~ VÉRONIQUE ~
Des jours sont passés, des semaines à vrai dire, et me voici en train de toucher mon premier salaire. Enfin ! Je suis devant Madame Liliane qui me tend une enveloppe assez bombée. Ô mon Dieu, combien de billets violets y a-t-il à l'intérieur ?
Vous l'aurez compris, la Véronique qui avait postulé pour le travail n'est jamais venue pour la raison de son décès le jour suivant le dépôt de ses dossiers. Paix à son âme ! J'ai donc été retenue à son poste, j'ai aussi eu un badge et mon emploi du temps a été ajusté selon mes aptitudes physiques. Dans l'ensemble, je me plais bien à l'ESSET et la plupart de mes collègues de travail sont très aimables.
Il est 14 heures et le temps est beau. Je quitte mon lieu de travail pour rentrer à la maison. Depuis deux semaines, je ne travaille plus chez les MONKA et j'avoue que je m'ennuie beaucoup. Blévie qui s'est récemment trouvée un stage dans une entreprise de logistique et transport ne rentre qu'à 17 heures et la seule chose qui me rend aujourd'hui enthousiaste à l'idée d'arriver chez nous c'est cette jolie enveloppe qui se trouve dans mon sac.
Pour une fois, le trajet se fait long. Je finis par arriver à la maison et m'empresse de vider mon sac. L'enveloppe se glisse avec mes autres affaires ; je la prends toute excitée, l'ouvre et compte sept billets violets. Ça y est, je suis riche ! Je me retiens de hurler de joie mais pas de pleurer. Je suis émue et me dis que l'indépendance que je recherchais, je l'ai trouvée. Je me fais plusieurs calculs mentaux et pense pouvoir m'en sortir désormais sans l'aide de ma famille. Cette somme pourrait être dérisoire pour certaines personnes mais pas pour moi. Mes parents ont souffert pour mon éducation et celle de mes cadets et même en arrivant en ville, ils n'ont pas cessé de nous prendre en charge Blévie et moi. Maintenant que je sais que j'aurai un salaire mensuel de 70.000 Francs, je suis sûre de pouvoir baisser le poids de leur charge.
J'ai espoir que ma cousine pourra elle aussi trouver un travail stable afin que toutes les deux puissions nous élever dans de meilleures conditions de vie.
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À l'extérieur, alors que je prépare le charbon pour faire du feu, je ne peux m'arrêter de penser à Dominique. La dernière fois qu'on s'était vu c'était dans la salle de réunion, il y a un mois. Depuis, je n'ai aucune idée de l'endroit où il peut être. D'un côté je me dis qu'il est trop occupé par son travail et de l'autre, qu'il a été affecté ailleurs. Chaque jour en allant à l'ESSET, j'espère le croiser à un moment de la journée. Lorsque je passe près d'un escalator, je me remémore le jour où il avait essayé de m'aider à surmonter ma peur. Et lorsque je prends l'ascenseur, j'ai peur de rester bloquée à l'intérieur comme il me l'avait dit. J'ai depuis peu pris l'habitude de prendre les escaliers pour "diversifier" et peut-être bien aussi dans le but de le chercher du regard. Mais jusque-là, je ne l'ai trouvé nul part.
Le bruit produit par les querelles de mes voisins me sortent de ma rêverie et je remarque que le charbon a pris feu.
Je me mets aux fourneaux et pendant que le plat mijote, je joue au SUDOKU sur mon anti-complexe¹. Je n'ai d'ailleurs pas de crédits, sinon j'aurais contacté mes parents. Bref, le temps passe et une heure après, le repas est prêt. Je choisis d'attendre ma cousine pour manger. Entre-temps, je vais aller me coucher.
*Fin du PDV*
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« Au fait, tu l'as vu ton loup-garou ? » s'enquiert Blévie entre deux bouchées de viande.
« Mange juste ton plat. »
« Je touche un point sensible ? »
Là-dessus, Véronique reste muette, se lève avec son assiette et va la nettoyer à l'extérieur. Lorsqu'elle rentre, la jeune femme se couche dans son lit alors que sa cousine s'excuse pour sa taquinerie. Véronique continue de faire la sourde oreille tandis que sa locutrice la rejoint et la prend dans ses bras.
« Tu m'avais l'air préoccupée et comme tu aimais bien le critiquer, je me suis dit que ça pourrait te changer les idées. »
En effet, le seul moyen dont la concernée disposait pour parler de lui était dans la critique. Ce n'était toutefois pas quelque chose de malveillant. Elle y trouvait de la consolation.
Les choses auraient été plus simples si Véronique pouvait ouvrir son cœur à sa cousine pour lui avouer que tout son temps passé à l'insulter et à le comparer à d'autres personnes n'était en fait qu'une façon de combler le vide causé par son absence à l'ESSET. Mais à ce jour, le sujet est devenu frustrant pour l'agente de nettoyage qui ne trouve plus de plaisir à parler d'une personne qui s'est montrée si sympathique avec elle par le passé.
« Laisse-moi dormir, Blévie. »
« Il est 19 heures, banane ! Réveille-toi, on va critiquer quelqu'un d'autre ! »
Comme elle ne réagit toujours pas, Blévie lui rappelle l'habillement atypique de leur voisin et les deux cousines s'esclaffent de rire. Véronique se redresse et ensemble, les filles se remettent à papoter et à faire du commérage.
Il faudrait se mettre à l'évidence qu'elles n'ont pas d'amis.
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Encore quelques jours s'écoulent et Dominique reste introuvable. Véronique est inquiète mais ne peut demander à personne des informations. Aussi, elle n'ose toujours pas parler de son ressenti à sa cousine. Sa nouvelle routine, celle de prendre les escaliers se poursuit et malheureusement pour elle, c'est peine perdue. À un moment donné, elle se dit bête d'avoir passé du temps à penser à une personne avec qui elle n'a aucun lien, aucune relation et surtout aucun sentiment. Certes, il lui a appelé son "amie" mais il pouvait juste s'agir d'une appellation piochée au hasard. Elle regrette donc tout son temps écoulé à se demander comment il allait, où est-ce qu'il se trouvait, s'il se reposait ou non, s'il pensait aussi à elle, etc.
...
Cela fait cinq semaines jour pour jour depuis son premier jour de travail et Véronique n'a pas fini d'en découvrir sur l'ESSET. C'est le mois de Septembre et à l'occasion de l'anniversaire du PDG né au même mois, un gala de charité est organisé tous les ans — depuis son arrivée à la tête de l'entreprise — afin de collecter des fonds à verser dans des orphelinats ainsi que d'autres associations caritatives.
Véronique qui n'a pas envie d'y participer se dit qu'elle simulera à la dernière minute une maladie afin de rester chez elle.
« Tout ce que je veux savoir c'est ce qu'il attend de moi. Je ne veux pas être une maîtresse ; ça n'a jamais été mon intention. Je l'ai aimé pour lui et non ses biens. »« Si c'est l'homme que Dieu a fait pour toi, qu'il pleuve ou qu'il neige, vous finirez ensemble. »~ VÉRONIQUE ~Cela fait plusieurs heures que je me remémore cette conversation, notamment ces deux passages. Il est présentement treize heures et je suis dans le bus en partance pour le travail. La tête penchée contre la vitre, j'observe d'un œil rêveur le paysage. J'espère ne pas me retrouver dans la même situation qu'hier. Bref, je me sens excitée à l'idée de revoir Dominique. Excitée dans le sens où je ne peux pas m'empêcher d'imaginer la scène, j'ignore comment aborder le sujet et ... Que sais-je encore ?! J'espère que notre rencontre ne va pas me faire perdre mes repères. J'ai tellement de questions à lui poser !Plus j'y repense plus je me dis qu'il y a possiblement des raisons qui l'ont mené à être infidèle enver
~ À Brazzaville ~À quatorze heures, Véronique termine sa journée de travail avant de se mettre en route pour rentrer chez elle. Arrivée sur les lieux, Blévie semble y être absente vu les coups infructueux donnés à la porte. Alors, la jeune femme a le réflexe de chercher la clé sous leur pot de fleur.Une fois dans le studio, elle a le souvenir de son idée de le changer en lui apportant de nouveaux meubles et accessoires. La jeune femme dépose sur le sol carrelé son petit sac avant de troquer ses vêtements contre d'autres plus amples. Puis ses pensées se portent sur Dominique, elle se sent mal mais s'attache à l'espoir qu'il ait prévu, avant de se mettre avec elle, de se séparer de sa femme. Elle passe délicatement une main sur son cou avant de la glisser vers sa poitrine en se souvenant de ses baisers pendant une seconde. « Il faut que j'arrête ! » maugrée-t-elle en allant ranger le petit bazar autour d'elle.Plus tôt dans la journée, Véronique pensait certes le quitter facilement
« Demain, appelle-le !... Fais tout ce que tu pourras pour discuter avec lui ! Il a le devoir de te dire la vérité. »« J'ai essayé de le joindre au cours de la journée... Et il ne m'a pas répondu. »« Bah oui, justement ; tu vas l'appeler demain. Et s'il ne décroche pas, ça va barder pour lui. C'est moi qui te l'dis ! »~Quelques minutes de silence plus tard~« Est-ce que tu iras à l'ESSET ? »« Je n'ai pas vraiment le choix. »Et c'est la dernière chose que Véronique dit avant de sombrer progressivement dans un profond sommeil, recroquevillée sur elle-même et la tête posée sur les cuisses de sa cousine.*****~ Le lendemain, 5 heures ~~ Au POOL ~Dominique sort de l'hôtel vêtu d'un jogging et d'un débardeur pour aller courir. La nuit, ayant particulièrement été difficile et plus faite de réflexion que de sommeil, il espère se vider l'esprit pendant l'espace d'un temps. Dans sa course, il arrive au trentenaire de croiser des agriculteurs, des éleveurs ainsi que des commerçants : à
~ DOMINIQUE ~« Je te demande pardon. »« Aimer n'est pas un péché. Si tes sentiments envers cette fille sont sincères, alors je ne vois pas pourquoi me mettre en travers de ton chemin. »Je me mords instinctivement la lèvre inférieure. Je me suis mis dans le pétrin. Sa phrase est chargée d'une telle amertume que je regrette encore plus de lui avoir fait ces confessions. Elle se lève sans plus de cérémonie et s'en va. Je n'ai même pas le courage de la rattraper parce que... à quoi bon ? Je ne ferai que remuer le couteau dans la plaie. Pourquoi chercher à la retenir lorsque j'éprouve des sentiments pour une autre. Je suis certain de mon affection profonde pour Valérie et j'ai longtemps cru qu'elle serait la seule femme que je pourrais à jamais garder dans mon cœur. Puis Véronique est arrivée, comme un défi que la nature me présentait. Et je n'ai pas résisté.*****~ BLÉVIE ~J'ouvre la porte sur une Véronique aux yeux rougis, légèrement bouffis et larmoyants. Je ne me souviens plus
Iris, l'infirmière n'avait pas réellement l'intention de prévenir le DRH. Comme son chantage ne sembla pas susciter une quelconque réaction de Véronique, elle quitta le vestiaire et traîna ses pas dans une direction piochée au hasard dans l'optique de créer un temps de latence entre son départ et son retour. Elle aperçut un groupe de techniciens de surface et alla s'entretenir avec eux, ayant reconnu deux qu'elle avait vu à son entrée dans la pièce où Véronique demeure allongée.« Qu'est-ce qui s'est passé avec cette jeune fille ? »« Maman Yvette l'a sermonné et elle a piqué une crise. » répondit l'une.« Vous savez pourquoi ? » « Ce n'était qu'un blâme ! » dit une autre. « Apparemment cette fille vend son corps pour de l'argent. Maman Yvette a juste essayé de la remettre sur le droit chemin. »« C'est grave !... » murmura Iris en voyant arriver Vianney, le DRH accompagné de Christophe, le cousin du PDG de l'entreprise.« Bonjour, messieurs. » dirent en chœur les subalternes.Et les
« Eh mâ Yvette, obomi mwana batu(ou) ! »Traduction : "Maman Yvette, tu as tué l'enfant d'autrui !"Ironiquement, la personne qui a émis ce commentaire l'a dit d'un air assez détaché. Comme n'importe quel autre phrase. Ils étaient nombreux à entourer le corps de la jeune femme encore inconsciente. Il y en avait de plusieurs genres : les méprisants, les insultants, les juges et les commères." Allez, transportez-là dans les vestiaires ! » ordonne madame Yvette tandis qu'elle lance un appel à l'infirmière de l'entreprise....On allonge Véronique sur un banc assez large lorsque madame Yvette se rapproche de la jeune femme pour déboutonner le haut de sa chemise. Les hommes n'ont certes pas accès à cette pièce ; cependant dans le cas précis, il a fallut que l'un d'eux la porte. Et celui-ci est en train d'être témoin d'un spectacle qui suscite tout-de-suite des chuchotements : le cou ainsi que la poitrine de Véronique sont couverts de suçons laissant croire à une réelle relation intime ent