Chapitre 6

À huit heures quinze, Léa est entrée dans le café.

C'était l'heure de pointe du matin, les employés défilaient pour acheter leur café, pressés, sans prêter attention à la femme assise dans le coin du café.

Léa a commandé un latte chaud et, en marchant vers Élise, elle a laissé passer dans son esprit l'image de lui renverser le café brûlant sur la tête.

Mais cette pensée s'est envolée au moment où Élise s'est tournée vers elle.

Cette femme était belle, d'une beauté éclatante et provocante : lèvres rouges, regard brillant, ambition et assurance débordant de chaque trait de son visage.

Peut-être à force d'avoir vécu dans le monde des affaires, Élise, bien que plus jeune que Léa, avait acquis une élégance mûre.

Inévitablement, Léa a repensé aux paroles de Manon.

Comparée à Élise, elle était vraiment un canari en cage, incapable de rivaliser avec cet aigle qui volait librement dans le ciel.

Mais… qu'est-ce que cela changeait ?

Élise ne se battait-elle pas quand même pour être la maîtresse ?

Léa a serré son latte chaud dans la main. Puis elle s'est ravisée, elle devait encore garder le visage d'Élise pour séduire Lucien.

Élise a regardé Léa s'asseoir, a pris une gorgée de son café glacé, et a affiché un sourire si doux qu'il en devenait écœurant.

« Comment comptes-tu me parler ? Tu veux déjà abandonner ? »

« Au fait, Lucien s'est occupé de moi toute la nuit dernière. »

Élise a pris un air faussement contrarié, mais le coin de ses lèvres trahissait son triomphe.

« Il se souvient toujours de mon cycle, dès que je lui dis que j'ai mal au ventre, il m'apporte quelque chose et me prépare lui-même un verre d'eau sucrée. »

« Lucien a parlé de toi aussi : il dit que tu n'as jamais mal au ventre pendant tes règles, donc il oublie souvent ton cycle. Mlle Bernard, je dois te le dire, une femme doit savoir quand être forte et quand être faible. Tu ne comprends donc pas ça ? »

En entendant cela, Léa a jeté un regard vers le café glacé.

Elle n'était certainement pas aussi douée qu'Élise pour jouer la comédie.

Même quand son cycle était irrégulier, elle allait seule chez le médecin, buvait des potions amères en rêvant qu'un jour elle pourrait donner un enfant à Lucien.

Mais les médicaments n'étaient pas magiques, ils ne guérissaient pas les illusions de l'amour.

Léa a rassemblé ses pensées et a dit calmement : « Si tu es si arrogante, c'est bien parce que tu veux me forcer à divorcer, non ? »

« J'ai bien vu le test de paternité, et alors ? Si tu avais eu le courage d'en parler à Lucien, cet enfant serait-il encore caché ? »

« Tu sais que la famille des Thomas ne tolère pas les enfants illégitimes. Tu as peur de nuire à la carrière de Lucien, alors tu ne deviendras jamais l'épouse du président d'Industrie Solénautique. »

Élise n'a plus souri ; son visage a légèrement pâli.

Léa ne jouait pas selon les règles, dépassant totalement ses prévisions.

Elle avait cru que Léa, blessée, provoquerait un scandale et demanderait le divorce, mais à l'entendre, Léa n'avait aucune intention de céder sa place.

« Tu ne te trompes pas. »

Un sourire est apparu sur le visage de Léa : « Je ne fais pas de scandale justement parce que je ne veux pas divorcer. »

« Je ne suis peut-être pas aussi expérimentée que toi, mais je suis satisfaite de ce que j'ai. J'ai été mariée à Lucien pendant cinq ans, et tout s'est bien passé. »

« Et puis, dans treize jours, je deviendrai la femme du président d'Industrie Solénautique. Penses-tu que je sois assez stupide pour abandonner ma richesse et ma gloire ? »

Léa a posé calmement sa main sur la table et s'est légèrement penchée en avant.

Son visage délicat dégageait une autorité irrésistible.

Élise, à la fois surprise et furieuse, a craché : « Léa, si tu as du temps, tu ferais mieux d'aller consulter pour ta stérilité. »

« Lucien ferait tout pour moi. Il n'aime que moi, pas toi. Le retenir de force, c'est te condamner toi-même ! »

« Mlle Laurent, tu es si brillante d'après les rumeurs ; et pourtant tu dis des choses pareilles. Je suis surprise. »

Léa a ricané : « Je pensais que tu savais, dans notre monde, que l'amour est la chose la moins précieuse. »

Élise a été un instant à court de mots, puis a souri avec mépris : « Mlle Bernard, tu joues vraiment bien la comédie. Tu dis tout cela parce que tu l'aimes trop et que tu veux me pousser à renoncer, n'est-ce pas ? »

En voyant la flamme d'orgueil rallumer dans les yeux de cette femme, Léa savait qu'elle avait obtenu l'effet escompté.

Si Élise ne se battait pas désespérément pour retenir Lucien, comment le détective privé pourrait-il capturer des preuves croustillantes ?

« Mlle Laurent, si tu es si capable, fais en sorte que ce soit Lucien qui me demande le divorce lui-même. »

Après avoir lancé cette phrase d'un ton léger, Léa s'est levée en emportant son latte chaud.

« Toi… »

Élise a regardé Léa s'éloigner, la colère coincée dans la gorge.

C'était elle, autrefois, qui avait poussé Lucien à séduire Léa pour exécuter son plan et récupérer tout ce qui, selon elle, lui revenait.

Aujourd'hui, le plan avait réussi.

Et elle savait qu'à présent, rien de ce qu'elle désirait ne pouvait lui échapper.

En pensant à cela, Élise a haussé les sourcils et a murmuré froidement : « Léa, ton arrogance ne durera pas. »

…

En sortant du café, Léa a reçu un message de Lucien.

« Si tôt ? Tu es sortie faire quoi ? »

« Je suis déjà retourné au bureau. J'ai laissé les compléments alimentaires sur la table. N'oublie pas de les prendre quand tu rentreras. »

Des compléments alimentaires ?

Léa s'est alors rappelé que Lucas avait parlé, cette nuit-là, du « poison le plus toxique ».

Elle a compris que le médicament qui l'avait rendue stérile devait être ce complément que Lucien lui rappelait de prendre chaque jour.

Hier, il avait oublié de le lui rappeler parce qu'Élise s'était empressée de l'accaparer.

Ce matin, en rentrant chez lui, il s'était souvenu qu'Élise avait ses règles et avait aussitôt pensé que Léa devait prendre le médicament.

Il avait offert de l'eau sucrée à Élise, mais il avait fait boire à Léa un poison qui l'empêchait d'avoir des enfants.

Une différence abyssale, d'une ironie cruelle.

Le plaisir factice qu'elle avait ressenti s'est dissipé sans laisser de trace, et un désir de vengeance a surgi en elle. Elle a levé la main pour héler un taxi.

« À l'Hôpital de la Femme et de l'Enfant Lumière. »

Une demi-heure plus tard, arrivée devant l'hôpital, Léa a payé la course et a répondu au message.

« Ce matin, je suis allée voir Mlle Laurent. Elle m'a conseillé de consulter un médecin. Je suis maintenant à l'Hôpital de la Femme et de l'Enfant Lumière. »

Rangeant son téléphone, Léa est entrée dans l'hôpital.

Le service VIP était rapide : en moins d'une heure, Léa avait passé tous les examens.

Le rapport n'était pas encore prêt, et pourtant Lucien était déjà arrivé.

Il s'est approché d'un pas pressé, l'air inquiet, et a saisi le poignet de Léa.

« Pourquoi es-tu allée voir Élise soudainement ? Qu'est-ce que vous vous êtes dit ? »

Un instant, Léa n'a plus su discerner l'homme devant elle : s'inquiétait-il qu'Élise ait trop parlé, ou craignait-il que Léa ait blessé la femme qu'il chérissait ?

Quoi qu'il en soit, elle a enfoui au plus profond d'elle son amertume et sa haine.

« On n'a rien dit d'important. Pourquoi es-tu si nerveux ? Tu as dit que tu avais du travail, non ? »

Voyant que Léa semblait aller bien, Lucien a poussé un soupir de soulagement : « Tu es venue à l'hôpital, j'étais inquiet pour toi. Comment aurais-je pu te laisser seule pour une consultation ? »

« Tu te fais toujours du souci pour rien. »

Léa a lancé cette remarque sur un ton léger : « Mlle Laurent m'a dit de vérifier pourquoi je ne pouvais pas avoir d'enfants. Avec un conseil aussi bienveillant, je me devais de le suivre. »

« Ne l'écoute pas, elle dit n'importe quoi. »

Lucien a serré Léa dans ses bras comme un trésor, resserrant son étreinte encore et encore.

« Léa, je me fiche que tu puisses ou non avoir des enfants, tant que tu restes à mes côtés. »

« Et puis, avoir un enfant est si éprouvant. Je ne veux pas que tu aies à vivre cela. Tu devrais vivre sans souci toute ta vie. »

« Alors, inutile de faire ces examens, inutile de te fatiguer. Laisse-moi te raccompagner à la maison. »

Léa avait déjà entendu ces mots tant de fois.

Mais ce n'était qu'à cet instant qu'elle a compris : sous la douceur apparente se cachait un poison mortel.

La douleur qu'elle avait longtemps contenue s'est mise à l'assaillir, tissant autour de son cœur un nœud de rage et de désespoir qui la faisait trembler de haine et de souffrance.

Ses mains, restées inertes, pendaient le long de son corps, déjà serrées en poings, frémissant imperceptiblement.