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Chapitre 2 : La Vérité

last update Last Updated: 2025-06-25 17:07:19

Shelby n’avait pas prononcé un mot depuis son retour de l’hôpital. La pluie tombait sur Sunstown depuis la veille au soir, rythmant les secondes comme une pendule maudite. Assise sur le rebord de son lit, les genoux repliés contre elle, elle fixait la bande autour de sa main. Les médecins avaient dit qu’elle s’en était miraculeusement sortie avec quelques contusions et une entaille profonde sur la paume. Miracle… Non. C’était un mensonge. Tout en elle criait que quelque chose de plus grand, de plus ancien, avait été réveillé.

Elle revoyait sans cesse les images de l’accident. La route mouillée. L’éclat de ses phares dans la nuit. Le corps de Brade surgissant au milieu de la chaussée, puis… l’impact. Il aurait dû mourir. Il avait volé, heurté un arbre, et pourtant il s’était relevé. Il avait disparu dans les bois comme une ombre insaisissable.

Et ce n’était pas tout. Depuis cette nuit, quelque chose clochait en elle. Ses sens étaient plus aiguisés, ses rêves peuplés de hurlements et de silhouettes difformes. Et cette chaleur qui montait en elle chaque fois qu’elle sentait la lune percer à travers les nuages…

La porte de sa chambre s’ouvrit lentement. Sa mère entra, le visage pâle, les yeux cernés comme si elle n’avait pas dormi depuis des jours. Derrière elle, son père referma la porte, l’air grave. Shelby sentit immédiatement que l’instant allait marquer un tournant dans sa vie.

— Shelby, commença sa mère d’une voix douce. Il est temps qu’on te dise la vérité.

La jeune femme leva les yeux vers eux, le cœur battant. Elle voulait des réponses, mais elle craignait plus encore ce qu’ils allaient lui dire.

— Je ne suis pas folle, n’est-ce pas ? murmura-t-elle. Quelque chose m’arrive… quelque chose d’étrange. Depuis l’accident.

Son père s’approcha lentement et s’assit au bord du lit.

— Tu n’es pas folle. Et tu n’es pas seule.

Shelby recula légèrement, sentant une sueur froide couler le long de sa colonne vertébrale.

— Alors dites-moi ce que je suis.

Un silence pesant tomba dans la pièce. Sa mère s’assit à son tour, et Shelby vit ses mains trembler.

— Tu es notre fille, dit-elle avec une tendresse infinie. Mais tu es aussi… l’héritière d’un sang ancien. Celui d’une lignée de loups.

— De quoi vous parlez ? souffla Shelby. C’est une blague ?

Son père secoua la tête.

— Ce que nous allons te dire va te sembler fou. Mais c’est réel. Aussi réel que ce que tu ressens depuis l’accident.

Il se leva et marcha jusqu’à la commode. Il en sortit une vieille boîte en bois, gravée de symboles étranges. Il l’ouvrit avec précaution et en sortit un médaillon argenté, en forme de lune entourée de crocs.

— C’était celui de ta grand-mère, dit-il. Et avant elle, celui de sa mère. Ce symbole appartient à notre lignée depuis des siècles. Nous sommes ce qu’on appelle les porteurs du gène. Des humains… mais pas seulement.

Shelby prit le médaillon entre ses doigts. Il était froid, mais elle sentit une énergie familière en son contact. Une énergie ancienne, presque vivante.

— Pourquoi… vous ne m’avez rien dit ? demanda-t-elle, la voix brisée.

— Parce que la malédiction ne s’active que lorsqu’un drame déclenche le gène. Et nous espérions que tu n’aurais jamais à la porter. Les yeux de sa mère se remplirent de larmes. Mais l’accident… Tu as été blessée. Et lui aussi. Ce garçon… il portait aussi le gène, n’est-ce pas ?

Shelby hocha lentement la tête.

— Il s’appelait Brade. Il… il s’est relevé comme si de rien n’était. Puis il a fui.

Son père acquiesça.

— Alors tout s’explique. Le contact avec un autre porteur, combiné au traumatisme de l’accident, a brisé le sceau. Ton corps commence à se transformer.

— Mais… je ne veux pas être ça ! cria Shelby. Je ne veux pas me transformer en monstre à chaque pleine lune !

Sa mère lui prit les mains, les larmes coulant librement.

— Tu n’es pas un monstre. Tu n’as pas à l’être. Tu peux apprendre à te contrôler. C’est en toi, mais c’est toi qui décides de ce que tu fais avec.

— Et si je tue quelqu’un ? chuchota Shelby. Si je perds le contrôle ?

Son père se leva, le regard dur.

— C’est pourquoi nous devons t’aider. Tu vas devoir t’entraîner, comprendre ton corps, tes limites. Et surtout, connaître l’histoire de notre famille.

Il ouvrit un vieux grimoire poussiéreux. Des pages jaunies racontaient les récits d’ancêtres aux destins tragiques. Des femmes puissantes, traquées, déchirées entre deux mondes.

— Chaque génération a son alpha. Et chaque alpha est né sous la Lune Sanglante.

Shelby sentit son sang se glacer.

— Qu’est-ce que la Lune Sanglante ?

— Un présage, répondit sa mère. Une pleine lune teintée de rouge, qui n’apparaît qu’une fois par génération. Elle désigne celui ou celle qui sera l’alpha naturel, celui qui pourra unir… ou détruire.

— Et moi ? Je suis née cette nuit-là, n’est-ce pas ?

Un silence. Un regard échangé entre ses parents. Puis un hochement de tête.

— Oui, Shelby. C’est toi.

Elle se leva, tremblante.

— Vous vouliez m’épargner, mais vous m’avez trahie.

— Nous avons essayé de te protéger, dit sa mère.

— En m’aveuglant ! En me mentant toute ma vie !

Elle fit quelques pas vers la fenêtre. La pluie avait cessé. Les nuages se déchiraient, et derrière eux, un croissant de lune blafard se dessinait.

— Je ressens des choses… que je ne peux pas expliquer. Mes rêves… je hurle dans mes rêves. Je cours. Je chasse.

— C’est ton instinct primitif qui s’éveille, expliqua son père. Mais tant que tu restes humaine dans ton cœur, tu resteras toi-même.

Shelby ferma les yeux. Sa respiration était saccadée. Elle voyait des visages, des bois sombres, des yeux jaunes dans l’obscurité.

— Et Brade ? Il est comme moi ?

— Il est probablement lié à une autre meute. Peut-être même à celle de ton grand-père. Une faction dissidente.

Shelby se retourna, les yeux brillants.

— Je dois le retrouver. Il sait des choses. Il peut m’aider.

— Non ! dit sa mère avec panique. Tu ne dois pas t’approcher d’eux. Leur meute est dangereuse. Ils cherchent à récupérer le pouvoir de l’alpha.

— Et c’est moi qu’ils cherchent.

Elle serra le médaillon entre ses doigts.

— Alors je dois être prête. Je dois savoir qui je suis… et ce que je suis capable de faire.

Ses parents échangèrent un regard douloureux. C’était le moment qu’ils avaient tant redouté. Leur fille n’était plus une adolescente ordinaire. Elle entrait dans un monde où chaque choix pouvait coûter une vie.

— On va t’aider, dit doucement son père. Mais tu dois nous promettre une chose : ne perds jamais ton humanité.

Shelby releva les yeux. Et dans son regard brillait une force nouvelle.

— Je le promets.

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