travers la paroi vitrée de son bureau.Il m’observe, silencieux.Je ne détourne pas les yeux.Un long échange muet.Je devine la question dans son regard : “Que vas-tu faire ?”Je me redr
RoxaneLes jours suivants sont une danse mortelle.Maud ne recule pas.Je m’y attendais.Mais elle a accéléré le tempo.Chaque matin, je trouve une nouvelle attaque dissimulée sous une politesse feinte. Des dossiers introuvables, des e-mails jamais envoyés, des erreurs qui ne sont pas les miennes mais qui portent mon nom.Elle veut m’épuiser.Elle veut que je cède.Mais je ne suis pas là pour courber l’échine.Alors, je contre-attaque.J’anticipe. Je recoupe chaque information, je double chaque vérification, et surtout, je ne laisse rien paraître.Si elle veut une guerre d’usure, elle va être servie.Mais un autre problème me hante.Elias.Depuis notre conversation dans son bureau, quelque chose a changé.Il me regarde différemment.Je le sens dans chacun de ses silences, dans la façon dont son regard s’attarde une fraction de seconde trop longtemps, dans la tension qui s’installe chaque fois que nous sommes seuls.C’est une attirance dangereuse.Parce que je sais qu’une seule erreur
---RoxaneIl n’a pas reculé cette fois.Ou peut-être que si. Mais pas assez vite.Je sens encore la brûlure de son contact sur ma peau. Ce n’était rien, une simple effleurement sur mon poignet. Pourtant, ça a été suffisant pour faire exploser tout ce que nous contenions depuis des semaines.Je traverse le couloir à grandes enjambées, le cœur tambourinant dans ma poitrine.Maud n’est pas loin.Je le sens.Elle ne me laisse jamais longtemps en paix.Et effectivement, lorsque j’arrive à mon bureau, elle est là, appuyée négligemment contre la porte, son portable à la main, un sourire parfaitement maîtrisé sur les lèvres.— Tu es très occupée ces derniers temps, Roxane.Je m’arrête à un mètre d’elle, croisant les bras.— Et toi, tu as du temps à perdre pour surveiller mes allées et venues ?Son sourire ne faiblit pas.— Oh, disons simplement que certaines choses m’intéressent. Je trouve fascinant de voir à quel point certaines femmes se croient intouchables.Je ne cille pas.— Intouchable
RoxaneJe suis dans la tourmente.Les regards sur moi ne sont plus les mêmes.Là où il y avait du respect – ou au moins de la curiosité – je ne vois plus que du doute, du mépris à peine voilé.Maud a frappé fort.Elle a frappé là où ça fait mal.Les accusations sont à peine formulées, mais elles s’imprègnent dans l’air comme un poison lent.Roxane a saboté des dossiers.Elle a compromis des contrats.Elle a perdu des clients.Je pourrais crier à l’injustice.Je pourrais pointer du doigt la véritable coupable.Mais ce serait une erreur.Maud a trop bien joué son jeu.Si je l’accuse sans preuve, je passerai pour une enfant qui cherche à se défendre avec des excuses pathétiques.Alors je garde le silence.Mais dans ma tête, je construis déjà mon contre-attaque.Et cette fois, je ne jouerai pas à moitié.---EliasJe la teste.Je la pousse dans ses retranchements.Et pourtant, elle ne cède pas.Roxane soutient mon regard avec une ténacité qui force le respect.Elle n’a pas l’attitude d’un
RoxaneL’adrénaline pulse encore dans mes veines.J’ai tenu tête à Elias. J’ai prouvé que je n’étais pas coupable.Mais ce n’est pas fini.Pas encore.Je dois aller au bout.Alors je me plonge dans les fichiers, explorant chaque recoin du système.Quelqu’un a utilisé mon identifiant pour accéder aux données, mais il y a toujours une faille.Toujours une trace.Et je suis sur le point de la trouver.Les chiffres défilent sur l’écran, les lignes de code se succèdent, et soudain…Là.Une connexion anormale.Une adresse IP qui ne correspond pas à mon poste.Je serre les poings.Maud a été négligente.Elle croyait que son plan était parfait, mais elle a laissé une trace infime.Juste assez pour que je la remonte.Et une fois que j’aurai la preuve…Elle ne se relèvera pas.---EliasJe n’ai jamais vu quelqu’un bosser avec autant d’acharnement.Roxane est une battante.Elle aurait pu paniquer, supplier, se défendre avec des mots creux.Mais non.Elle a choisi de se battre avec des faits.Ave
RoxaneL’air crépite autour de moi.Chaque pas que je fais dans ces couloirs est un défi lancé à l’univers.Je détiens la vérité.La preuve irréfutable.Maud a trafiqué les fichiers.Elle a tenté de me faire porter le chapeau.Et maintenant que je le sais, que je tiens entre mes doigts son erreur fatale, je pourrais frapper à la porte d’Elias et tout lui révéler.Mais ce serait trop simple.Elle est plus maligne que ça.Elle a de l’influence, des appuis.Si je me précipite, elle trouvera un moyen de se retourner contre moi.Alors je vais jouer avec elle.Comme elle a joué avec moi.Je vais la pousser dans ses retranchements.L’amener à se trahir elle-même.Et quand elle chutera…Elle tombera de très, très haut.---EliasJe l’observe de loin, les bras croisés, appuyé contre la paroi vitrée de mon bureau.Roxane marche d’un pas sûr, la tête haute, comme si elle venait de gagner une bataille invisible.Et peut-être que c’est le cas.Elle a changé.Depuis qu’elle a mis les pieds ici, ell
RoxaneL’excitation pulse dans mes veines.Je n’ai jamais été aussi proche de la vérité.Elias m’a donné son feu vert.Nous allons faire tomber Maud ensemble.Mais je refuse d’être une simple spectatrice.Je veux être celle qui lui arrachera son masque.Elle a voulu me briser ?Elle va comprendre qu’elle s’est attaquée à la mauvaise personne.Je m’avance dans les couloirs avec une seule pensée en tête : je dois agir vite.Maud est maligne.Si elle sent le piège se refermer, elle trouvera un moyen de s’en sortir.Je ne peux pas lui laisser cette chance.Je repasse en boucle notre plan avec Elias.Nous allons la prendre à son propre jeu.Lui faire croire qu’elle a encore le contrôle.Puis, au dernier moment, lui retirer le sol sous les pieds.Et la regarder tomber.---EliasJ’observe Roxane de loin.Elle se pense discrète, mais son regard trahit son impatience.Elle veut frapper.Elle veut voir Maud s’effondrer.Je dois m’assurer qu’elle ne précipite pas les choses.Dans cette guerre,
ÉliasJe l’ai appelée.Je lui ai parlé.Et je l’ai sentie vaciller.Sa voix tremblait, suspendue à ce fil invisible qui sépare la panique de la lucidité. Mais quelque chose vibrait dans ses mots. Un feu nouveau. Une colère sourde. Une lueur vivace dans cette nuit sans fin.Roxane est allongée à côté de moi, le visage exsangue, les paupières lourdes, la main crispée contre sa plaie. J’ai fait ce que j’ai pu. Avec une chemise déchirée, un couteau chauffé, mes poings tremblants. J’ai vu la chair s’ouvrir. J’ai senti l’odeur du sang. Et j’ai eu peur. Pas pour moi. Pour elle.Parce qu’elle est là depuis le début. Parce qu’elle ne flanche pas. Parce qu’elle me rappelle qui je suis.— Tu vas aller où ? murmure-t-elle, sa voix rauque, presque étranglée.— Là où tout a commencé.— Tu parles d’Alix ?— Non. Je parle de moi. De nous. Et de tout ce qu’on a laissé se briser.Je me redresse. Mes côtes hurlent. Mon dos me tire. Mon poing est encore rouge de la dernière baston. Mais je m’en fous. La d
ÉliasOn roule depuis des heures.Le vent cogne contre les vitres comme s’il voulait entrer.Roxane ne parle pas. Elle garde les yeux rivés sur la route, les doigts crispés sur le volant, comme si lâcher le volant risquait de la faire sombrer.Moi, je pense à Alma.À son silence.À ses yeux quand je suis parti.J’ai cru que c’était nécessaire. Qu’on n’avait pas le choix.Mais chaque kilomètre me prouve le contraire.Chaque seconde sans elle est un poison.— On arrive, murmure Roxane.Je hoche la tête.On a trouvé un abri temporaire dans une vieille maison abandonnée, planquée dans une zone industrielle hors réseau.Mais ce n’est pas la sécurité que je cherche.C’est un sens à tout ça. Un sens à la douleur, aux cris étouffés, aux souvenirs déchiquetés.On entre. Le parquet grince. L’humidité suinte des murs.Des odeurs de moisissure et de rouille flottent dans l’air, comme un avertissement.Mais au moins ici, personne ne nous verra mourir.Roxane installe l’ordinateur. Je referme les r
AlmaLe sang me martèle les tempes.Je suis seule.Du moins, je le crois.Assise sur les marches froides de l’appartement déserté, je serre mes bras autour de moi comme si ça suffisait à faire taire ce qui hurle à l’intérieur.La lumière du soir filtre à peine par les persiennes.Un silence épais règne, saturé d’absences.Elias ne répond pas.Je sais pourquoi.Je sais qu’il est parti avec Roxane.Je sais qu’il m’a laissée en arrière, encore une fois, et que ce choix, même s’il était stratégique, me brûle comme une trahison.Il a préféré l’action à l’explication.Le risque à la confiance.Mais je ne pleure pas.Je ne cède pas.Pas encore.Un bruit.Quelque chose de léger. Un froissement.Je relève la tête, le cœur au bord des lèvres.— Tu comptes rester là combien de temps ?La voix est douce, traînante, ironique.Roman Toujours là quand Elias disparaît.Je ferme les yeux une seconde.Respire.Essaie de ravaler tout ce qui monte.— Ce n’est pas le moment, Soren.— C’est toujours le mo
EliasL’air est chargé de tension.Alix tient toujours cette foutue clé USB entre ses doigts, la faisant tourner lentement comme si elle dictait le rythme du monde. Devant elle, Ezekiel Dante ne cille pas. Derrière lui, son équipe, des ombres prêtes à frapper. De mon côté, Roxane serre son arme, Lucian Blackwood reste en retrait, savourant chaque seconde de cette confrontation comme un spectacle privé.Et moi ?Je suis au bord de l’explosion.— Donne-la-moi, Alix.Ma voix est basse, tranchante.Elle rit doucement.— Pourquoi ferais-je ça ?— Parce que si tu me la donnes pas, je te la prends.Son sourire s’élargit.— Tant d’agressivité, Elias.Ezekiel lève une main, un geste calculé.— Pourquoi lui, Alix ? Pourquoi pas moi ?Alix lève un sourcil, faussement étonnée.— Oh, Ezekiel… Toujours aussi direct.Elle s’avance d’un pas, ignorant la tension palpable dans la pièce.— Tu veux la clé ?Elle la fait glisser entre ses doigts avant de la lever bien haut.— Viens la chercher.Le mouveme
EliasLondres.Les rues humides brillent sous les néons, les taxis filent dans le chaos ordonné de la ville, et moi, je suis là, dans cette voiture banalisée, le regard rivé sur un immeuble à la façade austère.— Elle est bien là-dedans ? demande Roxane, assise à côté de moi.Je serre la mâchoire.— Son vol a atterri il y a trois heures. Elle n’a pas eu le temps d’aller ailleurs.Lucian Blackwood n’est pas du genre à faire attendre ses alliés. Ou ses pions.Roxane tapote nerveusement le tableau de bord.— Et notre plan ?Je lui jette un regard.— On entre. On récupère les fichiers. Et si elle résiste…Je ne finis pas ma phrase.Elle comprend.Roxane me lance un sourire en coin.— Parfait.Elle aime ça. Le risque. L’adrénaline. L’affrontement.Et moi ?Moi, je veux juste en finir.Je sors de la voiture et traverse la rue sans hésiter. Roxane me suit de près.Le bâtiment est sécurisé. Évidemment.Mais j’ai toujours une longueur d’avance.Je glisse une carte falsifiée dans le lecteur de
---RoxaneJe cours.Les talons de mes chaussures claquent sur le sol encore tiède de l’incendie, l’odeur du plastique brûlé s’accroche à mes vêtements, à ma peau. Chaque inspiration me rappelle que nous avons perdu une bataille, mais pas la guerre.Alix croit m’avoir dépassée.Elle se trompe.Je n’ai jamais perdu une guerre de territoire sans me battre jusqu’à la dernière goutte de sueur, jusqu’à la dernière étincelle de rage.Elias est à mes côtés, son souffle court, son regard acéré.— On va où ? demande-t-il entre deux foulées.— Si elle a volé des données, elle doit les transférer. Et pour ça, elle a besoin d’un réseau sécurisé.Je dégaine mon téléphone, tapant à toute vitesse sur l’écran fissuré.Le nom d’un hacker s’affiche. Un allié de longue date. Un homme qui sait tout sur le marché noir numérique.« On a une brèche. Vérifie les canaux clandestins. »Quelques secondes plus tard, la réponse claque.« Trafic suspect. Borne privée. Hôtel Blackwood. Suite 1203. »Je relève la tê
RoxaneLe jeu n’est pas fini.Je le sens dans chaque battement de mon cœur, dans chaque frisson qui parcourt ma peau alors qu’Alix s’éloigne. Elle ne partira pas sans tenter un dernier coup. Elle n’abandonne jamais.Mais moi non plus.À côté de moi, Elias croise les bras, observant le parking désert d’un air pensif.— Elle va contre-attaquer.Je hoche la tête.— C’est ce que j’espère.Il se tourne vers moi, un éclat de curiosité dans le regard.— Tu as déjà ton prochain mouvement ?— Depuis le début.Il sourit légèrement.— Montre-moi.Je sors mon téléphone, fais défiler les documents que j’ai copiés. Des preuves de détournement de fonds. Des transactions effacées. Des comptes offshore reliés à des entreprises fantômes.Alix n’est pas qu’une manipulatrice.C’est une criminelle.— J’ai de quoi la faire tomber. Officiellement.Elias observe l’écran, son sourire s’étire.— Et officieusement ?Je relève les yeux vers lui.— Je veux qu’elle sache que je peux la détruire. Mais je veux aussi
EliasLes coups sont partis.Alix a frappé la première. C’était prévisible. C’était inévitable.Mais Roxane…Elle ne s’effondre pas.Elle se bat.Et c’est exactement ce que j’attendais d’elle.Assis dans mon bureau, j’observe la porte close. Elle va venir. C’est une certitude. Je l’ai laissée avec cette clé USB, un fil tendu entre nous.Quand elle l’utilisera, elle comprendra.Quand elle reviendra, je saurai si elle est prête à aller jusqu’au bout.Trois coups secs résonnent.— Entre.La porte s’ouvre. Roxane franchit le seuil, le regard brûlant.Elle est venue plus vite que prévu.Je referme mon ordinateur et me penche en avant.Elle s’avance, s’arrête devant mon bureau.— C’est quoi, cette clé ?Sa voix est tranchante. Une lame bien affûtée.Je croise les mains sous mon menton.— Je croyais que tu aurais déjà trouvé la réponse.Elle serre les dents.— J’ai vu les fichiers. Des accès aux serveurs, des relevés de connexion… et un dossier entier sur Alix. Tu m’espionnes ?Je souris lég
RoxaneIl faut être prêt à tout dans ce monde.Je le savais en intégrant cette entreprise, je le savais en défiant Alix, je le savais en jouant avec Elias.Mais ce que je ressens en franchissant la porte de la salle 12 dépasse toutes mes attentes.Ils sont trois.Trois visages neutres, trois personnes du service RH assises autour d’une table en verre, avec des dossiers ouverts devant elles.L’une d’elles, une femme aux cheveux courts et au tailleur beige impeccablement repassé, m’adresse un sourire poli.— Asseyez-vous, Mademoiselle Lenoir.Mon cœur bat vite. Trop vite. Mais je ne laisse rien paraître.Je m’installe, croisant les jambes avec une lenteur calculée.— On peut m’expliquer ce qui se passe ?Un homme d’âge mûr, crâne légèrement dégarni, joint les mains sur la table.— Des anomalies ont été relevées dans plusieurs de vos dossiers récents. Des erreurs d’affectation, des documents signés en double, et dans certains cas… des données qui ne correspondent pas aux fichiers de réfé