Retirer la Marque d’un Alpha, Commencer une Vie nouvelle

« Luna, retirer la marque d'un Alpha… c'est comme se faire écorcher vive. En êtes-vous vraiment certaine ? »

J'ai regardé dans le miroir le tatouage noir de loup sur ma clavicule, ce symbole de possession absolue de l'Alpha, et ai hoché la tête : « Certaine. »

Ce guérisseur clandestin a tenté une dernière fois : « Mais c'est la marque suprême de l'Alpha de la Meute de la Lune d'Argent. Des centaines de louves en rêvent la nuit. Si vous l'effacez, tous vos privilèges sur le territoire disparaîtront. Vous ne serez plus qu'une errante, une louve sans meute. »

« Plutôt errante que marquée. »

Je me suis allongée sur la table froide : « Commencez. »

« Soit. Après l'opération, je vous injecterai un Masque d'Odeur Alpha de grade supérieur. Il camouflera entièrement votre essence naturelle pendant sept jours. Alpha ne soupçonnera rien. »

« C'est plus qu'assez. »

« Signez maintenant le consentement préopératoire. Votre nouvelle identité est… Aurora, c'est bien ça ? »

« Oui. »

Avant d'y venir, j'avais déjà officialisé mon nouveau nom à l'administration centrale des Loups : Aurora. Aurore boréale.

Une lumière qui ne brille que dans les froids extrêmes. Froide, mais libre.

C'était l'épilogue que je m'étais écrit.

À ma sortie, je me suis heurtée immédiatement à l'empire commercial d'Ethan :

Sur un écran géant 3D, une déclaration tournait en boucle. Plus qu'une interview, c'était une cérémonie de renouvellement des vœux qui secouait tout notre monde.

L'homme à l'écran dégageait une autorité écrasante, imprégnée d'une puissante aura d'Alpha. Derrière lui s'étalait un domaine d'une richesse obscène.

« Alpha Ethan, ce Manoir de Lune vaut cent millions de pièces d'or. Est-ce votre cadeau pour votre cinquième anniversaire ? »

Ethan a regardé la caméra, avec une tendresse à faire fondre les glaciers : « Bien plus que cela. Je sais qu'elle adore les lunaires. J'en ai fait transporter trente mille de la Forêt des Elfes pour qu'elles envahissent chaque parcelle du domaine. »

Au fil de ses mots, la caméra a balayé une mer de fleurs baignée d'une lueur bleutée, d'une beauté à couper le souffle.

« Si cela plaît à Ivy, je ne lui offrirais pas seulement un manoir, mais aussi les étoiles bénies par la Déesse Lunaire elle-même. »

Sur la place, les murmures admiratifs des loups de rang inférieur se sont élevés.

« Par la Lune ! Notre Alpha est un véritable romantique ! »

« Un domaine entier de lunaires ? Ils forment le couple idéal. »

« Ivy a dû sauver toute notre race dans une vie antérieure pour mériter un tel amour. »

Debout dans la foule, j'ai fixé l'écran géant et cette mer de fleurs si pure, luttant contre une nausée tenace.

Sauver notre race ?

Non. J'avais simplement eu les yeux aveuglés par l'aconit !

Ethan et moi étions des âmes sœurs désignées. Dix ans d'amour m'avait fait croire que nous étions le couple parfait, béni par la Déesse Lunaire.

Jusqu'à il y a deux mois, quand mon téléphone avait reçu une vidéo cryptée.

En arrière-plan s'étalait le Manoir de Lune, objet de l'envie de toutes les femelles de notre espèce.

Les lunaires y étaient en pleine floraison. Et parmi leurs pétales, deux corps nus s'enlaçaient.

La louve était Daisy, cette orpheline Oméga qu'Ethan avait prise sous son aile après la perte de sa meute, et qui venait tout juste d'atteindre sa majorité.

À l'écran, Daisy était agenouillée sur la terre humide, vêtue de ma robe de soie haute couture de Grande Prêtresse en chef. L'ourlet en était déchiré en lambeaux, accroché aux tiges épineuses des fleurs.

« Ethan… Ces épines magiques me font mal aux genoux… Mon pouvoir de guérison ne fonctionne pas… »

La voix d'Ethan était un grondement bestial, ses pupilles luisantes de la lueur rouge propre aux Alphas en rut. Il pressait fermement ses hanches : « Si tu as mal, alors crie. J'aime t'entendre gémir comme une traînée. »

« Mais… ce sont les fleurs préférées de Luna. »

« Pourquoi parler d'elle ? Au lit, elle est aussi vivante qu'un poisson mort. Pas comme toi, déjà trempée rien qu'à être dans cet endroit. »

À cet instant, le jardin sacré de lunaires m'avait paru soudain aussi répugnant qu'un tas d'ordures grouillant de vers.

Chaque baiser marqué sur sa peau, chaque gémissement souillé… Autant de détails qui lacéraient mon cœur, coup après coup.

J'ai détourné le regard et me suis engouffrée dans une discrète boutique de prêt sur gages. De mon sac, j'ai sorti un coffret d'obsidienne. À l'intérieur reposait un anneau de platine inestimable, serti d'un diamant sanglant d'une rareté extrême. Celui-là même qu'Ethan avait glissé à mon doigt en s'agenouillant, le jour de notre union.

« Racheté à jamais. Je le vends. »

Le propriétaire a flairé l'objet, ses oreilles de loup se dressant d'un coup : « Mais… ce n'est pas le Cœur du Roi-Loup de la lignée Alpha ? Vous en êtes sûre ? C'est le symbole même du pouvoir absolu. »

« Je le vends », ma voix était froide comme le givre, « versez l'intégralité de la somme à un refuge pour bêtes errantes. Au nom de… »

J'ai marqué une pause avant d'ajouter : « … des réparations dues à un chien. »

Le boutiquier n'a pas osé en demander plus. La queue entre les jambes, il a rédigé rapidement le billet.

Le coffret désormais vide en main, je me suis rendue dans une échoppe de contrats magiques. Là, j'ai fait imprimer l'acte de rupture de notre lien de couple.

Sur le parchemin, des runes argentées luisaient d'une lueur aussi pâle que la lune sous un voile. Elles énonçaient la clause fatale :

« Le présent pacte ne pourra être activé qu'en cas de trahison avérée de l'un des partenaires, qu'elle soit infidélité, profanation du lien sacré, ou reniement des serments jurés devant la meute. La partie offensée se verra alors accorder le droit de rompre de force le lien ancestral, pourtant réputé indestructible. Ce faisant, elle anéantira tout ce qui les unissait : la communion des émotions, l'empreinte olfactive partagée, jusqu'aux souffrances physiologiques qui entrelaçaient leurs âmes… »

J'ai plié le document avec soin. Le froissement du parchemin contre les runes a produit un crépitement doux et net.

Je l'ai déposé alors dans l'écrin précieux qui avait jadis abrité l'anneau au diamant sanglant. Ce réceptacle d'une éternité promise est désormais devenu le cercueil de sa propre promesse.

Puis, j'ai noué autour de la boîte un ruban, en un nœud papillon méticuleux et élégant.