Chapitre 2

À huit heures du soir.

Alex est entré en tenant sa fille par la main. Léa a regardé sa fille sauter joyeusement, ses deux couettes bondissant, tenant dans ses mains un petit lapin en peluche rose.

Léa s'est approchée pour la prendre dans ses bras.

Mais Manon a repoussé ses mains en gonflant ses joues, « Pfff, je ne veux pas que maman me prenne ! »

La main de Léa est restée figée, et une grande silhouette s'est accroupie, l'appelant doucement : « Manon. »

Manon a pincé ses lèvres et s'est blottie dans les bras de son père, les yeux rougis de contrariété.

Le cœur de Léa s'est serré. Sa fille de cinq ans avait été subtilement influencée par Isabelle pendant trois ans. C'était sa responsabilité, pas celle de sa fille.

La gorge de Léa s'est nouée et elle a dit à Sophie : « Sophie, donne un bain à Manon tout à l'heure. »

« D'accord, Madame », a acquiescé Sophie.

À peine partie, des rires joyeux de sa fille et la voix grave et charmante d'Alex l'ont atteinte depuis le salon.

Les médias décrivaient souvent Alex comme un père gaga de sa fille, et Léa ne pouvait que confirmer !

Si l'on devait nommer la personne que Alex aimait le plus au monde, ce serait sans conteste sa fille.

Léa s'est appuyée contre l'encadrement de la porte, plongée dans ses souvenirs.

Il y a huit ans, Alex avait eu un grave accident de voiture et était resté un an dans le coma à l'hôpital où travaillait son père. Léa, qui l'aimait en secret, avait interrompu ses études pour rester un an à ses côtés et le soigner avec attention.

Après son réveil, Alex avait accepté sa déclaration. Malgré la forte opposition de la mère d'Alex, il l'avait épousée. Un an plus tard, la naissance de leur fille aurait dû compléter le bonheur de leur mariage.

Quand leur fille avait deux ans, les voyages internationaux fréquents d'Alex et le rejet inexplicable de leur fille envers Léa avaient commencé.

Il lui avait fallu deux ans pour comprendre qu'une autre femme jouait le rôle de mère auprès de sa fille.

Isabelle était une pianiste renommée internationalement, une femme de talent dans le milieu artistique, et le premier amour d'Alex.

Aujourd'hui, elle était devenue la tante Isabelle, admirée et aimée par sa fille.

Alex n'avait jamais dit qu'il regrette de l'avoir épousée, mais ses comportements de ces deux dernières années montraient son mécontentement vis-à-vis de leur mariage.

Léa est descendue pour boire un verre d'eau et, en tournant dans le couloir, elle a entendu Alex parler au téléphone.

« Oui, je sais, je lui dirai de se brosser les dents. »

« N'oublie pas de mettre le traitement sur ton doigt, suis les prescriptions, ne fais pas de caprices. »

Léa a esquissé un léger sourire : il était au téléphone avec Isabelle.

Isabelle rappelait à Manon de se brosser les dents. Il n'était pas difficile de deviner que Manon dînait avec elle ce soir et qu'elle avait encore mangé des sucreries.

C'était l'une des ruses d'Isabelle pour faire plaisir à sa fille.

Alex, quant à lui, la laissait faire sans intervenir.

« Te couche pas trop tard, surtout ne veille pas, je vais raccrocher. Salut. », a dit Alex avant de raccrocher et de descendre.

En se retournant, il a vu Léa. Son visage s'est figé quelques secondes, « Ce soir, reste avec Manon pour la nuit. J'ai une visioconférence, ça pourrait durer longtemps. »

Alex a consulté le calendrier et a froncé légèrement les sourcils, « Aujourd'hui, c'est le huit. »

« Quand ma visioconférence sera terminée, je viendrai dans ta chambre », a-t-il lancé avant de partir.

Le huit de chaque mois, c'était leur rendez-vous conjugal.

Une fois, après qu'elle s'était plainte en pleurant, Alex avait promis de satisfaire son besoin quatre nuits tous les mois, en fixant même les dates : le 1er, le 8, le 16 et le 26 de chaque mois. Tant qu'il était à la maison, il devait remplir ses devoirs de mari.

« Je suis fatiguée aujourd'hui, on remettra ça au plus tard! » Léa a lancé cette phrase au dos de son mari qui descendait les escaliers.

Le soir, Sophie a porté Manon, fraîchement lavée, dans la chambre. Léa tenait le livre de bandes dessinées préféré de sa fille, attendant patiemment qu'elle vienne.

« Manon, viens, je vais te raconter une histoire », a souri Léa à sa fille.

Manon a levé la tête vers Sophie, « Sophie, je veux le petit dinosaure. »

« D'accord, je vais te le chercher », est sortie Sophie.

Léa a encore attendu que sa fille vienne sans se plaindre. Manon est arrivée en rampant avec un dinosaure en peluche dans les bras. Ce jouet lui avait été rapporté de l'étranger pour son quatrième anniversaire.

C'était un cadeau d'Isabelle, et désormais, elle ne pouvait dormir sans le serrer contre elle.

Sous la lumière, Manon, toute propre, sentait bon le gel douche et était douce de la tête aux pieds.

Léa n'a pas pu résister et a déposé un baiser sur sa petite tête.

Toutefois, Manon a repoussé sa maman, « Je ne veux pas que maman m'embrasse. »

Le cœur de Léa s'est serré.

« Manon ! »

« Tu ne restes jamais avec moi, tu ne m'achètes jamais de friandises, et tu ne m'aimes pas. Ben, moi non plus, je ne t'aime plus ! » Manon a croisé les bras et pincé ses lèvres.

Le cœur de Léa a été transpercé. Elle a tendu la main pour la caresser et la rassurer.

En la regardant, Léa a involontairement irrité Manon, qui a éclaté en sanglots comme si elle avait subi une grande injustice, « Papa, je veux papa, je veux que papa dorme avec moi ! »

Bientôt, la silhouette élancée d'Alex a franchi la porte. Manon a couru vers lui, et Alex l'a prise dans ses bras en lui demandant doucement : « Chérie, que se passe-t-il ? »

« Je veux dormir avec papa, pas avec maman ! » Manon se frottait contre lui et se tortillait en se faisant câliner.

Alex a caressé sa petite tête et a souri, « Alors papa dormira avec vous. »

Manon a hoché la tête, approuvant sa décision.

Léa s'est écartée pour leur laisser de la place. Puis, la petite s'est enfin glissée sous la couverture. Alex s'est allongé à côté et a tendu ses bras pour que sa fille dorme contre lui.

Ses bras étaient longs, et les doigts d'Alex ont effleuré l'épaule de Léa. Elle s'est figée et s'est déplacée vers le bord du lit.

Manon a émis quelques petits bruits qui semblaient aux miaulements ; puis elle s'est blottie contre le torse chaleureux de son père, fermant les yeux.

Léa a aussi fermé les yeux, patientant jusqu'au départ d'Alex.

Après environ vingt minutes, Manon s'est endormie. Alex a retiré ses bras, a replacé la couverture et a penché la tête pour l'embrasser sur la tête.

Léa savait qu'il l'aurait embrassée aussi, alors elle s'est tournée pour lui tourner le dos.

Quand elle a entendu ses pas s'éloigner, Léa s'est retournée et a pris la petite dans ses bras.

La petite main de Manon a caressé son visage, comme lorsqu'elle était bébé, cherchant du réconfort, et son visage doux s'est collé contre la poitrine de sa maman.

Léa a posé son front contre celui de sa fille. C'était son trésor, son bébé qu'elle avait porté des mois en donnant la moitié de sa vie.

Dans ce mariage, la seule chose qu'elle voulait emporter, c'était sa fille.

Isabelle pouvait vouloir prendre la place de Madame Laurent, et Léa pouvait la lui céder. Mais si elle cherchait à lui enlever sa fille, Léa ne le permettrait jamais.