Le jour se lève et les cousines se séparent, prêtes à affronter une journée de plus sous l'écrasante chaleur de la ville de Brazzaville. C'est surtout le cas pour Blévie qui va errer pendant des heures dans les quartiers de la capitale, soumettant par-ci par-là ses documents. Véronique quand à elle, par son nouvel emploi sera bien à l'abri pendant un bon moment avant de retourner à son ancien lieu de travail.
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Les heures passent, il est 10 heures et à l'ESSET, les techniciens de surface en pause vont s'alimenter dans le réfectoire situé au rez-de-chaussée. Pendant le goûter, leur superviseure les rejoint pour leur annoncer que la salle de réunion du 5ème niveau aurait besoin de rangement et d'un coup de serpillière.
« J'aimerais que le premier d'entre vous à finir s'y rende pour s'en charger, d'accord ? »
« Je peux y aller maintenant ! » s'écrie la benjamine du groupe.
Les regards se posent sur Véronique qui a sa maitoujours levée. Vaillante et confiante, elle demande à l'assemblée si quelqu'un y trouve un inconvénient et c'est bien le cas.
« Eh bien, les nouveaux se limitent au 4ème niveau. » argumente un ancien.
Et la superviseure est de son avis. Cependant, pense-t-elle que le mieux serait de s'y mettre le plus tôt possible car ne sait-on jamais. Alors, elle fait une exception et permet à Véronique de préparer le matériel pour aller nettoyer la salle.
Dans le réfectoire, à une table précisément, celle d'où l'ancien a fait son objection se lèvent des murmures. Avec ses collègues, ils soutiennent que la nouvelle veut faire son intéressante et croit qu'elle sera définitivement engagée (car cette information a bien évidemment fuité).
...
Véronique arrive dans la fameuse salle de réunion et admire la beauté des lieux. Elle touche les chaises, s'assoit sur l'une d'entre elles, pose ses mains sur la table en chêne massif,... Elle a juste envie de glisser dessus tellement elle est lisse.
Alors qu'elle pèse le pour et le contre devant son nouveau fantasme, la jeune femme n'entend pas la porte s'ouvrir puis se fermer, laissant entrer quelqu'un. Cet homme a un léger rictus en voyant de dos une technicienne de surface en train de caresser le meuble.
« Heureusement que nous n'avons pas opté pour la baie vitrée. » dit-il d'un air amusé.
~ VÉRONIQUE ~
Je sursaute et me retourne, gênée. J'ai reconnu la voix mais lorsque j'ai posé sur le monsieur mon regard, je n'ai pas immédiatement su de qui il s'agissait.
« Ah, c'est vous madame Chouchou. »
Eh bien ! Le loup est passé chez le coiffeur, on dirait.
Je me lève puis remets le siège à sa place. Lui, il reste là à m'observer. Je me demande ce qu'il fait là mais me sent trop gênée pour lui poser la question. De plus en le voyant, c'est évident qu'il est "quelqu'un". Alors comment aurai-je le courage et même l'audace de lui demander des comptes.
« Bonjour monsieur. » je murmure.
« Bonjour. J'espère que vous allez bien. »
Je réponds par la positive et nous échangeons quelques banalités. Il est sympathique et essaie de me mettre à l'aise. De mon côté, je n'y suis pas contre, cependant il faudrait qu'il me laisse travailler car à tout moment la superviseure pourrait arriver ou pire. J'aime beaucoup mon emploi même si je n'en suis qu'au deuxième jour ; alors je ne souhaiterais pas faire de faux pas et risquer un avertissement ou une mise à pied de si tôt. J'aimerais rester concentrée et lui, ne semble pas le comprendre.
« Sinon, je suis content pour toi, du fait que le DRH t'ait retenue. »
Je n'ose lui parler du risque que j'ai de perdre mon poste au cas où l'autre Véronique se présenterait. Ma seule réaction suite à ses paroles est d'esquisser un sourire forcé.
« Tu as de belles dents pour une villageoise. »
Sa réflexion m'agace au plus haut point et ce que j'en tire c'est que les villageois sont censés avoir de vilaines dents. Je ne sais pas avec qui je parle alors, j'évite de m'emporter. À la place, il m'est préférable d'aller chercher ma serpillière pour me mettre au travail. Lorsqu'il va remarquer que je ne le "gère" plus, il va me lâcher.
Sa tête on dirait un oiseau mouillé !
Nous sommes dans une grande salle climatisée aux murs gris, illuminée par un grand lustre, les ampoules annexes ainsi que la baie vitrée qui laisse pénétrer la lumière du jour. Il est assis sur la chaise situé en tête de table, me faisant la conversation. Quant à moi, je poursuis mon travail en répondant passivement à ses questions.
« Tu as quel âge ? » me sort-il au bout d'un moment.
Ah, il ne me vouvoie plus ?
« Je trouve que vous en savez déjà trop sur moi. »
Je me suis arrêtée pour le fixer.
« Qu'est-ce que tu veux savoir ? »
En vrai, je n'en sais rien. Je le reluque, analyse chaque centimètre de son visage comme pour déceler des indices et lui me fait un petit sourire. La situation devenant trop gênante à mon goût, je préfère reprendre mon boulot.
« Alors ? »
« Laissez tomber. »
« Okay, je vais t'aider. Je m'appelle Dominique EBARA, j'ai 32 ans et... Je pense que c'est tout. »
« Qu'est-ce que vous faites ici, exactement ? »
Soudainement, la porte s'ouvre et le DRH fait une sorte de réprimande à Dominique quant à sa "disparition". Ceci sous-entend qu'ils travaillent ensemble. Mais en repensant à ma convocation de la veille, je me dis qu'ils sont égaux. Ou presque.
« Excuse-moi de prendre le temps de respirer, Vianney. »
« Je te comprends mais ta façon de t'y prendre laisse à désirer. Allez viens, ils t'attendent dans ton bureau. »
Le pauvre arbore une mine boudeuse et se lève à contrecoeur pour rejoindre le DRH à la sortie. Mais avant de partir, il me dit : « Au revoir, mon amie. »
Je ne comprends pas ce qui se passe. J'ai l'impression de ressentir de la peine pour lui. J'aimerais l'aider et lui accorder le repos. Je pense qu'il fait le clown avec moi pour décompresser après un long travail acharné. J'aimerais tant lui être utile.
Bref, il faut que je termine ma tâche. Plus que 3 heures avant la fin du service puis le début d'un autre.
« Elle était en mode : "lâche-moi ! T'es qu'un connard ! " et lui "non, je t'aime trop ! ". Je te dis, j'étais choquée ! Il lui a pris dans ses bras et elle s'est calmée, tu vois, comme dans les films. J'étais en mode "mais mdr, c'est quoi ça ?". J'ai longtemps douté parce que je n'imaginais pas cette fille comme ça ! » raconte une technicienne de surface dans un coin du jardin en mimant les évènements dans des tons irréguliers.« Tu crois qu'il pourra quitter sa femme pour elle ? » l'interroge une de ses locutrice.« Tss, non ! Ce n'est qu'une histoire de cul. » commente une autre. « Du coup, ils sont partis ensemble ? »« Non. Il lui a pris un taxi. »« Erh, mais vraiment ! J'aurais été elle, je serais partie avec lui. » extériorise une autre, ce qui fait l'unanimité de la majorité du groupe.Puis, une voix masculine tonne au loin : il s'agit de l'un de leurs collègues leur annonçant qu'il est l'heure pour la réunion avec le DRH.« OUI, ON ARRIVE, RÔÔH ! » répond la narratrice avant
~ Trois heures quarante ~Véronique reçoit le message "Hey, tu dors ?"qu'elle croyait initialement de NTM. C'est Dominique. Pourquoi lui écrit-il à cette heure, se demande-t-elle.La jeune femme hésite à lui retourner la question avant de s'essayer à plusieurs tentatives de réponse. Mais au final, la réplique qui lui vient est :"Non.""Je ne te dérange pas, j'espère" reprends Dominique, assis dans son canapé, les pieds posés sur la table basse près d'une boîte de cachets sédatifs."Non. Pourquoi est-ce que tu m'écris à cette heure ?""Je n'arrive pas à dormir. Ce, malgré tout ce que je fais pour"« Du coup, il m'utilise comme plan B ? », pense Véronique à haute voix avant de lui répondre par des points de suspension. "Ce que je veux dire c'est que je suis encore troublé à cause de ce que tu m'as dit", rectifie le trentenaire.Véronique se redresse sur son lit, les lèvres tremblantes et les yeux clos. Les souvenirs remontent et son cœur se serre. "Bah, c'est la vérité. Maintenant, l
« Tu es au courant d'une rumeur quelconque me concernant ? »« Il est deux heures passées, Dom, je-... »« Ben, tu me réponds et puis basta ! »« Je ne suis au courant de rien. Vraiment rien. De quelle rumeur s'agit-il, au juste ? »« B-peu importe ! Bon, je-... Je vais te laisser. »« Ben, non ! J'ai le droit de savoir : en tant que DRH et en tant qu'ami. La rumeur te concerne directement ? Qu'est-ce qui se passe, Dom ? Est-ce qu'il y a une incidence sur l'ESSET ? »Mais Dominique se trouve dans l'incapacité de répondre à cette question. Saisi de honte et sans plus de cérémonie, il raccroche l'appel. Vianney, de son côté émet un long bâillement tant par la fatigue que son exaspération grandissante face à cet appel impromptu de son supérieur ainsi que sa fuite inexpliquée. Quand bien même il voudrait se rendormir aux côtés de sa fiancée, la situation commence à devenir préoccupante. Voici la deuxième fois de la semaine que Dominique le contacte à une heure tardive pour poser des ques
~ VÉRONIQUE ~J'avais eu vent du passage de Dominique à l'ESSET par quelques collègues. D'après leurs dires, il s'en était allé à la hâte, en « sprintant » presque vers la sortie. M'avait-il oublié ? je me demandais en boucle. J'avais tellement attendu et stressé ; les bouts de mes doigts me faisaient souffrir, tant je ne m'étais pas contentée de me ronger les ongles... La tension était retombée et j'étais juste déçue.Un instant, j'ai pensé qu'il avait eu un truc urgent à faire ; il n'allait quand même pas rater un travail de la plus haute importance à cause de moi ! Cet état de fait en a mis un coup sur mon moral qui était déjà bien bas....Je traînais les pas vers la sortie réservée aux employés, les yeux fixés sur le sol en marbre semblant défiler sous mes pieds. La lourdeur m'avait envahie. J'avais cependant l'impression d'avoir manqué quelque chose. Pourquoi est-ce que je prenais cette sortie-là alors qu'il était sorti par l'avant ? Il y avait cette faible pulsion au fond de m
« Tout ce que je veux savoir c'est ce qu'il attend de moi. Je ne veux pas être une maîtresse ; ça n'a jamais été mon intention. Je l'ai aimé pour lui et non ses biens. » « Si c'est l'homme que Dieu a fait pour toi, qu'il pleuve ou qu'il neige, vous finirez ensemble. » ~ VÉRONIQUE ~ Cela fait plusieurs heures que je me remémore cette conversation, notamment ces deux passages. Il est présentement treize heures et je suis dans le bus en partance pour le travail. La tête penchée contre la vitre, j'observe d'un œil rêveur le paysage. J'espère ne pas me retrouver dans la même situation qu'hier. Bref, je me sens excitée à l'idée de revoir Dominique. Excitée dans le sens où je ne peux pas m'empêcher d'imaginer la scène, j'ignore comment aborder le sujet et ... Que sais-je encore ?! J'espère que notre rencontre ne va pas me faire perdre mes repères. J'ai tellement de questions à lui poser ! Plus j'y repense plus je me dis qu'il y a possiblement des raisons qui l'ont mené à être infid
~ À Brazzaville ~À quatorze heures, Véronique termine sa journée de travail avant de se mettre en route pour rentrer chez elle. Arrivée sur les lieux, Blévie semble y être absente vu les coups infructueux donnés à la porte. Alors, la jeune femme a le réflexe de chercher la clé sous leur pot de fleur.Une fois dans le studio, elle a le souvenir de son idée de le changer en lui apportant de nouveaux meubles et accessoires. La jeune femme dépose sur le sol carrelé son petit sac avant de troquer ses vêtements contre d'autres plus amples. Puis ses pensées se portent sur Dominique, elle se sent mal mais s'attache à l'espoir qu'il ait prévu, avant de se mettre avec elle, de se séparer de sa femme. Elle passe délicatement une main sur son cou avant de la glisser vers sa poitrine en se souvenant de ses baisers pendant une seconde. « Il faut que j'arrête ! » maugrée-t-elle en allant ranger le petit bazar autour d'elle.Plus tôt dans la journée, Véronique pensait certes le quitter facilement