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Je m'appelle Élise.
Aujourd’hui, nous sommes le 3 novembre. Une date comme une cicatrice. Elle revient chaque année, discrète et coupante, comme un rappel de ce que j’ai cru être le début d’une vie. Le début d’un “nous” qui n’a jamais vraiment existé.
Il y a exactement trois ans, en cette même saison rousse et fragile, j’ai dit oui à Liam.
Le ciel était pâle ce jour-là, presque timide, et les feuilles tombaient comme des promesses en déclin. Je portais une robe simple, un sourire immense, et un cœur trop grand pour mon propre bien. J’étais pleine de foi, d’élan, d’amour, persuadée que ça suffirait. Que je suffirais.
Trois années ont passé. Trois années de silences tièdes, de gestes absents, de mots qu’on n’a pas dits. Trois années à lutter seule dans un mariage à deux. À essayer de sauver ce qu’il ne voulait même pas retenir.
Aujourd’hui, c’est notre anniversaire.
Je me suis levée avant l’aube. Le ciel était encore noir quand j’ai mis les pieds dans la cuisine. J’ai sorti les ingrédients un à un, comme s’ils avaient le pouvoir de raviver quelque chose en lui. J’ai cuisiné ses plats préférés, ceux de nos débuts, ceux qu’il finissait en riant, en m’embrassant dans le cou.
J’ai dressé la table avec lenteur. Une nappe blanche. Des assiettes en porcelaine. Les verres à pied qu’on n’utilise jamais. Des bougies fines, hautes, droites, comme si elles seules savaient encore ce que c’est que d’attendre debout. J’ai tout fait pour que ce soir ressemble à une fête, même si, en moi, tout est en deuil.
Puis je suis montée dans notre chambre.
J’ai fouillé dans ma penderie, cherché cette robe. Celle qu’il avait caressée du regard, un soir lointain, dans une autre vie. Celle de notre lune de miel. Elle me va encore, mais elle ne brille plus pareil. Moi non plus.
Je me suis maquillée un peu, pas trop. Juste de quoi cacher les cernes, raviver l’illusion. J’ai laissé mes cheveux lâchés, comme il les aimait, et j’ai mis ce parfum qu’il connaissait par cœur. Un peu trop sucré pour moi. Mais c’est lui que je voulais reconquérir, pas moi.
Je suis redescendue. La maison était silencieuse. J’ai regardé l’heure. Il n’était toujours pas là.
Et puis… le téléphone a vibré.
Une notification, un simple bruit. Un petit cri numérique dans le silence feutré.
C'est un message, une phrase qui dit :
« Je suis enceinte de l’enfant de Liam. »
J’ai relu, encore.
Une, deux, trois fois.
Mais les mots ne bougent pas. Ils restent, ils sont lourds et cruels, mais bien réels. C’est un message anonyme.
Qui peut bien m’envoyer ça ?
Je reste là, droite, immobile, les mains tremblantes sur l’écran. Mes jambes deviennent du coton. Mon cœur, un poing fermé. Je veux pleurer, mais rien ne sort. Même mes larmes semblent m’avoir quittée.
La porte d’entrée claque. Il est là. Quand il me voit, il baisse les yeux.
Je souris, comme une folle douce, comme une femme qui s’accroche au fil d’un rêve en train de brûler.
— Joyeux anniversaire, mon amour, dis-je en avançant vers lui.
Je tends les bras. Mes lèvres cherchent les siennes.
Mais il me contourne. Comme on contourne un meuble, un obstacle. Ça me transperce, mais je fais comme si de rien n’était.
Je le suis, pieds nus sur le carrelage froid, comme on suit un fantôme, à pas lents, à pas fragiles, sans bruit, sans souffle, le cœur battant trop vite, trop fort, à s’en fendre les côtes, à s’en briser la cage, j’ai envie de hurler, de déchirer les murs, de lui balancer la douleur au visage, mais je me tais, je retiens tout, je ravale, encore, comme toujours.
LiamLe regard d’Élise. C’est la seule chose qui existe dans cette pièce sursaturée d’opulence. Un regard qui me transperce, un mélange déchirant de terreur et de fierté. Elle me supplie silencieusement de ne pas céder. Mais derrière cette supplique, je vois autre chose. Une résolution froide. Elle a un plan. Elle affronte le monstre à visage découvert.Gessler attend, un sourire de fauce aux lèvres. Il croit avoir gagné. Il croit que la menace contre ma mère va plier mes genoux.Ma voix, quand elle sort, est plus calme que je ne l’aurais cru.— Mes droits… ces projets… ils étaient ma colonne vertébrale. La seule chose qui me restait de l’homme que j’étais. Les signer, c’est signer mon arrêt de mort.— C’est une mort lente et confortable que je vous offre, Carter, rétorque Gessler. L’alternative est bien plus… abrupte.Je secoue la tête, lentement, mes yeux ne quittant pas ceux d’Élise.— Non. Vous vous trompez sur toute la ligne, Gessler. Vous croyez que la peur est le sentiment le p
ÉliseLe message de Liam a brûlé dans mon esprit toute la nuit. « La rose fanée se souvient du soleil. » Un code si simple, si nous. Il se souvient. Il est là. Il n’a pas abandonné. Cette certitude est un élixir de fer coulant dans mes veines, remplaçant le sang par de la volonté.Arnold a changé. Sa courtoisie est une couche de glace si mince que je vois la fureur bouillonner en dessous. Il me regarde comme un collectionneur regarde une pièce rare qui lui échapperait, avec une colère mêlée d’une incrédulité blessée.Ce matin, le petit-déjeuner est un silence tendu. Le cliquetis de ma cuillère dans la tasse de porcelaine est une détonation.— Tu sembles pensive, Élise, dit-il enfin, posant son journal. Les nouvelles sont… édifiantes, ces derniers temps.Je lève les yeux, gardant mon visage aussi lisse que la surface de mon thé.— Vraiment ? Je ne lis plus les journaux. Ils ne parlent que de la chute des hommes. C’est un spectacle monotone.Ses doigts se crispent imperceptiblement sur
ÉliseLe jardin est vaste, trop bien entretenu pour être vraiment vivant. Chaque buisson est taillé au cordeau, chaque allée de gravier impeccable. Maria marche à mes côtés, silencieuse, mais sa présence n’est plus tout à fait celle d’un gardien. Son appel à Liam a trahi une loyauté qui vacille. Je dois creuser cette faille.— Il fait froid, dis-je en croisant les bras sur ma poitrine. Le soleil est une tromperie.— L’hiver approche, madame, répond-elle, le regard droit devant.— L’hiver, oui. Tout gèle. Même les sentiments. Ou peut-être surtout eux.Je m’arrête, feignant de contempler une rose tardive, presque fanée.— Maria… merci. Pour la promenade.— Ce n’est rien, madame.— Si. Pour moi, c’est beaucoup. Un peu d’air qui n’est pas celui de cette maison.Je me tourne légèrement vers elle, baissant la voix.— Il a peur, n’est-ce pas ? Arnold. Je l’ai vu dans ses yeux ce matin.Maria ne répond pas, mais un muscle tressaute sur sa mâchoire. Un silence est une réponse, ici.— Quand on
ÉliseLa lueur de l'aube filtre à travers les volets, dessinant des barres de lumière pâle sur le sol. Je n'ai pas dormi. Le nom "Dubois" tournait en boucle dans ma tête, une mélodie funèbre. La signature de Liam. Arnold qui le dépouille.Je me lève, le corps lourd, l'esprit étrangement vif. La peur est toujours là, une bête tapie au fond de mon ventre, mais elle a été rejointe par autre chose. Une froide détermination.Maria entre avec mon petit-déjeuner, posant le plateau sur la table avec une efficacité silencieuse. Elle jette un regard vers le lit défait, mais ne dit rien.— J'aimerais me promener dans le jardin, dis-je d'une voix que je veux neutre.Elle hésite, une fraction de seconde.— Monsieur a donné des consignes pour que vous vous reposiez.— Une promenade lente est un repos, Maria. L'air frais me fera du bien. Vous pouvez m'accompagner si les consignes de monsieur vous inquiètent.Je la regarde droit dans les yeux. Je ne supplie pas. Je propose. Je teste les limites de ma
ArnoldLe bureau est silencieux, baigné seulement par la lueur froide de la lampe en cristal sur mon bureau. Les rapports s'empilent, nets, ordonnés. Des colonnes de chiffres qui obéissent au moindre de mes désirs. Le monde, à travers ces documents, est une mécanique prévisible que je maîtrise.Mais ce soir, la mécanique a des ratés.Je fixe l'écran de mon ordinateur sans voir les courbes boursières. Une image persiste, tenace, derrière mes paupières : Élise, de l'autre côté de la table, pâle et silencieuse. La façon dont elle a serré son verre. L'éclat de rébellion , oui, de rébellion , dans son regard quand elle a mentionné le psychiatre.Elle a peur. C'est bon. La peur est un outil. Elle doit avoir peur.Alors pourquoi cette sensation d'inconfort ? Pourquoi son silence pèse-t-il soudain plus lourd qu'une défaite en Bourse ?« Termine ton repas. »Des mots banals. Une phrase de mari attentionné. Mais en les prononçant, j'ai senti une faille, une fissure minuscule dans l'armure de co
ÉliseLe dîner est un supplice raffiné.La salle à manger est immense, la table en ébène luisante semble s'étirer sur des kilomètres. Je suis assise à une extrémité, Arnold à l'autre. La distance qui nous sépare est un abîme que même la voix ne pourrait franchir sans effort. Le silence n'est brisé que par le cliquetis des couverts en argent sur la porcelaine fine.Maria circule comme une ombre, déposant des plats d'une présentation impeccable. Une cuisine gastronomique, sans saveur. Chaque bouchée a le goût de la cendre. Je les avale, mécaniquement, les yeux baissés sur mon assiette.— Le homard n'est pas à ton goût ? ta voix d'Arnold, calme et posée, résonne dans le vide.Je lève les yeux. Son regard est fixé sur moi, un mélange de fausse sollicitude et de froide évaluation.— Il est parfait, murmurai-je.— Tu ne manges presque rien. Maria a pourtant suivi les instructions du nutritionniste à la lettre. Il faut reprendre des forces, Élise.Reprendre des forces. Pour quoi ? Pour mieux







