— Lila… ma chérie, il est l’heure.Une main douce secoua mon épaule. Je grognai, enfouissant mon visage dans l’oreiller. J’avais dormi d’un sommeil lourd, sans rêves. Cela faisait des semaines que je n’avais pas connu un tel repos.— Lila, tu as ton rendez-vous à neuf heures pour le contrôle, insista ma mère d’une voix tendre. Allez, debout, sinon on va être en retard.Je me retournai vers elle. Son sourire chaleureux m’enveloppa, et j’eus soudain l’impression d’être redevenue une enfant qu’elle venait réveiller pour aller à l’école.— Maman… j’ai encore un peu de temps…— Non, non, répondit-elle avec douceur mais fermeté. Pas question de manquer ton suivi. Allez, debout ma fille.Elle m’aida à me redresser, ajusta mon oreiller, puis lissa mes cheveux du bout des doigts. Ce geste simple me serra la gorge. Cette tendresse-là m’avais tant manqué.Après un bon bain chaud qu’elle avait préparé elle-même, je choisis une jolie tenue. Rien d’extravagant, juste une robe fluide couleur crème,
Je refermai doucement la porte de ma chambre d’adolescente.Un parfum de passé m’enveloppa aussitôt. Tout était exactement comme avant. Les posters légèrement délavés, la petite lampe en forme de lune sur ma table de chevet, et ce lit… Ce lit qui avait abrité mes nuits, mes rêves, mes espoirs naïfs.Je m’assis sur le matelas, le cœur serré.Des années avaient passé depuis que j’avais quitté cette maison pour voler de mes propres ailes. Rien ne s’était déroulé comme prévu. À l’époque, mes parents avaient fini par se détourner de moi. Pas par cruauté, mais parce que Dante avait exigé mon effacement, mon isolement. Et ils avaient cédé. J’avais longtemps nourri une colère brûlante contre eux. Mais je n’avais plus la force de haïr. Pardonner avait été plus simple que de garder cette rancune vivante.Je me laissai tomber en arrière fixant le plafond.— Le même lit, soufflai-je à voix basse. Le même dans lequel j’ai rêvé de lui tant de fois…Une pointe me transperça la poitrine. Dante. Il me
Dès que la portière se referma derrière moi, que Jason ne fut plus là pour scruter chacun de mes gestes, mes forces m’abandonnèrent. Les larmes jaillirent sans prévenir. J’enfouis mon visage contre l’épaule de maman, incapable de retenir ce torrent qui me brûlait la poitrine.Elle passa aussitôt ses bras autour de moi, me berçant comme une enfant.— Chut, ma chérie… qu’est-ce qui se passe ? Tu peux me le dire.Je sanglotai, mes doigts agrippés à son manteau comme à une bouée.— Je… je m’en veux, maman… je m’en veux tellement…— De quoi, mon ange ?Je relevai la tête, le regard noyé, et les mots sortirent, bruts, incontrôlables.— De ressentir ce que je ressens pour lui. Pour Dante.Un silence lourd s’abattit dans la voiture. Papa, assis à l’avant, se crispa mais ne dit rien. Maman caressa mes cheveux d’un geste doux, m’encourageant à poursuivre.— Toute ma vie, il a été un fantôme, murmurai-je, la voix brisée. Toujours là, sans vraiment l’être… À cause de lui, j’ai perdu ma jeunesse.
Le lendemain matin, les infirmières vinrent me préparer pour la sortie. J’étais encore faible, mais le fauteuil roulant que l’on avait installé à mon chevet me donnait un sentiment étrange de liberté retrouvée.Jason était déjà là, impeccable comme toujours, prêt à prendre les commandes de la journée. Mes parents nous rejoignirent peu après, l’air à la fois fatigué et soulagé.Dans le couloir de l’hôpital, les pas résonnaient, mes doigts accrochés à l’accoudoir du fauteuil. Chaque mouvement me rappelait à quel point je dépendais encore des autres. C’était frustrant.Jason prit la parole le premier, comme s’il avait tout prévu :— Je me suis arrangé, dit-il avec un sourire assuré. Lila, tu viens chez moi. J’ai déjà tout préparé, une chambre, une infirmière de garde, un kiné à domicile. Tu seras bien mieux installée.Je sursautai légèrement. Chez lui ? Mes yeux cherchèrent instinctivement ceux de mon père.— Chez toi ? répéta mon père d’une voix glaciale. Je ne crois pas.Jason fronça l
Jason resta encore un instant à contempler Lila, sa main prisonnière de la sienne. Elle semblait fragile, brisée, mais son regard reconnaissant suffisait à nourrir sa fierté.— Tout ça est derrière toi maintenant, murmura-t-il. Je veillerai toujours sur toi.Elle détourna les yeux, troublée par tant d’assurance, et serra faiblement ses doigts en retour.Le reste de la matinée passa dans un calme fragile. Jason lui parlait doucement, lui caressait la main, évitait de l’épuiser par de trop longues conversations. Lila, encore faible, se laissait bercer par cette présence constante, presque envahissante mais rassurante à la fois.Dans l’après-midi, on frappa à la porte. Le commissaire entra, accompagné d’un dossier sous le bras. Son visage grave coupa court à toute légèreté.— Mademoiselle Anderson, Monsieur Stuart, dit-il en s’approchant du lit. Je viens vous faire part des premiers résultats de notre enquête.Lila se redressa légèrement, l’angoisse au ventre. Jason lui serra discrètemen
Lorsque les parents de Lila quittèrent enfin la chambre pour aller chercher un peu d’eau fraîche, Lila, épuisée par tant d’émotions, laissa ses paupières se refermer. Sa respiration se régularisa doucement, et bientôt, elle sombra dans un sommeil lourd et réparateur.Jason resta assis près d’elle, son regard fixé sur ses traits paisibles. Elle tenait encore faiblement sa main, mais il sentit ses doigts se relâcher peu à peu. Ce geste innocent, presque enfantin, suffisait à gonfler son cœur d’un orgueil insensé. Elle lui faisait confiance. Elle croyait déjà à son rôle de sauveur.Il ne bougea pas, attendant que le sommeil l’emporte totalement. Puis, quand les Anderson revinrent, il se leva doucement et quitta la chambre avec eux pour ne pas troubler son repos.Dans le couloir silencieux, Mme Anderson s’arrêta, les larmes aux yeux.— Jason… je ne sais pas comment te dire merci. Tu as été là, tu as pris des risques, tu l’as sortie de cet enfer…Il baissa les yeux, jouant la modestie.— N