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LUNE DE SANG
LUNE DE SANG
Author: Millie

Chapitre 1 : La morsure

Author: Millie
last update Last Updated: 2025-05-02 20:37:13

La pluie tombait fine, glissant sur les pavés sombres de la vieille ville. Élina serra son manteau contre elle, jetant des regards nerveux autour d’elle. Elle n’aurait pas dû traîner aussi tard à la bibliothèque, mais le devoir de génétique ne se rédigerait pas tout seul.

Ses pas résonnaient dans la ruelle vide, étouffés seulement par le bruit lointain du tonnerre. Elle accéléra, croisant les bras sur sa poitrine. Son instinct criait de faire demi-tour, mais elle était presque arrivée à son studio.

Puis elle les entendit. Des pas. Lourds. Rapides. Trop rapides.

Elle se retourna brusquement. Personne.

Elle recommença à marcher. Encore les pas. Cette fois, plus proches. Elle se mit à courir, son sac cognant contre sa hanche. Une silhouette bondit de l’ombre. Un homme… non, une chose. Grande, voûtée, des yeux rouges brillants, des griffes.

Élina cria.

Elle trébucha, tomba sur le sol détrempé. La créature s’élança, gueule ouverte, un grondement rauque s’échappant de sa gorge. C’était la fin. Elle le sentit au plus profond d’elle.

Un hurlement.

Pas le sien.

Un autre. Grave. Sauvage.

Quelque chose — quelqu’un — percuta la bête avec une force inhumaine. Un combat éclata sous ses yeux embués de larmes. Griffes contre griffes. Crocs contre crocs. L’air vibrait de rage animale.

Puis ce fut le silence.

La créature aux yeux rouges gisait, immobile.

L’autre… se retourna. C’était un homme. Torse nu, la peau couverte de cicatrices anciennes, les yeux dorés comme un soleil étrange. Son regard se fixa sur elle. Il semblait aussi étonné qu’elle.

« Tu… tu ne devrais pas être ici, » dit-il, sa voix rauque, grave, presque douloureuse.

Elle ouvrit la bouche, mais aucun son n’en sortit.

Il fit un pas vers elle. Et là, elle le vit. Une morsure à son épaule. Sanglante. Sifflante. Et ses yeux… quelque chose changeait. Il luttait contre lui-même.

« Fuis. » souffla-t-il. « Cours. »

Élina recula, se releva tant bien que mal, et s’enfuit, les jambes flageolantes.

Elle n’arrêta de courir qu’une fois la porte de son immeuble refermée derrière elle, le cœur battant à tout rompre, les mains tremblantes.

La nuit passa, agitée. Élina rêva de crocs, de forêts sombres, d’yeux dorés et de hurlements. Et d’une morsure.

Elle se réveilla en sueur.

Un picotement étrange au cou.

Elle se leva en titubant et se planta devant le miroir. Sa peau pâle semblait normale… sauf cette marque. Une petite empreinte, juste sous sa clavicule. Rouge. Irrégulière. Comme si des crocs y avaient frôlé la chair.

Non.

Elle refusait d’y croire.

Elle appela la fac pour dire qu’elle était malade. Incapable de sortir. Incapable de penser. Son esprit était envahi par l’image du regard doré.

Qui était-il ? Qu’était-il ?

Et pourquoi cette morsure semblait-elle… brûler sous sa peau ?

Les jours suivants, Élina essaya de reprendre le cours normal de sa vie. Mais tout était différent. Les lumières paraissaient plus vives. Les sons plus nets. Les odeurs plus puissantes. Elle pouvait entendre les battements d’ailes d’un pigeon sur le toit du bâtiment d’en face. Son propre cœur résonnait à ses oreilles comme un tambour.

Et surtout, cette impression constante d’être suivie.

Elle avait commencé à rêver de lui. Ce regard doré, cette voix rauque. Des rêves flous mais chargés d’émotions brutes : peur, désir, puissance. Comme si un lien invisible s’était tissé entre eux.

Et elle se surprenait à attendre quelque chose. Qu’il revienne. Qu’il lui parle. Qu’il lui explique.

Mais il ne venait pas.

Pas tout de suite.

Un soir, en sortant d’un café près du campus, elle le vit.

De l’autre côté de la rue.

Appuyé contre un lampadaire. En manteau noir. Les yeux fixés sur elle. Le regard intense, inoubliable.

Kaël.

Elle ne savait pas comment elle connaissait son nom. Mais elle le savait.

Comme un écho dans son esprit. Kaël.

Il ne bougea pas. Il l’observait. Avec une intensité presque douloureuse.

Élina fit un pas. Puis un autre.

Il tourna lentement les talons et s’engagea dans une ruelle.

Elle le suivit. Sans réfléchir. Comme attirée. Comme si quelque chose en elle reconnaissait quelque chose en lui.

Quand elle tourna à son tour dans la ruelle, il l’attendait.

« Tu ne devrais pas me suivre, » dit-il d’une voix grave.

Elle s’arrêta net.

« Qui es-tu ? » demanda-t-elle.

Il ne répondit pas tout de suite. Ses yeux brillaient, même dans l’obscurité.

« Tu as été mordue. »

Elle porta la main à sa clavicule.

« Ce n’est pas… ce n’est pas un rêve ? »

« Non. » Sa voix était un murmure. « Ce que tu ressens, ce que tu vis… c’est le début. »

« Le début de quoi ? »

Kaël s’approcha d’un pas lent, mesuré. Il ne la touchait pas, mais sa présence emplissait tout l’espace.

« Tu n’es plus vraiment humaine. »

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