Chapitre 2 L’Ombre du passé (2)

Et pourtant, elle n'avait pas abandonné. Tout ça ne l'avait pas empêchée d'essayer de le faire devenir son petit ami.

Elle était allée encore plus loin en envoyant une photo d'elle et de Christian en maillot de bain à la petite amie de Christian de l'époque, en laissant croire qu'il avait des sentiments pour elle - même si c'était juste une sortie normale à la piscine, comme entre frères et sœurs.

« Envoyer ces photos stupides pour faire mal comprendre à Molly - mais qu'est-ce qui ne va pas dans ta tête, Rubis ? ! »

« Parce que je t'aime, Christian. »

« Mais je ne t'aime pas. »

« Mais je t'aime depuis longtemps. Molly est arrivée après moi. »

« Arrivée après toi, hein ? L'amour ne ressemble pas à ça. Tu sais, tu te comportes comme une salope. À partir de maintenant, s'il te plaît, ne viens plus chez moi. Garde tes distances avec moi et Molly. »

« Je reviendrai ! »

« Rubis ! »

« Je viens te voir. Paula ne m'a jamais interdit de venir. »

« Petite peste. Très bien. Je me demande bien si tu auras le cran de revenir. »

Christian l'a regardée d'un air étrange, puis il l'a plaquée contre le mur de la chambre.

Rubis a commencé à sentir que quelque chose clochait : jamais Christian n'avait été aussi brutal. Jusqu'ici, il se contentait de la gronder quand elle faisait semblant de ne pas écouter.

« Tu sais, Rubis ? N'importe quel homme au monde peut coucher avec n'importe quelle femme qu'il n'aime pas. Si tu veux, je le ferai. Ce sera peut-être mieux comme ça : tout se terminera vite. »

Ses mains ont plaqué les siennes au-dessus de sa tête.

« Christian ! »

Il a tiré sur son haut au point de le déformer.

« Si c'est vraiment ce que tu veux, alors peut-être que je devrais céder. Ensuite, j'avancerai avec Molly, et tu auras ce que tu désirais. Tu as joué si longtemps, il est peut-être temps de lâcher prise. »

« Christian, non ! »

Il l'a embrassée pour la première fois… un baiser dont Rubis se souviendrait toute sa vie. Un baiser plein de colère, de ressentiment, un baiser qui l'écrasait sauvagement jusqu'à lui faire gonfler les lèvres. Chaque contact était brutal, humiliant.

« Une fois que tu seras à moi, tu disparaîtras aussi de ma vie, petite peste ! »

À cet instant, les mains de Rubis sont devenues glacées, son corps raide, juste avant qu'il ne dépasse le stade du baiser et des attouchements.

Elle l'a poussé de toutes ses forces, puis s'est enfuie de sa chambre, rampant sous la clôture pour rentrer chez elle - trop honteuse pour laisser sa mère la voir.

Cette nuit-là l'avait marquée : il détestait ce qu'elle avait fait, et elle l'avait compris. Rubis n'avait plus jamais osé s'approcher de la maison de Christian. Et justement, le divorce de ses parents, son père voulait qu'elle vive avec lui - alors elle était partie, emportant avec elle cette sensation nauséeuse qui restait plus longtemps.

-

Sept ans plus tard…

Tout le monde a grandi, et les pensées ont inévitablement changé avec le temps.

Aujourd'hui, en repensant à cette époque, Rubis ne voyait plus qu'une gamine imprudente, qui agissait sans réfléchir.

Vivre avec son père avait tout changé : sa vision du monde, sa façon de traiter les autres, sa manière d'être. Elle se devait d'être raisonnable, réfléchie.

Pourtant… son cœur, lui, n'avait pas changé.

Elle ne savait pas combien de filles il avait eues. Mais, en elle, il n'y avait toujours que lui… elle ne pouvait pas le chasser ni s'en débarrasser, comme s'il s'était ancré en elle pour toujours.

Après avoir fini de ranger ses vêtements et pris un bain, elle a ouvert la fenêtre et a laissé son regard glisser vers la grande maison d'à côté.

Elle se demandait dans quelle chambre Christian dormait et comment il allait.

Au cours des sept dernières années, elle avait voulu le savoir mais n'avait pas osé demander… elle avait toujours eu trop peur que cela ravive cet amour qu'elle voulait croire éteint.

Cela suffisait. Elle ne voulait plus connaître la honte d'autrefois.

Elle s'est retournée, s'est effondrée sur le lit et a fermé les yeux.

Un long moment plus tard, sa mère est montée la réveiller pour le dîner.

« Tous ces plats, ce sont tes préférés, ma chérie. »

Amber avait cuisiné uniquement ce que sa fille aimait.

« Merci, maman. Mais tu as fait tellement de choses… Tu crois qu'on va réussir à tout finir ? »

Rubis a compté les plats et en a vu quatre au total. Elle n'était pas sûre que toutes les deux puissent tout manger.

« C'est pour te souhaiter la bienvenue à la maison. Le reste, tu le mettras au frigo pour demain. Mange bien, tu es trop maigre pour moi. »

« Mais non… Je trouve que j'ai déjà une bonne silhouette. »

La fille a baissé les yeux sur son corps.

« D'accord, même avec une bonne silhouette, tu dois quand même manger. Oh, demain je dois aller nettoyer la maison de Paula. Rubis, tu peux rester seule à la maison ? »

« Nettoyer la maison de Paula ? »

Elle ne connaissait pas cette histoire.

« Au cours des dernières années, chaque fois que la gouvernante était absente ou prenait un long congé pour rentrer chez elle, Paula me demande pour nettoyer la maison. Penny et sa nièce sont rentrées pour régler des affaires familiales, elles reviendront dans une semaine. Alors, Paula m'a embauchée en attendant. »

« Euh, alors tu vas le faire, maman ? »

« Les petits jobs, c'est encore de l'argent. En plus, Paula paie bien, donc je le fais. Quand on me demande, je travaille. C'est toujours mieux que de ne rien faire. »

« Et tes desserts ? »

« Je les prépare comme toujours. Les clients passent les récupérer, et ensuite, je retourne faire le ménage. »

« Alors, et si demain je t'aidais à nettoyer la maison de Paula ? Comme ça, ça ira plus vite. »

« Peux-tu vraiment le faire ? »

« Si maman peut le faire, pourquoi pas moi ? C'est juste du ménage. »

« Très bien, très bien… mais j'aimerais que tu te reposes longtemps, tu sais. Pas que tu te fatigues comme moi. »

« C'est bon, maman. Une nuit de sommeil suffit pour récupérer. Et le ménage, c'est seulement le matin, non ? Après, il reste encore plein de temps pour se reposer. »

Elle a souri à sa mère, ne voulant pas que sa mère travaille dur toute seule.

Tout ce qu'elle pouvait aider, Rubis voulait partager le fardeau.

« T'es sûre de vouloir venir nettoyer avec moi ? »

Amber a haussé les sourcils… car aller chez Paula signifiait « le risque » de croiser quelqu'un.

« Oui, j'en suis sûre. »

Rubis a hoché la tête.

« Demain, c'est mardi. Christian partira sûrement tôt travailler. » a dit Amber, comme si elle lisait dans les idées de sa fille.

« Oui… mieux vaut ne pas le voir. »

Rubis a forcé un sourire.

Rien que de voir le toit de la maison faisait battre son cœur, elle ne pouvait imaginer à quel point il battrait vite si elle voyait Christian en personne.

« Tu veux pas en savoir plus sur Christian ces dernière sept années ? »

« Ça changerait rien. J'ai fait tellement d'erreurs avec lui… Je ne veux plus lui compliquer la vie. »

« C'est bien que tu penses ainsi, mais je pense que c'est aussi bien d'en savoir un peu. »

« Maman… »

La jeune femme a lancé un petit regard réprobateur à sa mère.

« Christian n'est pas encore marié. »

Rien qu'en entendant cela, la cuillère que Rubis tenait est restée figée en l'air, comme si tout ce qu'elle avait cru – « Je vais épouser Molly » - n'avait jamais existé.

« Christian n'a pas dit qu'il allait épouser Molly ? »

« Eh bien, ils étaient presque sur le point de se marier. Et puis, d'un coup, cette femme n'a plus rien dit. Plus tard, j'ai appris par Paula qu'elle avait rencontré quelqu'un d'autre. Ils ont rompu. Quant à Christian… il a eu de nouvelles petites amies, de temps en temps… mais je ne l'ai jamais vu accepter d'en épouser une. Aujourd'hui, il est toujours célibataire. Il a trente-quatre ans et il n'a toujours pas fondé de foyer avec personne. »

Amber a parlé tout en observant sa fille. Ce qu'elle a vu, c'était de la surprise - mais pas l'éclat joyeux d'autrefois. Avant, les yeux de Rubis s'illuminaient dès qu'on prononçait son nom.

« Vraiment ? Enfin… ça ne me concerne plus. Chacun prend sa route, c'est mieux ainsi. Maman… j'ai tellement honte de mon passé. Je ne comprends pas comment j'ai pu faire ces choses-là. C'était si ridicule… Pas étonnant que Christian se soit énervé et qu'il m'ait envoyée bouler. »

« Ma fille a vraiment grandi. Je n'ai pas eu tort de t'envoyer vivre avec ton père. »

« Quand je vivais avec papa, je ne pouvais plus traîner comme avant. Chaque jour, il fallait travailler et aider. Papa est très sérieux concernant ses employés à la ferme, et nous aussi. Il m'a appris à prendre ma propre vie au sérieux. Il m'a fallu deux ans entiers pour m'adapter. »

« Mais ça en valait la peine, n'est-ce pas, Rubis ? »

Amber n'a jamais regretté cette décision. Elle a vu les avantages d'avoir envoyé sa fille vivre avec son ex-mari - si Rubis était restée avec elle, elle serait devenue une enfant gâtée - comme elle l'avait été par le passé.

« Oui, ça en valait vraiment la peine. Je suis devenue beaucoup plus forte. Je ne fais plus de caprices ni ne me comporte comme une enfant gâtée comme avant, maman. Tu peux être tranquille maintenant, pas besoin de laver mes vêtements ou de faire la vaisselle pour moi. Je peux tout faire moi-même. »

« Ça… ça me soulage vraiment. »

Amber savait très bien qu'elle avait trop choyé sa fille, au point de faillir la ruiner. Heureusement, il y avait eu un tournant qui avait permis à Rubis de voir les choses plus clairement.

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Après le dîner, la mère et la fille ont lavé la vaisselle ensemble. Puis elles se sont installées devant la télévision, ont discuté sans arrêt, comme des personnes qui se retrouvaient enfin après une longue séparation.

Vers neuf heures, elles sont séparées chacune dormir dans leur chambre.

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Un éclair de lumière soudain a rempli la chambre, qui avait été sombre pendant de nombreuses années.

L'homme du deuxième étage, dans la maison voisine, a entrouvert le rideau pour regarder.

Il se souvenait très bien à qui appartenait cette chambre.

Rubis.

Il a défait sa cravate, la jetant dans le panier à linge, puis a commencé à déboutonner sa chemise. Christian venait tout juste d'entrer dans sa chambre. Il n'avait pas encore allumé la lumière, retenu par cet éclair soudain venu de la maison d'à côté.

Ce petit démon serait-il revenu ?

Ou bien Amber a-t-elle seulement allumé la lumière dans la chambre de sa fille ?

C'était inhabituel, contrairement à tous les autres jours, car cette chambre n'avait jamais été éclairée depuis que sa propriétaire avait déménagé en province sept ans plus tôt.

Il a finalement tiré le rideau - à peine entrouvert - puis a allumé la lumière de sa chambre.

Il devait se concentrer sur le travail qu'il ferait demain plutôt que de penser à cette gamine du passé.