Beranda / Urbain / LE MARIÉ FANTÔME / Chapitre 3 – La Faim

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Chapitre 3 – La Faim

Penulis: L'invincible
last update Terakhir Diperbarui: 2025-06-15 02:49:36

Isadora

Je suis restée jusqu'à l'aube. Le ciel a changé de teinte sans que je m'en aperçoive. Les étoiles ont fui une à une, avalées par la pâleur du matin. Mon corps est las, à vif, rongé d’épuisement. Mais mon esprit, lui, est en feu. Un feu froid, affamé, comme si quelque chose de fondamental avait été brisé en moi, ou peut-être éveillé.

Je suis partie sans un mot. Je n’ai pas refermé la porte. Je n’ai pas osé. Il était encore là, assis dans son fauteuil, la coupe toujours vide. Immobile. Comme un roi en exil. Ou une bête à l’affût. Majestueux. Dangereux. Irréel. Un spectre fait de chair et de nuit.

Je descendais les marches comme si j’émergeais d’un rêve. Ou d’une transe. Le monde semblait trop net, trop rapide. L’air piquait mes joues, le silence me giflait.

Dans la rue, les premiers passants levaient les yeux vers le ciel. Ils cherchaient le jour, moi je portais encore la nuit. Personne ne voyait ce que je traînais sur ma peau : l’empreinte invisible de ses mains. Ses ongles dans mon dos, ses doigts dans mes cheveux. Je sentais encore sa bouche sur la mienne, ses murmures incrustés dans mes os. Et surtout, ce regard. Celui qui dissèque. Celui qui choisit. Celui qui possède.

Je me suis demandé combien d'autres il avait regardées comme ça. Et combien étaient encore en vie.

Et pire… combien en redemandaient.

Combien avaient accepté de se perdre sans même résister.

Je rentre chez moi. Douche. Miroir. Vide.

Je me lave longtemps. Trop longtemps. L’eau brûle. Mais je reste dessous, comme si je pouvais effacer quelque chose. Il n’y a rien à effacer. Tout est en moi maintenant. Dans ma chair. Sous mes paupières.

Je n’ai plus le visage d’Isadora Delcourt, la mondaine trop brillante, la femme qui sait toujours.

J’ai un visage fendu d’ombres, de désir, de vertige.

J’ai les joues creuses, les lèvres trop rouges, et les yeux… les yeux qui cherchent quelque chose qu’ils ne devraient pas vouloir. Une faim ancienne. Précise. Inavouable.

Je ne me reconnais plus.

Et je ne veux pas me reconnaître.

Je dors deux heures. Je rêve de lui. De ses mains. De sa voix. De son souffle. Je me réveille haletante, les draps froissés, la bouche ouverte comme si j'avais crié. Peut-être que j’ai crié. Peut-être que ce n’était pas un rêve. Peut-être qu’il est venu. Peut-être qu’il a murmuré mon nom dans la nuit et que je me suis offerte sans résistance.

Il me faut un verre. Ou deux. Ou toute une bouteille.

Mais l'alcool ne lave rien. Il ne fait qu'attiser. Comme de l’huile jetée sur une plaie incandescente.

Je vacille entre deux états : lucide et ivre. Présente et absente. Terrifiée et exaltée.

Je veux le revoir.

Et je le hais de m’avoir rendue dépendante si vite.

Je passe la journée à tourner en rond. Les messages s'accumulent sur mon téléphone. Invitations, questions, curiosités mondaines. Des voix sans importance. Des visages sans goût. Rien qui compte. Rien qui ait son odeur. Rien qui réveille ce que lui a touché.

J’erre dans mon appartement. Je caresse les murs. Je cherche un signe. Une trace. Un mot laissé quelque part. Il n’y a rien. Et pourtant… tout parle de lui. Mon reflet. Mon silence. Mon manque.

Le soir tombe. Et je cède.

Je retourne au Normandy. Je dis son nom au réceptionniste. Le garçon me regarde comme si j'étais folle.

— Il n’y a pas de Monsieur de Vallières dans notre registre.

Je répète. Lentement. Avec ce ton qu’on emploie quand on a l’habitude d’être crue. Rien. Pas de trace. Pas de réservation. Pas même une suite au dernier étage. Juste un regard confus du réceptionniste et un silence trop épais.

Il n’a jamais été là.

Ou alors, il a tout effacé.

Ou… il n’a jamais eu besoin d’exister comme les autres.

Je quitte le hall, glacée. Un vertige m’envahit.

Est-ce que je deviens folle ? Est-ce que j’ai inventé cette nuit ? Est-ce qu’il m’a glissée dans un rêve pour mieux m’en dérober ?

Sur la plage, il n’y a que le vent. Et mon propre écho.

Le sable est froid sous mes talons. L’horizon semble fuir.

Mais je le sens encore. Dans chaque battement de mon cœur.

Dans le creux de mes reins.

Dans le silence qui me hurle de revenir.

Je cherche son nom sur internet. Je retourne les archives, les annuaires. Rien. Rien d’actuel. Des traces anciennes. Une généalogie noble, oubliée. Un domaine au nord, fermé depuis des décennies.

Et une photo. Floue. Il y a vingt ans. Peut-être lui. Peut-être pas. Le même port de tête. Le même regard d’abîme.

Je suis devenue cette femme.

Celle qui fouille, qui traque.

Celle que j’aurais méprisée, hier encore.

Je m’endors dans mes vêtements. Je me réveille en sueur. Je me perds.

Deux jours passent. Je ne travaille plus. Je ne vis plus.

Je cherche. J’attends. Je hante les rues comme une chasseresse sans proie.

Je tends l’oreille. Je scrute les visages. J’effleure des poignets qui ne sont pas le sien.

Et puis enfin… quelque chose.

Une lettre.

Glissée sous ma porte. Papier ivoire. Encre noire.

Mon prénom, calligraphié à l’ancienne.

Un parchemin d’un autre siècle, trempé d’élégance et de poison.

Je la lis debout, sans respirer.

« Ce n’est pas encore le moment.

Mais vous avez bon goût.

Revenez quand vous aurez faim.

A. »

Mon sang se glace. Et je souris.

Parce que j’ai déjà faim.

Faim de lui.

Faim de cette chute.

Faim de tout ce que je n’ai jamais osé vouloir.

Et

que je suis prête à tout avaler.

Même lui.

Même moi.

Même ce qui reste d’Isadora Delcourt.

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