Chapitre 8 – Rumeurs

Thomas fit ses adieux à Sera juste au moment où la professeure Euler, une femme blonde aux yeux marron, arriva pour faire passer l’épreuve.

Sera ne comprit pas la raison du changement, mais elle ne posa pas de questions et se prépara pour le test.

Thomas se hâta d’aller parler à la directrice pour dire que Sera passait déjà l’épreuve.

La directrice expliqua qu’il y avait des Murmures ; il pouvait lire brièvement sur les lèvres des gens, entendant des choses comme « Elle est folle. », « Tu as vu la nouvelle ? » « D’où vient cette dingue ? »

Pour cette raison, Cassandra empêcha qu’elle fasse le test dans un lieu commun.

Les pensées de Thomas étaient ailleurs jusqu’à ce qu’il bouscule quelqu’un.

Il porta la main à sa tête pour éviter de tomber. Et il se figea en voyant qui c’était et en lisant ses lèvres.

« Ça va ? Tu t’es fait mal ? » — c’était Joshua.

La main de l’homme aux cheveux blancs était tendue devant lui, mais Thomas refusa.

« Thomas, s’il te plaît... »

Thomas l’ignora et voulut s’éloigner, mais Joshua le retint.

« Une minute, s’il te plaît. »

Thomas ne supportait pas de le regarder. Pas après les paroles dures et l’humiliation qu’il avait subies de sa part.

Mais Thomas devait se montrer fort et ne pas laisser Joshua voir ses larmes. Il ne les méritait pas.

Il se dégagea, donnant un léger coup à Joshua et s’éloigna. Il ne permettrait plus jamais à l’alpha de le blesser.

Sera ne trouva pas le test difficile. Elle répondit facilement à toutes les questions et même Euler fut étonnée.

— Hmm. dit la professeure, surprise. — Je dois avouer que je suis étonnée, mademoiselle Abrams. Avez-vous vraiment étudié à la maison ?

Sera confirma d’un signe.

— Parfait. Vous êtes en dernière année. Même à 18 ans. L’année prochaine vous pourrez choisir votre orientation.

Sera remercia et Euler lui indiqua qu’elle pourrait aller en retenue après le déjeuner, en lui remettant son nouvel emploi du temps.

En sortant de la bibliothèque, Sera commença à entendre ce qu’on disait d’elle. Des ricanements et des chuchotements. Elle avait une audition un peu plus fine que la normale.

— T’as vu cette bizarre ? — quelqu’un montra Sera du doigt. — La fille qui ne parle jamais, tout à coup elle a hurlé. Elle est folle, c’est certain.

— Comment une muette peut-elle parler ? Elle doit être folle.

— Elle est tarée, quand ils sont arrivés sur les lieux, il n’y avait rien.

Sera baissa la tête et se glissa le long des murs jusqu’à sa chambre.

En refermant doucement la porte, elle s’assit sur le lit, surprenant Kyria.

— Oh ! s’exclama cette dernière, effrayée. — Je ne t’avais pas vue arriver.

Sera s’excusa pour la frayeur et raconta ce qu’elle avait entendu.

Kyria la serra vite dans ses bras et dit :

— Je suis désolée, Sera. Ces rumeurs passeront. Ne t’en fais pas.

Avec prudence, elles allèrent au réfectoire. Bien sûr, les gens la pointaient du doigt et chuchotaient encore.

Sera fit abstraction et s’assit à une table avec Kyria. Au bout de quelques secondes, Thomas arriva et elles continuèrent à manger sans prêter attention aux chuchotements.

— Hé, imbéciles ! — c’était Rie.

— Qu’est-ce que tu veux, Rie ? — s’énerva Kyria.

— Je veux savoir si c’est vrai que la nouvelle est vraiment folle. — dit-il en s’approchant de Sera, tentant d’utiliser sa pression d’alpha sur elle.

— Hé, Rie. Qu’est-ce que tu fais ? — la voix de Karim retentit, et il paraissait extrêmement irrité.

Rie sembla se figer. Il ne pouvait pas faire face à Karim.

— N...rien, Karim. Je lui ai juste demandé d’expliquer.

Karim le regarda avec colère. Et quand personne ne regardait, il murmura à Sera :

— Je te crois.

La discussion ne dura pas longtemps. Car quelqu’un aux cheveux châtains et au regard paniqué entra en trombe dans le réfectoire, ouvrant la porte en criant.

Kyria dit à Sera que c’était Jacob Lite.

Jacob était en désordre ; des cernes sous les yeux comme s’il n’avait pas dormi depuis des jours ; ses vêtements étaient sales, comme s’il avait passé un long moment dans les bois.

Jacob tomba par terre, tous les regards se tournèrent vers lui.

Il regarda tout le monde et hurla :

— Il y a un m-m-monstre près du collège. Il a pris ma copine, Nancy. J’ai cherché p-par jours, je ne l’ai pas trouvée. Un monstre fait d’ombres. Je jure, je ne mens pas. Je l’ai vu.

Et soudain, son regard se posa sur Sera. Dans un geste si rapide que personne ne le vit venir, Jacob la projeta au sol.

— C’est de sa faute. Elle l’a vu aussi et elle n’a pas été kidnappée. — dit-il, tentant de lui serrer la gorge.

Son étreinte fut forte. Sera se souvint de ce monstre. Cela la troubla quelques instants ; ses yeux devinrent jaunes et elle voulut le repousser. Mais c’était comme si une force surnaturelle le possédait.

Quelques garçons le retenaient, mais sans succès. Bientôt il se dégagea et attaqua de nouveau Sera avec des griffes acérées. Sa robe fut déchirée devant et un peu dans le dos.

Certains élèves se transformèrent en loups, mais ils n’eurent aucune chance non plus. Une force surnaturelle semblait les empêcher d’agir.

Sera fut enfin sauvée par les professeurs. Karim ôta sa veste et la posa sur ses épaules ; elle fut transportée à l’infirmerie.

Alors que Kyria et Thomas l’aidaient à marcher, Sera se demanda si elle ne devrait pas partir. Peut-être que ce serait mieux pour elle et pour tout le monde.

Sera fut précipitamment couchée sur une civière. La doctoresse Ty demanda que seule Yelena reste pour l’assister.

Sera hurla tout au long des soins. Même avec une pommade anesthésiante, les blessures brûlaient et saignaient. Depuis le cou, tachant son écharpe, jusqu’aux jambes. Et surtout le dos, où se trouvait son grand secret.

On lui retira l’écharpe et Sera ne tenta pas de protester. Elles verraient la cicatrice, mais elle voulait seulement que la douleur cesse.

Les femmes ne montrèrent aucune réaction en voyant sa honte ; elles continuèrent simplement leur travail. Ce n’était pas le moment de s’effondrer.

Cependant, quelqu’un avait vu et en fut très en colère. Karim ne crut pas que quelqu’un aurait pu lui faire ça — ni même un salaud comme lui en serait capable. Il serra les poings, se cacha derrière un mur et promit que le monstre qui avait fait ça à Sera paierait.

Sera ne remarqua pas sa présence ; elle hurla jusqu’à perdre connaissance, se demandant si le mieux ne serait pas vraiment de partir.