Chapitre 2 : L’Appel

Le monde semblait avoir changé autour d’Élina. Chaque son vibrait en elle comme un tambour, chaque mouvement dans l’air lui chatouillait la peau. Elle ne savait plus si elle devenait folle ou si son corps s’adaptait à une réalité invisible jusque-là.

Trois jours avaient passé depuis sa rencontre avec Kaël. Trois jours sans sommeil profond, sans paix intérieure. Elle avait essayé d’en parler à Mélissa, sa coloc, mais elle n’avait reçu que des regards inquiets en retour. Alors, elle s’était tue.

Et elle attendait.

Car elle le sentait. Quelque chose approchait.

Ce soir-là, un vent étrange souffla sur la ville. Pas glacial, mais chargé d’électricité. D’instinct, Élina s’habilla chaudement et sortit. Elle n’avait pas de destination précise, seulement une envie irrépressible de marcher. Comme si ses pas étaient guidés.

Elle traversa le parc désert, contourna le vieux théâtre, puis s’enfonça dans une ruelle. Son cœur battait plus vite. Elle n’avait pas peur, pas cette fois. Elle était… attirée.

Et il était là.

Adossé à un vieux mur de pierre, Kaël l’attendait. Il portait un manteau sombre, les cheveux détachés, le regard plus intense encore que la dernière fois. Il ne sourit pas. Il ne dit rien.

Élina s’arrêta à deux mètres.

« Je savais que tu viendrais, » souffla-t-elle, presque surprise par ses propres mots.

« Tu l’as senti. »

Elle acquiesça. Il y avait une chaleur dans sa voix, presque une vibration. Comme s’il parlait directement à son sang.

« Tu changes, Élina. La morsure t’a ouverte. »

« Tu m’as dit que je n’étais plus humaine… »

Il la regarda longuement, puis hocha lentement la tête.

« Ce que tu portes en toi, c’est l’Appel. Le début de la mutation. Ton corps se prépare à accueillir la bête. Ton esprit aussi. »

Élina déglutit.

« Et ensuite ? »

« Ensuite, tu choisis. »

Elle haussa les sourcils. « Choisir quoi ? »

Kaël s’approcha d’un pas. Elle sentit une chaleur étrange monter en elle. Pas de peur. Une chaleur animale.

« Vivre comme eux. Enfouir tout ça. T’enfuir. Mentir à toi-même. Mais ça te détruira. Ou… venir avec moi. Comprendre ce que tu deviens. Apprendre à survivre. »

« Tu veux que je devienne comme toi. »

Il planta son regard dans le sien. « Tu n’as plus le luxe de rester ce que tu étais. »

Un silence s’installa. Le vent se leva.

Puis il ajouta, plus doucement : « La pleine lune approche. Tu ne tiendras pas sans aide. »

Élina sentit ses jambes trembler. Elle n’avait jamais cru aux monstres, aux histoires de loups-garous. Pourtant, tout en elle criait que c’était vrai. Son corps. Ses rêves. Cette marque qui brûlait sous sa peau.

« Je viens avec toi. »

Kaël hocha la tête, sans joie. « Alors suis-moi. »

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Ils marchèrent longtemps, quittant la ville, traversant des chemins forestiers. La lune, presque pleine, éclairait leur route.

Au bout d’une heure, ils arrivèrent à une grande bâtisse, cachée dans les bois. Une ancienne auberge transformée en sanctuaire. Là, les attendait une femme aux cheveux blancs et au regard glacial.

« C’est elle ? » demanda-t-elle, sans saluer Élina.

Kaël répondit simplement : « Oui. »

La femme s’approcha, la détaillant comme un animal sauvage observe une proie. « Trop frêle. Trop hésitante. Elle ne tiendra pas. »

« Elle tiendra, » dit Kaël d’un ton ferme.

Élina se redressa. « Je suis là, vous savez. Vous pouvez me parler directement. »

Un sourire narquois étira les lèvres de la femme. « De la répartie. C’est déjà ça. »

« C’est Maëlys, » souffla Kaël. « Bêta de la meute. »

Maëlys haussa les épaules. « Ne t’attache pas trop vite, Kaël. On en a vu d’autres se faire mordre. Peu survivent à la première pleine lune. »

Élina serra les dents. « J’ai pas l’intention de mourir. »

Kaël posa une main sur son épaule. Son contact était à la fois rassurant et brûlant.

« On va te préparer. Demain, l’entraînement commence. »

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La nuit fut courte. Élina dormit dans une chambre austère, sans décor, avec juste un lit de bois et une couverture épaisse. Mais elle dormit mieux que jamais. Pas de cauchemar cette fois. Juste des murmures. Des chants anciens. Et une voix grave qui l’appelait.

Au matin, Maëlys l’attendait dans une clairière.

« On va voir si t’as du feu dans les veines. »

Ce ne fut pas un entraînement. Ce fut une épreuve.

Courir à travers les bois pieds nus. Sentir le vent, écouter les battements du monde. Apprendre à flairer, à sentir la peur, le désir, la colère dans les odeurs.

Puis le combat. Pas avec des armes. Avec le corps. L’instinct. Maëlys n’épargna rien. Élina tomba, saigna, hurla. Mais elle se releva.

Et à chaque fois, quelque chose en elle grandissait. Une force sauvage. Une colère ancienne. Une puissance qu’elle ne connaissait pas.

Kaël observait, à distance.

Quand enfin la nuit retomba, elle s’effondra dans sa chambre. Vidée. Brûlante. Mais vivante.

Et cette nuit-là, elle rêva encore. Mais cette fois, elle n’était pas une proie.

Elle était la louve.

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