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Chapitre 2 : Eira

Author: Darkness
last update Huling Na-update: 2025-11-08 19:54:44

La pierre est froide et humide sous mes paumes. Je suis assise par terre, le dos contre la porte de mon appartement, comme si je pouvais physiquement bloquer l’extérieur. Mais l’extérieur est déjà en moi. L’image , la sensation , ne veut pas partir.

— Du métal froid. L’odeur du cuivre. Une chute.

Ce n’est plus une impression fugace. C’est une empreinte, brûlante et douloureuse, gravée au fer rouge derrière mes paupières. Je respire un grand coup, l’air vicié de mon sanctuaire qui sent la poussière et les herbes séchées que je brûle pour purifier l’atmosphère. Ça ne marche jamais. Les morts n’ont que faire de la sauge.

Je me lève, les jambes tremblantes. Il faut faire quelque chose. L’ignorer, c’est comme laisser une blessure s’infecter ; la douleur ne fera que grandir, devenir insupportable, jusqu’à ce que je sois submergée. Je marche jusqu’à la petite table en chêne, usée par le temps et les mains anxieuses qui s’y sont posées. Mes doigts effleurent le bois poli.

Je n’ai pas choisi ceci. Cela m’a été imposé, comme une cicatrice à la naissance. Grand-mère disait que c’était un honneur, une connexion avec l’au-delà. Moi, je n’y ai jamais vu qu’une malédiction. Être un réceptacle pour les peurs, les regrets et les derniers souffles des autres. Être une tombe vivante pour des secrets qui ne m’appartiennent pas.

Je ferme les yeux, laissant les derniers remparts de ma résistance tomber.

— Montre-moi, chuchoté-je à l’obscurité derrière mes yeux.

La pièce disparaît. La sensation de froid m’envahit, si intense que mes dents claquent. L’odeur de cuivre – du sang, je le sais maintenant – emplit mes narines, étouffante. Et la chute… ce n’est pas une chute dans le vide. C’est une chute lourde, un corps qui s’effondre. Du carrelage. Je sens la dureté du carrelage contre une joue. Une joue qui n’est pas la mienne.

Puis, une voix. Étouffée, lointaine, comme à travers de l’eau.

— …personne ne comprendra…

Et une image finale, nette et cruelle : un motif. Un motif de losanges entrelacés, gravé sur quelque chose de métallique. Une boucle de ceinture ? Un pendentif ? C’est flou, mais la forme est distincte.

La vision se dissipe aussi brusquement qu’elle est venue, me laissant pantelante, les mains agrippées au bord de la table pour ne pas m’effondrer. La migraine commence déjà à marteler mes tempes, punition habituelle pour avoir trop regardé.

Une femme. Je sais que c’était une femme. Et elle est morte. Elle a été tuée. La violence de l’acte est encore suspendue dans l’air, une vibration maléfique qui résonne dans mon crâne.

Je regarde mes mains qui tremblent. Je pourrais rester ici. Fermer toutes les fenêtres, allumer toutes les bougies, et prétendre que je n’ai rien vu. Mais le silence, après, serait pire. Le poids de ce savoir non partagé m’écraserait.

Je prends mon vieux manteau, mes clés. Mon cœur bat à tout rompre, non pas à cause de la peur du dehors, mais à cause de la peur de ce que je vais devoir faire. Aller vers eux. Vers les vivants qui ne veulent pas nous entendre, elle et moi.

 Bastian

Le quai de la Brume est noyé dans les gyrophares bleus et rouges. La pluie a redoublé, transformant la scène de crime en un décor de film noir, lugubre et détrempé. Je baisse la tête sous l’averse et passe sous la bande jaune CRIME SCENE - DO NOT CROSS.

— Bastian. Vite.

L’inspectrice en charge, Durand, me fait signe depuis la porte ouverte d’un immeuble haussmannien décati. Son visage est tendu.

— Qu’est-ce qu’on a ?

— Femme, la trentaine. Élodie Marchand. Locataire du troisième. Découverte par la voisine du dessous qui a entendu ce qu’elle a pris pour une dispute, puis un bruit de chute. Elle a monté, la porte était entrouverte.

Je la suis dans l’escalier. L’air sent le renfermé, la poussière humide et… autre chose. Cette odeur. Cuivre et terre. Je serre les mâchoires.

L’appartement est petit, sobre, rangé. Trop rangé. Comme si personne n’y vivait vraiment. La porte du salon est grande ouverte. La lumière crue des lampes des techniciens éclaire la scène avec une brutalité impitoyable.

Elle est là, allongée sur le ventre au milieu de la pièce, une flaque sombre et épaisse s’étendant autour de sa tête. Ses cheveux blonds sont collés par le sang. Elle porte un jean et un pull simple. Rien ne semble volé, bouleversé.

— Cause probable ? je demande, la voix plus rauque que je ne le voudrais.

— Traumatisme crânien sévère. L’arme du crime n’a pas été retrouvée. Quelque chose de lourd, de contondant. Peut-être un presse-papier, un cendrier. Il manque un cadre photo sur l’étagère, là.

Durand désigne une étagère presque vide. Un carré de poussière plus clair indique l’absence d’un objet.

— La voisine a entendu quoi, exactement ?

— Une voix d’homme. Élevée. Puis un cri étouffé. Et le bruit de la chute. Elle a attendu quelques minutes avant de monter. Elle n’a vu personne.

Je m’accroupis près du corps, évitant soigneusement la flaque. Je regarde les mains d’Élodie Marchand. Pas de signe de lutte. Elle a peut-être connu son agresseur. Elle lui a tourné le dos ? Elle a été surprise ?

Mon regard est attiré par quelque chose près de sa hanche. La boucle de sa ceinture. Un motif de losanges entrelacés, finement gravé dans le métal.

Un détail. Un simple détail. Des centaines de personnes doivent avoir une boucle de ceinture similaire.

Pourtant, un frisson me parcourt l’échine. Un frisson que je refuse d’associer à autre chose qu’à la fatigue et à l’horreur de la scène. Je me relève, sentant le poids du silence de l’appartement, du regard vide de la victime.

— Alors ? fait Durand.

— Alors on commence. Liste des proches, amis, collègues. Relevé des caméras de surveillance dans la rue. Témoignages des autres voisins. Tout.

Je sors de la pièce, besoin d’air même si l’air dehors est lourd de pluie et de mort. Je m’adosse au mur du couloir, fermant les yeux une seconde. L’image de la boucle de ceinture, des losanges, s’imprime derrière mes paupières.

Hasard. Coïncidence. C’est tout.

Mais pour la première fois depuis longtemps, ces mots ont un goût de cendre dans ma bouche.

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