Chapitre 3

Le bureau de Lucien était somptueux, comme toujours. D'immenses baies vitrées donnaient sur toute l'étendue de la ville.

Tout cela, bâti sur la richesse de notre meute de la Lune d'Argent.

« Assieds-toi, mon amour. » Lucien a tiré une chaise pour moi, me servant une tasse de café, jouant le rôle du compagnon parfait et attentionné. « J'ai fait préparer le déjeuner. »

Le déjeuner est arrivé rapidement, apporté par nul autre que Claire.

Elle avait changé dans un uniforme impeccable qui épousait un peu trop parfaitement ses courbes.

Mais la façon dont sa main protégeait son ventre trahissait tout.

« Votre déjeuner, Monsieur le Président, » a-t-elle dit, tête baissée et voix douce. Elle n'osait pas me regarder.

« Posez ça et sortez, » le ton de Lucien était sec et froid, une tentative claire de prendre ses distances.

« Attendez, » ai-je dit soudain.

Le corps de Claire s'est raidit.

Je me suis essuyé les lèvres avec une serviette, mes yeux fixés sur son ventre encore plat. J'ai souri. « Claire, n'est-ce pas ? Depuis combien de temps êtes-vous à l'Alliance ? »

« P...presque trois ans, Luna. »

« Trois ans, » ai-je hoché la tête, la voix douce. « Alors connaissez-vous les traditions de notre meute ? Par exemple, la cérémonie de bénédiction pour les nouveau-nés ? »

Le visage de Claire est devenu livide. Elle a lancé à Lucien un regard désespéré, implorant.

« C'est notre tradition la plus sacrée, » ai-je poursuivi, ignorant sa supplique silencieuse. Seules les petites légitimes, de sang pur et légitime, sont dignes de la bénédiction de la Déesse Lune. Ceux d'origine douteuse... »

« Ça suffit, Anne ! » Lucien a éclaté. « Ce n'est qu'une assistante ! Elle n'a pas besoin de savoir ces choses ! »

C'est alors que le bol de soupe dans la main de Claire a tremblé. Avec un petit cri, le bol a basculé, envoyant de la soupe aux champignons brûlante éclabousser le dos de sa main et son bras.

« Je suis désolée ! Vraiment désolée, Luna ! Ce n'était pas intentionnel ! » Ses yeux se sont emplis instantanément de larmes, la rendant pitoyable et victime.

Avant même que je puisse parler, Lucien était déjà à ses côtés.

« Ça va ? Où est-ce que ça t'a brûlée ? »

Il a attrapé son bras, la voix serrée d'inquiétude, examinant soigneusement la blessure.

C'était une inquiétude brute, authentique, qu'il ne m'avait jamais, jamais montrée.

Sans même se retourner, il m'a grondée : « Anne ! Dois-tu être si agressive ? Ce n'est qu'une assistante ! »

L'air est devenu glace.

Je l'ai regardé tourner le dos, soufflant doucement sur la peau rougie de Claire. À cet instant, une douleur aiguë et brûlante a traversé le lien de compagnon.

Ce n'était pas de la jalousie. C'était du dégoût.

Mon cœur est mort à cet instant précis.

« Je vais bien, Monsieur le Président, » a sangloté Claire, mais m'a lancé un regard triomphant et provocateur du coin de l'œil. « C'était de ma faute, Luna n'y est pour rien... »

« Je t'emmène à l'infirmerie, » a dit Lucien, l'aidant à se lever sans un mot de plus et la guidant hors du bureau.

Je suis restée assise en silence jusqu'à ce que la porte se referme.

Un instant, j'étais dans le brouillard. Lucien venait de prendre son parti, devant moi, sans une seule pensée pour mes sentiments.

Comme si j'étais un monstre prêt à déchirer cette salope.

Les larmes ont brouillé ma vision. Quelques minutes plus tard, Lucien est revenu.

« J'ai fait appel à quelqu'un d'autre pour l'emmener à l'infirmerie. Anne. Tu n'aurais pas dû acculer une oméga comme ça. Mais... Je n'aurais pas dû te crier dessus. »

Il s'est approché et m'a tendu une tasse de café, une faible tentative d'excuse.

Une oméga ?

J'ai ri.

Je ne voulais pas me disputer. Je ne voulais pas de ses fausses excuses. Je l'ai simplement poussé et suis sortie.

Il ne m'a pas suivie. À la place, sa voix a résonné dans ma tête par notre lien mental.

« Ne sois pas en colère, mon amour. Je t'attendrai à la maison ce soir. Je t'aime. »

Refoulant une vague de nausée, je suis allée me promener dans le jardin, pour tomber nez à nez avec Claire.

Elle s'appuyait contre un arbre, au téléphone.

Mon ouïe de loup-garou était un don. Même à distance, ses mots étaient parfaitement clairs.

« Sarah, je flippe ! » La voix de Claire était pleine de panique. « Cette salope d'Anne était là aujourd'hui. Je crois qu'elle sait quelque chose ! »

Une voix étouffée a répondu à l'autre bout.

« Non, Lucien a promis ! Après la naissance du bébé, il utilisera l'excuse qu'Anne ne peut pas donner d'héritier pour briser leur lien de compagnon ! Alors je serai la nouvelle Luna ! »

Mes poings se sont serrés, les ongles s'enfonçant dans mes paumes.

« Il me l'a promis ! Ce bébé est son seul héritier ! Cette vieille peau n'est qu'une remplaçante ! »

Vieille peau ?

Ma louve a grondé, et l'intention meurtrière est devenue presque tangible.

« Sarah, tu ne comprends pas. Lucien a dit qu'Anne n'était qu'un marchepied. Une fois qu'il aura le contrôle total de l'Alliance, elle et sa famille seront les premières à y passer ! »

Un marchepied ?

Je suis sortie de derrière l'arbre, la mort collant à chacun de mes pas.

Claire se vantait encore au téléphone. « Une fois que j'aurai donné naissance à notre petit Alpha, Lucien annoncera notre relation à tous. Alors, même la meute de la Lune d'Argent devra m'obéir ! »

« Claire, » ma voix a tranché l'air derrière elle.

Elle s'est retournée d'un coup, son téléphone lui glissant des mains et se brisant au sol.

« Luna Anne ! Je... Je... »

J'ai marché vers elle, pas à pas, ma simple présence faisant crépiter et geler l'air.

Ses jambes se sont mises à trembler. Elle pouvait à peine tenir debout.

« Félicitations, » ma voix était douce, mais teintée d'un froid mortel. « J'ai entendu que vous étiez enceinte. »

« Je... Je ne sais pas de quoi vous parlez... »

« Non ? » Je me suis arrêtée juste devant elle, la dominant du regard. « Et ça, alors ? »

J'ai tendu la main et touché légèrement son ventre, sentant la faible lueur de vie à l'intérieur.

Claire s'est figée de peur, n'osant bouger.

« Une nouvelle vie, » ai-je chuchoté. « Si précieuse. Mais Claire, saviez-vous ? »

« S...savoir quoi ? »

Je me suis penchée, ma voix n'étant plus qu'un chuchotement de démon à son oreille.

« La trahison porte une malédiction. Vous portez peut-être quelque chose qui ne vous appartient pas... mais cela ne signifie pas que vous le garderez. »

Le visage de Claire est devenu livide, ses yeux écarquillés d'horreur.

Je l'ai observée un moment de plus, puis j'ai tourné les talons et me suis éloignée.