MasukÉzranLa douce torpeur du sommeil partagé est lentement percée par une vibration insistante, sourde, qui vient du côté de la table de nuit. Un bourdonnement tenace qui s’infiltre dans notre bulle. Je grogne, serrant instinctivement le corps contre le mien, refusant de lâcher prise.Mais le téléphone persiste. La réalité tente de reprendre ses droits.D’un mouvement paresseux, je tends la main, attrapant l’objet intrus sans ouvrir les yeux. L’écran, trop lumineux dans la pénombre, me transperce les paupières. Douze appels manqués de Lidia . Des messages non lus. Le monde extérieur frappe à la porte, impérieux, chargé d’urgences et de problèmes à régler.Une ombre de tension traverse mes épaules. Puis, je sens un mouvement contre moi. Elle se blottit plus profondément, son front cherchant le creux de mon cou, un gémissement de protestation à peine audible s’échappant de ses lèvres. Son souffle chaud sur ma peau.C’est tout ce qu’il me faut.Sans une hésitation, mon pouce trouve le bouto
ÉzranLa conscience revient à moi non comme un assaut, mais comme une marée lente et douce. Elle efface doucement les derniers rêves pour lui substituer une réalité bien plus douce. La première sensation est celle de sa chaleur. Elle est blottie contre mon côté, sa tête nichée au creux de mon épaule, un de ses bras posé en travers de mon torse dans un geste de possession tranquille. Son souffle régulier caresse ma peau, un petit vent chaud et vivant.Je reste immobile, retenant mon propre souffle, de peur de briser la perfection de cet instant. La lumière de l'aube, rose et dorée, filtre à travers les volets, traçant des raies de feu sur les draps froissés et sur la courbe pâle de son dos. L'air est lourd, saturé du parfum de notre amour, de la sueur et de l'odeur unique de sa peau.Mes yeux se ferment un instant, submergé par un bonheur si aigu qu'il en est presque douloureux. C'est un sentiment de paix si profond, si complet, qu'il semble irradier de la moindre parcelle de mon être.
LidiaLa douleur est une lame qui s’enfonce, tord et déchire. Elle a commencé comme un simple pincement, une réminiscence désagréable de la bagarre avec cette hyène d’Inès. Mais maintenant, c’est un incendie qui ravage mon bas-ventre. Une pression sourde, intolérable, qui semble vouloir m’arracher quelque chose de vital.Je suis recroquevillée sur le sol en marbre froid de l’entrée, à quelques mètres seulement de l’endroit où j’ai jeté Inès dehors. La victoire, si amèrement acquise, a un goût de cendre. Mon peignoir de soie est trempé de sueur froide. Je claque des dents.— Aidez… moi, je parviens à souffler.Un garde, attiré par les bruits, arrive en courant. Son visage, d’ordinaire impassible, affiche une panique brutale en me voyant ainsi, repliée sur moi-même.— Madame Lidia !— L’hôpital… Tout de suite, ordonné-je entre deux spasmes.Je n’ai pas la force d’en dire plus. Ils me portent, deux hommes maintenant, vers la voiture. La tête me tourne. À travers la vitre de la limousine,
InèsLa douleur me transperce, une brûlure acide et traîtresse qui se tord dans mes entrailles. Ce n’est pas seulement la chute, ni la rage d’avoir été humiliée par cette femelle de Lidia. C’est autre chose. Quelque chose qui germe en moi, malgré moi, et qui me rappelle que mon corps, lui aussi, peut me trahir.Je titube dans l’allée gravillonnée, les lumières de la villa d’Ézran se refermant dans mon dos comme des yeux moqueurs. Chez Ézran ? CHEZ ÉZRAN ? Cette phrase de Lidia tourne en boucle dans mon crâne, une scie qui me déchire les méninges. Qui est-elle pour me dire ça ? Pour claquer cette porte à mon nez ? Elle se prend pour la maîtresse des lieux, l’épouse en titre, alors qu’elle n’est qu’un utérus sur pattes, un pion dans un jeu qu’elle croit maîtriser. Elle pense avoir gagné ? Elle a gagné quoi, au juste ? Le droit de se faire abandonner un peu plus tard ? Le droit d’élever un enfant dont le père la méprise ?Je serre les poings, les ongles entaillant ma paume. Ma robe est d
GraciasLe sommeil est une mer trop calme pour des naufragés assoiffés de rivages nouveaux. J'émerge d'un seul souffle avec lui, comme si nos systèmes nerveux, désormais entrelacés, refusaient toute autonomie. L'aube n'est qu'une suggestion lilas à l'horizon, une pâle promesse qui vole la clarté des étoiles sans encore offrir celle du jour.Mon regard le trouve dans la pénombre persistante. Il n'y a plus de question, plus d'hésitation. Seulement une reconnaissance foudroyante, un vertige partagé. Nos bouches se cherchent avant même que nos bras ne s'enlacent, et ce baiser n'est plus une exploration, mais une affirmation. Un goût familier et pourtant toujours nouveau : la nuit sur sa langue, le sel de nos peurs évaporées, l'essence même de notre réconciliation.— Je te sens encore en moi. Partout.Mes mots, simples et crus, semblent l'embraser comme une traînée de poudre. Sa main se pose sur mon ventre, paume à plat, comme pour sentir l'écho de sa présence en moi. Je gémis, un son bas
Ézran Le sommeil ne fut qu’une brève trêve, une éclipse dans la nuit encore jeune. Je somnolais, enveloppé par son souffle et le rythme apaisé de son cœur contre le mien, lorsqu’un mouvement me tire de ma torpeur. Sa main, légère et pourtant brûlante, se déplace sur mon torse. Ses doigts tracent des cercles lents, hésitants d’abord, puis plus assurés, comme s’ils redessinaient les frontières d’un territoire nouvellement conquis.Je baisse les yeux. Elle me regarde déjà, son visage baigné par la lueur argentée de la lune maintenant haute dans le ciel. Il n’y a plus de trace de la peur ou de la timidité de la première fois. Son regard est sombre, intense, chargé d’une curiosité affamée.— Tu ne dors pas ? murmuré-je, ma voix rauque de sommeil et d’émotion persistante.Elle ne répond pas avec des mots. Elle se soulève sur un coude et, d’un geste d’une audace soudaine qui me coupe le souffle, elle pose ses lèvres sur la fine ligne qui barre mon abdomen, la cicatrice d’une vieille bataill







