Chapitre 5

Kade, pris de court, a affiché un visage de glace. Ses yeux dorés-ambre de loup avaient un éclat dangereux.

« Pourquoi ? À cause de l'Alpha de la Crête d'Argent ? Ou parce que je n'ai pas pu venir dîner avec ton père ? »

« Tu n'es plus une enfant, Anya. Arrête de faire ta capricieuse. »

J'ai rajusté les boutons de ma chemise, la voix étrangement calme : « Quand est-ce que je t'ai jamais fait des caprices ? »

Mon refus de céder a achevé d'épuiser le peu de patience qui lui restait.

Son regard s'est fait glaçant, et la pression d'Alpha qu'il a déversé sur moi déferlait comme une vague : « Je t'offre une issue, tu ferais mieux de la saisir. »

Je l'ai regardé en silence, mes yeux sans la moindre émotion : « J'ai dit que c'était fini entre nous. »

« Fini ? » a-t-il répété, la voix traînante et nonchalante. Un sourire ironique s'est même dessiné sur ses lèvres, « Tu croyais que nous étions dans quel genre de relation, exactement ? »

J'en suis restée figée : « Qu'est-ce que tu veux dire ? »

Il a ricané, le regard moqueur : « Tu n'as jamais été qu'une compagne temporaire. Rien de plus. Quand j'en aurai assez, tu pourras partir quand tu voudras. »

Ses mots ont glacé le sang dans mes veines.

Même si je m'étais préparée à une issue cruelle, mon cœur se tordait de douleur.

Bien sûr. À ses yeux, nous n'étions même pas un vrai couple. Je n'étais qu'une Bêta, marquée temporairement.

« Ma petite Bêta », s'est-il penché pour être à ma hauteur, un sourire cruel aux lèvres, « je t'avais pourtant laissé la chance de me repousser. N'est-ce pas toi qui as accepté de recevoir mon marquage secret ? Tu n'as tout de même pas cru que nous étions le couple officiel ? »

La stupeur m'a frappée de plein fouet, un froid mortel s'est propagé dans tout mon corps.

« Je croyais que tu comprenais les règles. Que tu acceptais cette relation. »

« Regarde la différence de rang entre nous. La différence d'âge. Sans parler du fait que tu es la meilleure amie de ma sœur. Tu as vraiment imaginé que je t'offrirais une cérémonie d'union ? »

J'ai serré les poings, laissant mes ongles creuser ma paume jusqu'à la douleur. Une vague de larmes était prête à déferler.

« Sois tranquille, je n'ai nulle intention de m'accrocher. Laisse-moi une minute pour faire mes affaires, et je disparaîtrai. » Sur ce, je me suis tournée et n'ai pas pu retenir mes larmes.

Je me haïssais pour cette fragilité.

Je savais depuis le début, alors pourquoi cette souffrance qui me transperçait ?

Ne voulant pas trahir ma vulnérabilité, je me suis plongée dans le rangement, silencieuse.

Aucun de nous ne parlait. Un calme étrange, lourd et oppressant, régnait dans le salon.

Kade tenait une cigarette entre ses doigts sans la fumer, son regard suivant mes moindres gestes.

En me voyant empiler mes affaires dans le sac sans hésitation, il a senti une irritation inconnue. Il a commencé à arpenter la pièce avec nervosité.

Au moment où j'ai fermé la fermeture éclair et me suis tournée pour partir, sa voix a brisé enfin le silence : « Si tu franchis cette porte, n'espère jamais revenir. »

Je suis arrivée à l'entrée, me suis arrêtée, puis suis revenue sur mes pas.

La soupe aux os de bœuf… celle que mon père avait préparée pour Kade...

En rentrant plus tôt, la voyant sur la table, il l'avait jetée sans même vérifier, croyant que c'étaient des restes.

Mais maintenant, en me voyant la ramasser délicatement de la poubelle, il a compris enfin.

Alors qu'il ouvrait la bouche pour s'expliquer, j'ai devancé son geste, ma voix étrangement calme et froide : « Cela te fait-il mal, au moins, de bafouer ainsi la sincérité des autres ? »

Mais à peine la question posée, un éclat de rire froid m'a échappé.

C'était un Alpha gâté, né pour tout posséder. La sincérité et le respect n'avaient à ses yeux aucune valeur.

Pourquoi m'infliger cette humiliation en posant une question si vaine ?

Ses yeux dorés-ambre de loup scintillaient. À travers le lien qui nous unissait, j'ai senti son loup s'agiter.

Impossible d'attendre de lui des paroles sincères. J'ai claqué la porte et suis partie.

Les yeux fixés sur la porte, il a eu un ricanement chargé de colère : « Parfait. C'est rare que tu oses défier mon autorité ainsi. On verra combien de temps ta fierté tiendra. »

Je m'étais installée dans les baraquements standards des guerriers, et les jours suivants étaient consacrés aux formalités administratives de transfert.

Chloé avait tenté à plusieurs reprises de me sortir, et face à mes refus persistants, elle a fini par me coincer directement à l'entrée de mon logement.

Elle m'a emmenée sur la place centrale des célébrations de la meute, où un grand feu crépitait, entouré de loups formant une ronde joyeuse en l'honneur de la Déesse Lunaire.

Autrefois, j'adorais ces rassemblements. Cette sensation de communion apaisait toujours ma louve.

Mais Kade détestait me voir en public, prétextant que cela risquait d'éventer notre relation secrète. En quatre ans à ses côtés, j'avais presque oublié le goût de la fête sous la clarté de la lune.

« Tiens, bois ça. » Chloé m'a tendu un verre d'alcool fort.

Je l'ai vidé d'un trait. La brûlure de l'alcool dans ma gorge était moins vive que la douleur qui persistait au fond de moi.

« Anya, on dit qu'Alpha Jasper de la Crête d'Argent a de l'estime pour toi », a chuchoté Chloé en se rapprochant, « à la dernière réunion de l'Alliance, il a demandé de tes nouvelles. »

J'ai marqué une pause, puis ai secoué la tête : « Nous ne nous sommes plus parlés depuis la Cérémonie des Adultes. »

Chloé a fait la moue et s'est tue.

Alors que je levais mon verre pour trinquer avec elle, mon regard a croisé soudain celui de Kade, qui venait d'arriver sur la place.

Son bras était négligemment posé sur la taille fine de Solène, une posture qui clamait sa possession.

Quand nos yeux se sont rencontrés, il a souri à peine et a haussé un sourcil, comme pour me lancer un défi muet.