LOGINLa fumée, justement, commença à se voir avant même que les gens acceptent qu’il y avait un feu.Le lendemain, ce fut la première chose que Ly sentit en entrant chez MDLSC : pas la chaleur, pas l’alarme, pas l’explosion.Juste cette odeur invisible des lieux qui ont compris qu’ils sont observés.Dans le hall, l’écran géant qui diffusait d’habitude des vidéos corporate souriait encore avec ses slogans de transparence. Mais devant, deux salariés discutaient à voix basse en jetant des regards nerveux autour d’eux, comme s’ils parlaient d’un sujet interdit. Quand Ly passa, ils se turent… puis, au dernier moment, l’un d’eux hocha la tête, très légèrement.Ce n’était pas du soutien flamboyant. C’était pire.C’était une reconnaissance.Elle monta au “QG officieux” avec cette sensation étrange d’être devenue un point fixe dans un bâtiment qui préfère les surfaces lisses.Flore l’attendait déjà, appuyée contre une armoire, casque autour du cou, un café à la main comme une arme contondante.— Tu
La nuit ne fut pas vraiment une nuit.Plutôt une succession de micro-sommeils, de réveils brutaux et de mélodies qui tournaient en boucle dans la tête de Ly.La sienne, celle de Yun, et celle, muette, des mots qu’elle n’avait pas encore écrits.Quand le matin arriva, ce fut moins un lever de soleil qu’un changement de filtre sur la ville.Plus froid, plus bleu.Plus net.⸻Elle commença la journée comme on manipule un objet fragile : lentement.Un café.Une douche un peu trop chaude.Un coup d’œil à son carnet resté ouvert sur la table, avec ce titre griffonné au stylo :“ANNEXE MANQUANTE”Elle eut un instant la tentation de le rayer.De revenir à ce qu’elle connaissait : les écrans, les slides, les plans d’attaque visuels.Mais non.Là, il s’agissait d’autre chose.De quelque chose qui prendrait peut-être des mois, des années.De quelque chose qui n’était pas un “coup”, mais un travail de fond pour que plus personne ne puisse se cacher derrière le mot “annexe” pour enterrer une vie.
Le matin suivant, la lumière entrait par les grandes vitres du salon d’Aurion avec la délicatesse d’un projecteur qu’on n’a pas encore allumé à fond.Ly se réveilla avec la nuque en compote et une phrase coincée dans la gorge.“Ce n’est pas moi qui suis revenue d’entre les morts.C’est la vérité.”Elle cligna des yeux.Le plaid glissa un peu de ses épaules. Le canapé. L’odeur de café. Le silence particulier des appartements trop hauts, où le bruit de la rue a l’air de venir d’un autre film.Sur la table basse, son téléphone vibra une fois, puis deux.Elle resta quelques secondes allongée, à flotter entre le rêve et la fatigue.Puis elle se redressa.Le verrouillage de l’écran révéla trois notifications :— Canal privé — “nouveau message : Sophie”— Yun — “2 nouveaux messages”— Aurion — “Je suis en bas.”Elle se frotta les yeux, ouvrit d’abord celui d’Aurion.« J’ai réussi à attraper les avocats de Star et un cabinet externe ce matin.On a rendez-vous à 10h.Je passe te prendre. Café
La phrase resta suspendue au-dessus de la table basse comme une promesse qu’on n’avait pas encore signé.Personne ne parla pendant quelques secondes.On entendait seulement, au loin, un scooter passer dans la rue, et le bruit discret de la machine à glaçons dans la cuisine d’Aurion, qui n’avait décidément aucun sens du timing dramatique.Flore finit par souffler :— Bon. On sait contre quoi on se bat. Maintenant, il va falloir choisir avec quoi.Mara, depuis son petit carré de visio, leva un sourcil.— Tu veux dire : on en fait quoi, de tout ça ? demanda-t-elle. On le balance sur internet ? On le donne à un journaliste ? On le garde comme épée au-dessus de leur tête ?Julien, lui, tapotait nerveusement sur son stylo.— Si on le balance brut, dit-il, Nolan va s’engouffrer dedans et dire : “vous voyez ? je l’avais dit, tout le monde est pourri, moi compris mais moi au moins je suis honnête blablabla”.— Et si on ne fait rien, enchaîna Myriam, on devient exactement ce qu’on dénonce : ceu
Le lendemain matin, la ville avait cette couleur gris pâle qui ne promettait rien de bon ni de vraiment mauvais.Juste… suspendu.Ly n’avait presque pas dormi.Elle avait passé la moitié de la nuit à lire et relire le message de l’ancienne assistante, à écouter en boucle le vocal de Yun, à vérifier l’heure sans raison.À 8h12, elle était déjà prête, assise sur le bord du canapé chez Aurion, un café à la main, son sac posé près de la porte.Aurion sortit de la cuisine avec un thermos.— On dirait quelqu’un qui attend son verdict, observa-t-il.— On dirait quelqu’un qui va retourner sur sa scène de crime, corrigea-t-elle.Il posa le thermos sur la table, prit sa veste.— Flore sait ? demanda-t-il.— J’ai juste mis “réunion off-site, pas au bureau”, répondit Ly. Si je lui dis “Park & Gold”, elle débarque avec un mégaphone et des cocktails Molotov.— Je ne vois pas le problème, commenta Aurion.Elle esquissa un sourire.— Et Yun ? demanda-t-il ensuite.Elle hésita.— Il m’a dit “dis-le mo
La cage d’escalier du bâtiment B sentait la poussière, la peinture écaillée et les cigarettes qu’on avait prétendu ne jamais fumer là.Flore avait raison : personne n’y allait jamais.C’était presque reposant.Ils s’y retrouvèrent en petits groupes, comme des collégiens qui sèchent un cours important pour un truc encore plus grave.Ly s’assit sur une marche, dos au mur. Aurion resta debout un peu en contrebas. Yun prit place deux marches plus bas, Nova et Kai accrochés à la rampe, Min juste à côté, silencieux. Mara, Julien, Killian et Myriam arrivèrent en décalé, essoufflés, l’air à la fois affolés et excités.— Bon, lança Kai, mains jointes comme un animateur de jeu télé, quelqu’un peut me faire le résumé pour les gens au fond ? Parce que moi, j’ai juste vu notre pote exploser internet en direct.Flore leva la main.— Résumé : Ly n’a pas vomi, n’a insulté personne par son nom, a planté des couteaux très propres dans “certains adultes responsables”, et il y a déjà trois extraits de so







