Chapitre 3

Les paroles cinglantes de Ghislaine ont fait sursauter Tristan. Il a répliqué, sur la défensive : « Ils étaient aussi tes beaux-parents, non ? Ça te dérange tant que ça d'aller les honorer à ma place ? Tu ne peux pas prendre un taxi ? »

Autrefois, même lorsqu'il lui faisait la tête, il n'aurait jamais été aussi cruel. Même en colère, il aurait d'abord pensé à sa sécurité.

Ghislaine n'a pas voulu discuter plus longtemps. Elle est sortie de la voiture d'un geste sec, claquant la porte avec une violence qui trahissait sa rage.

Et Tristan ? Sans la moindre hésitation, il a fait demi-tour et est parti aussitôt, laissant Ghislaine avaler la fumée d'échappement en plein visage.

Presque au même moment, son téléphone a vibré. Un message de Katia, triomphante : « Te battre, c'était trop facile. »

Ces quelques mots ont suffi à lui soulever le cœur.

Leur historique de discussion n'était qu'une litanie de harcèlement et de vantardises de la part de Katia, auxquelles Ghislaine n'avait jamais répondu. Avant, c'était parce qu'elle était trop blessée, trop épuisée par les larmes. Mais maintenant, résolue à se libérer de ce triangle toxique, elle a répondu enfin : « Je vous souhaite un heureux mariage. »

Elle savait pertinemment qu'une fois le divorce acté dans un mois, Tristan se précipiterait pour épouser cette femme qu'il n'avait jamais vraiment oubliée.

Ce vœu était sincère. Enfin, presque. Elle leur souhait aussi, du fond du cœur, un mariage rempli de disputes et de regrets !

Katia, étrangement, a perdu soudain ses nerfs et s'est mise à l'insulter violemment :

« Espèce de salope sans dignité ! Sans toi, on serait déjà mariés depuis longtemps ! »

« Tu crois qu'il t'a aimée ? Ne te fais pas d'illusions. »

« Et devine quoi ? Nathan me dit tous les jours qu'il veut te brûler, et qu'il veut que je sois sa vraie mère ! »

Cette dernière révélation a frappé Ghislaine de plein fouet. Comment un enfant pouvait-il dire des choses aussi cruelles ?

Mais cette tristesse s'est évaporée aussi vite qu'elle était venue. Dans un mois, cet enfant ne serait plus son problème.

Elle a activé le mode silencieux de son téléphone avant de le glisser dans son sac.

Après une heure de marche, elle est arrivée enfin à l'entrée du cimetière. Le gardien, qui la connaissait bien, tout en enregistrant les informations des visiteurs, a jeté un coup d'œil derrière elle :

« Vous êtes venue seule aujourd'hui ? »

« Oui. » Sans plus d'explications, elle a pris les fleurs et s'est dirigée d'un pas assuré vers la tombe des parents de Tristan.

Sur la photo, le couple paraissait si jeune. Oui, ils étaient morts dans un accident.

À l'époque, Ghislaine venait tout juste de rencontrer Tristan lors d'un rendez-vous arrangé. Tristan avait amené Katia en signe de protestation silencieuse. Son père conduisait, sa mère était à ses côtés, tous deux s'efforçant de briser la glace et d'animer l'atmosphère.

Ghislaine était assise près de la fenêtre, Katia au milieu.

Trop concentré à essayer de détendre l'atmosphère, le père n'avait pas vu le camion qui arrivait en face.

Au moment du choc violent, Ghislaine n'avait eu que le temps de tirer Tristan vers elle. Mais un morceau de métal du camion lui avait tranché net l'annulaire et l'auriculaire avant qu'elle ne perde connaissance.

À son réveil, Tristan, le visage bouffi par les larmes, la regardait avec haine en grondant entre ses dents : « On va se marier » ; quant à Katia, elle avait mystérieusement disparu.

Pendant longtemps, Tristan avait tenu Ghislaine pour responsable de l'accident.

Mais le temps fait son œuvre. Sans qu'elle sache vraiment comment, la distance entre eux s'était peu à peu réduite, jusqu'à deux années de bonheur. Et puis...

Ghislaine a secoué la tête pour chasser ces souvenirs. Elle a déposé les fleurs devant la pierre tombale et a murmuré d'une voix rauque : « Joyeux Noël. »

« J'ai donné tout ce que je pouvais à Tristan. Maintenant que son grand amour est de retour, il pourra être heureux avec elle. Vous n'avez plus à vous inquiéter pour lui. »

« Il n'a pas pu venir aujourd'hui. Mais je reviendrai chaque année. »

Ne sachant quoi ajouter, elle est restée assise un moment en silence. Une brise légère a fait voltiger un pétale qui est venu se poser délicatement sur sa joue.

Étaient-ce eux qui, de là-haut, lui adressaient une consolation ?

Elle est restée sur place jusqu'à midi, partageant un simple repas avec le gardien avant de repartir.

À mi-chemin, le ciel s'est assombri brusquement et la pluie s'est mise à tomber à verse. Elle a essayé d'appeler un taxi, mais dans cet endroit isolé et par ce temps exécrable, c'était mission impossible.

Pas une âme qui vive sur la route, pas même un arbre pour s'abriter. Elle n'a eu d'autre choix que d'affronter la pluie.

Quatre heures plus tard, elle a atteint enfin le centre-ville. Les vitrines des magasins lui ont renvoyé l'image de sa propre misère : trempée jusqu'aux os, les cheveux plaqués sur le crâne, le visage hagard. On aurait dit une revenante tout droit sortie des égouts.

Alors qu'elle s'apprêtait à détourner le regard, son œil était soudain attiré par une scène derrière une vitre.

Quel cruel hasard...

De l'autre côté de la vitre, Tristan, Nathan et Katia, attablés, riaient et conversaient avec une complicité évidente, formant le tableau parfait d'une famille heureuse.

Et elle ? Dehors, sous la pluie, trempée et pitoyable comme une sans-abri !

C'était à ce moment que Ghislaine a réalisé avec un choc qu'après l'avoir abandonnée ce matin, Tristan n'avait même pas pris la peine de lui envoyer un simple message pour s'assurer qu'elle allait bien.

Elle a sorti son téléphone. Même trempé, elle a composé obstinément son numéro.

La communication s'est établie sans accroc. Dans le restaurant, Tristan a jeté un regard à son téléphone, a froncé les sourcils avec dégoût avant de couper net l'appel.

Ghislaine a vu l'écran s'éteindre d'un coup après le rejet. Elle a pressé en vain les touches, plus aucune lueur ne jaillissait. Exactement comme le cœur de Tristan : autant tenter de réchauffer un bloc de glace avec ses mains nues...

Elle est restée plantée là, fixant son téléphone mort pendant de longues minutes. Finalement, elle en a retiré la carte SIM et l'a jetée dans une poubelle avant de se diriger lentement vers la maison, l'esprit vide.