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II. L'intruse.

Author: TessE_MGH
last update Last Updated: 2025-03-05 23:33:36

Plus tôt dans la journée, après l'entretien avec les nouveaux techniciens de surface, Liliane rend son rapport auprès de son supérieur. Ils s'apprêtent à enregistrer définitivement des informations concernant les nouvelles recrues et c'est à ce moment qu'ils détectent une incohérence.

Le fait est qu'en République du Congo, l'usage du mail ne l'a pas encore emporté sur les demandes manuscrites. Ainsi, la majorité des postulants ont préalablement déposé auprès de Liliane leur demande écrite à la main. Et parmi ces derniers, il y a une certaine OBISSI Véronique qui avait aussi soumis au service des RH des documents comme son certificat médical étant donné son âge assez avancé ainsi que deux photos d'identité.

« J'ai reçu aujourd'hui une certaine Véronique... Et elle ne ressemblait pas à cette dame. » remarqua Liliane en triant les documents.

« Tu as donné le poste à une parfaite inconnue ? »

« Elle était avec les autres dans la salle d'attente. Et elle comme vous aviez déjà enregistré leurs dossiers, je me suis contentée de faire l'appel et de finaliser... Je suis confuse. »

« Quoi qu'il en soit, ce qui est fait est fait. Demain, je saurai ce que je ferai de son cas. »

« Bien, monsieur. »

***

**

*21 heures*

Alors que Blévie prend sa douche, Véronique sort acheter du papier administratif afin de rédiger une lettre de démission à l'attention de ses employeurs. En effet, bien que sa cousine lui ait expliquée ce que c'est que d'être technicien de surface, elle a choisi de saisir sa chance.

« Cet endroit dégage quelque chose de spécial et j'aurais fait n'importe quoi pour y rester de façon permanente, de toute manière. » avait-elle confié à sa cousine.

Au bout d'une heure, elle termine son manuscrit et le présente à Blévie qui a l'air sceptique car, plus elle en sait, plus ses doutes s'agrandissent.

« Tu as une idée sur la façon dont ton nom s'est retrouvé sur la liste de la dame ? À tous les coups, il s'agissait d'une autre Véronique. »

La jeune paysanne ne sait quoi avancer et se laisse submerger par des appréhensions. Sa nuit sera faite de raisonnements.

...

Le jour se lève et les filles s'apprêtent pour leur travail respectif.

Pour information, Blévie est la fille unique du défunt oncle paternel de Véronique. Les deux cousines ont grandi ensemble comme des sœurs et après le baccalauréat, elles ont été contraintes de se séparer. Blévie est arrivée en ville à l'âge de 20 ans grâce à une bourse d'étude dans une université publique où elle devait faire sa dernière année en Transport et Logistique. Malheureusement après quelques mois d'études seulement, elle a dû abandonner et chercher un emploi. Et Véronique qui avait aussi bénéficié de cette bourse l'année suivante était motivée à l'idée d'obtenir son diplôme dans la capitale. Helas, elle s'est retrouvée dans la même situation que sa cousine.

Néanmoins, les deux forment une bonne équipe. Ambitieuses et déterminées, elles ont fait face à beaucoup de situations difficiles et persévèrent pour faire la fierté de leur famille. Leur objectif commun est de sortir de la dépendance vis-à-vis de leurs parents — car ces derniers les soutiennent financièrement lorsque le besoin se fait ressentir —.

Les filles se séparent donc à l'arrêt de bus étant donné que leur itinéraire est différent.

Véronique se rend à l'ESSET légèrement angoissée. Le hall est vide et peu éclairé. Elle ne sait trop quoi faire et avance en traînant les pas vers l'escalier lorsqu'une personne l'interpelle.

« Tu fais partie des nouvelles recrues ? »

La jeune femme se retourne et répond par la positive. Ensuite, la dame lui demande de la suivre. En gros, il s'agit de la superviseure du service des techniciens de surface. Véronique est conduite dans une pièce où elle trouve ses nouveaux collègues dont ceux qui avaient passés avec elle l'entretien. La superviseure leur donne des instructions, leur présente les vestiaires respectifs des hommes et des femmes, le placard contenant les matériels de travail ainsi que toutes les informations supplémentaires en rapport avec leurs tâches, le règlement intérieur, etc.

C'est un nouveau monde que Véronique découvre et ça tombe bien, puisque qu'elle apprécie la nouveauté. Elle est tellement excitée à l'idée de commencer à faire le ménage — eh oui, à faire le ménage — qu'elle oublie ses peurs antérieures.

La journée se passe bien jusqu'au moment où la superviseure se rapproche de la nouvelle recrue pour lui annoncer qu'elle est demandée dans le bureau du DRH.

Aventureuse, la vingtenaire prend l'ascenseur. Au septième niveau, l'appareil s'arrête pour accueillir un nouveau passager. Et par coïncidence, les deux se rendent exactement au même endroit.

Véronique se précipite vers la porte pour frapper alors que le monsieur l'ouvre directement.

« Les gens qui ont l'argent ne respectent vraiment rien. »

« Je t'ai entendu, tu sais ? Allez, entre ! »

Véronique ne se fait pas prier bien que gênée. L'homme de l'ascenseur ferme la porte après elle et va s'installer sur un canapé.

~ VÉRONIQUE ~

Je me poste en face du bureau et le DRH pose sur moi son regard sans accorder la moindre attention à celui qui a pris place sans permission. Bien, sachant qu'une convocation n'est jamais bon signe — d'après mon expérience —, autant être polie pour calmer les tensions.

« Bonjour monsieur. »

Il répond à ma salutation avant de m'inviter à prendre place.

« C'est donc vous l'intruse. » reprend-il en posant ses mains entrecroisées sur la table.

« Je ne comprends pas. »

Oui, le mieux c'est de jouer la carte de l'ignorance. Je suis énormément gênée surtout parce qu'il y a une personne en trop dans cette pièce. C'est lui l'intrus !

« Hier madame, vous vous êtes faufilée parmi ceux qui ont postulé pour le travail de technicien de surface... »

Ils auraient dit "hommes et femmes de ménage" et ceci ne se serait jamais passé. Mais eux, ils emploient des français compliqués et on est poussé à rêver grand. À aucun moment je pensais quitter mon métier de domestique. Pourtant lorsque l'occasion de travailler dans ce beau bâtiment s'est présentée, je l'ai juste saisi. Même si j'ai découvert bien après que ce serait juste pour nettoyer le sol.

En plus, ce n'était pas de ma faute puisque c'est l'assistante qui m'avait appelée par mon prénom et demandé de suivre les autres.

Le monsieur raconte entre-temps un long bla bla alors que mes pensées convergent vers ma lettre de démission. Heureusement que je ne l'ai pas déposée ce matin. Si je ne suis pas retenue à l'ESSET, je retournerai auprès de la famille MONKA. Il faut d'ailleurs que j'invente un mensonge pour excuser mon absence. Je n'imagine pas le nombre d'appels en absence dans mon téléphone.

« ... Quelles ont été vos intentions à ce moment-là ? » termina-t-il.

« Monsieur, je n'avais aucune intention. »

Je suis moi-même gênée par ma réponse. C'est à ce moment que j'entends un rire étouffé venant de l'autre homme. Tiens, je l'avais oublié.

Avec ses cheveux on dirait un loup-garou !

« Qu'est-ce que vous cherchiez exactement ? »

Ainsi, je lui explique comment tout s'est passé. Le monsieur a une expression sérieuse et je suis tout de même heureuse qu'il daigne m'écouter sans m'interrompre. S'il m'arrive un jour l'opportunité de diriger, je serai aussi attentive que lui.

« Donc si j'ai bien compris, tu t'appelles Véronique et tu as cru que c'était de toi que Liliane parlait ? » intervient l'homme de l'ascenseur qui vient se placer près du bureau.

Son rictus me met hors de moi. Malgré cela, je prends la peine de répondre. Et comme si ce n'est pas tout, il

me demande mon nom complet.

« SAMBA Chouchou Véronique. »

Et il éclate de rire, ce couillon.

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