Chapitre III

Le lendemain matin, comme j'ai prévu, Kévin n'est pas venu.

Je l'ai appelé plusieurs fois au téléphone, sans avoir une simple réponse.

Finalement, j'ai reçu une photo provenant de Susie sur laquelle Kévin s'était endormi dans un lit, et un message disant : « Il était complètement épuisé hier soir et dort encore. »

J'ai rangé mon téléphone avec un sourire ironique. Même si je connaissais depuis longtemps la vérité sur sa trahison, la voir ainsi exposée devant moi m'a encore arraché le cœur. Mes larmes ont fini par couler sans que je puisse les retenir.

Demeurant immobile jusqu'à la fin du lever du soleil, seule, je suis retournée à la maison. La décoration de cet endroit avait été choisie selon mes goûts, mais elle ne me provoquait plus d'émotion en ce moment. Ce n'était pas un cadeau d'amour, c'était une compensation pour la trahison de son propriétaire.

Mon téléphone a vibré. J'ai reçu les messages du centre tribal.

« Mlle Bouzot, votre demande de quitter la tribu prendra effet dans huit heures. Veuillez partir du territoire à l'heure. »

« Mlle Bouzot, votre union avec M. Rogier a été dissous. »

J'ai retiré mon regard de mon téléphone avec un rire amer et je me suis dit : « Kévin, je ne veux pas de la douceur drapée de poison que tu m'as gratifiée. ».

Lors du midi, un message de Kévin est arrivé de manière inattendue, m'invitant au banquet de l'après-midi organisé par la tribu.

Je me suis aperçue que c'était aujourd'hui la fête de la pleine lune.

Chaque année, à cette date, la tribu organise un grand banquet auquel tous les membres sont conviés.

Les années précédentes, j'y assistais avec Kévin en tant que son épouse. Mais cette année, ayant rompu avec lui, j'ai perdu ce statut.

D'ailleurs, je n'avais aucune intention d'y aller. Cependant, ce dernier a envoyé quelqu'un me chercher dans l'après-midi, insistant pour que j'assiste à leur fête.

J'ai froncé les sourcils, quelque peu perplexe, mais j'ai néanmoins décidé d'y mettre les pieds.

Quand je suis arrivée, le banquet avait déjà commencé. Kévin se tenait debout dans un costume blanc impeccable, rayonnant d'une élégance noble, tandis que Susie, vêtue d'une robe sur mesure, lui tenait le bras, le visage débordant de bonheur.

Les voyant accros l'un à l'autre, la douleur m'a arraché le cœur à nouveau.

Certains parmi les présents qui m'ont aperçue et ils m'ont aussitôt lancé des regards étranges, chuchotant et me montrant du doigt.

« N'est-ce pas Céline Bouzot ? N'avait-elle pas rompu avec Kévin ? Pourquoi est-elle venue ? »

« Dieu seul le sait. Peut-être a-t-elle changé d'avis et elle essaie de se raccrocher à lui. »

« Quelle honte de revenir pour embêter les gens après la rupture ! »

« … »

Je me forçais à rester calme, les lèvres demeurants soudées. Je ne voulais pas m'engager dans une discussion avec ces gens et ai trouvé une place dans un coin pour m'asseoir, espérant profiter d'un moment de tranquillité.

De toute évidence, Susie n'était pas prête à me laisser tranquille. Elle s'est dirigée vers moi, le ventre proéminent, et m'a parlé de haut d'un ton dédaigneux : « Céline, comment oses-tu te montrer ici ? Tu as déjà rompu avec Kévin. Tu n'es plus son épouse et n'es plus digne du statut de Luna. »

Son visage était teinté de triomphe, son ton arrogant. « Laisse-moi t'expliquer une chose. Une fois que j'aurai accouché, je serai la Luna légitime de Kévin et de cette tribu. Tu n'auras plus ta place ici à ce moment-là. »

Elle s'est démasquée et a montré sa vraie nature, sans Kévin à ses côtés.

Je la regardais, me laissant envahir par une vague de tristesse. C'était la femme qu'il avait choisie, une femme intrigante, rusée et teigne.

Mes lèvres restaient obstinément fermées, refusant de tomber dans son piège et me suis levée pour partir.

Susie m'a agrippé le bras d'un coup. « Céline, as-tu peur d'affronter la réalité ? As-tu peur d'admettre que je compte plus que toi pour Kévin ? »

Avant que j'aie pu réagir, elle m'a tirée vers le côté violemment. J'ai perdu l'équilibre et sans savoir comment, nous sommes tombées toutes les deux sur l'énorme présentoir à gâteau à côté.

« Boum ! » Le présentoir s'est effondré instantanément, des éclats de verre glissant sur mes paumes.

J'ai poussé un cri de douleur. Mon ventre a heurté violemment le coin de la table, me causant une douleur intense que je pouvais à peine exhaler un gémissement.

J'ai tendu la main vers Kévin pour lui demander de l'aide, mais l'instant d'après, il s'est précipité déjà vers Susie, la soulevant avec un regard inquiet.

« Comment tu te sens ? Je t'emmène immédiatement à l'hôpital ! »

J'étais allongée sur le sol, tremblante de douleur, les éclaboussures de gâteaux et de vin recouvrant mon visage.

Kévin a porté Susie dans ses bras sans même me jeter un regard.

Il ne m'avait même pas reconnue !

« Appelez l'ambulance ! Vite, appelez l'ambulance ! » Sa voix résonnait dans mes oreilles. Je luttais pour lever la tête, mais il ne m'a laissé que son dos qui m'éloignait indifféremment.

Mon cœur s'est glacé.

Je me levée tranquillement.

Après m'être lavée et changée, j'ai quitté la maison en traînant ma valise. Sans me retourner, je me suis dirigée vers l'aéroport.

J'ai acheté un billet pour le sud, déterminée à partir de cet endroit qui m'a brisé le cœur.

Avant l'embarquement, je lisais nonchalamment les moments sur Instagram. La mise à jour de Susie m'a tiré l'attention. Une photo de Kévin a été publiée par elle, dans laquelle il était en train d'éplucher une pomme.

Il la regardait tendrement tandis qu'elle arborait un sourire béat.

Un trait amer s'est dessiné sur mes lèvres. Je me suis décidée à supprimer leurs contacts tous les deux.

J'ai pivoté mes talons pour monter dans l'avion qui s'envolerait dans quelques instants.

J'ai enfin quitté pour toujours Kévin et ce territoire.