LOGINLa lumière du matin me frappa en plein visage. Je mis quelques secondes à comprendre où j’étais. Ma tête me faisait atrocement mal. Le goût amer du whisky collait encore à ma langue, et les pages du roman traînaient sur la table basse, ouvertes là où mes doigts s’étaient arrêtés, la veille.Je restai un moment assis, le regard perdu dans le vide.Chaque mot que j’avais lu la veille me revenait comme un coup de poing dans la poitrine.Chaque souvenir que j’avais nié, chaque geste que j’avais justifié.Je n’étais plus seulement coupable. J’étais complice.Et je le savais désormais.Je pris une longue inspiration.Le visage de Lila s’imposa à moi — son regard doux, sa voix tremblante quand elle essayait encore de me défendre alors que je la détruisais. Je me levai. J’avais besoin de réponses.Pas dans un livre. Pas dans des souvenirs.Dans la bouche de celle qui avait tout commencé.La voiture fila en silence jusqu’à la prison centrale.Je n’avais rien dit pendant tout le trajet.Le chauf
Je quittai le bureau à midi.Rachel me lança un regard surpris au moment où je passai devant elle, ma veste sur l’épaule et les traits tirés.— Vous partez déjà, monsieur Withemore ? demanda-t-elle, hésitante.Je m’arrêtai. Lentement, je tournai la tête vers elle.— Est-ce que j’ai besoin de votre autorisation, Rachel ?— N-non, bien sûr que non, je…— Alors contentez-vous de faire votre travail.Elle baissa les yeux, les joues rouges. Je n’avais pas la patience pour les questions inutiles. J’avais dans la main le roman de ma mère.En montant dans la voiture, mon téléphone vibra.— Dante ? fit la voix de ma mère. Mon livre est toujours avec toi ?— Oui.— Peux-tu me le rapporter, chéri ? J’aimerais le lire ce soir surtout si tu penses que c’est ton histoire.— Non.Un silence se fit.— Pardon ?— J’ai dit non. J’en ai besoin.Et je raccrochai.Je n’avais pas envie d’entendre sa voix mielleuse aujourd’hui.Une fois rentré chez moi, je jetai ma veste sur le canapé et allai directement s
La porte venait à peine de se refermer derrière sa mère que Dante s’effondra dans son fauteuil, le regard perdu sur le livre abandonné.Il n’eut pas le temps de se replonger dans ses pensées que Luke frappa doucement avant de repasser la tête dans l’entrebâillement.— Je viens d’avoir une idée. Si cette Lyvia Hale est réelle, je peux contacter un ami à moi en Islande. Il bosse dans l’édition là-bas. Peut-être qu’il a déjà entendu parler d’elle.Dante leva les yeux, un mince espoir traversant enfin son regard.— Fais-le. Tout de suite.Luke s’installa sur le canapé, sortit son téléphone et composa un numéro international.— Hé, Ásgeir ? C’est Luke. Dis-moi, tu peux m’aider ? Je cherche des infos sur une auteure de chez vous, Lyvia Hale. Tu connais ?De l’autre côté du fil, on entendait un léger rire étouffé.Luke fronça les sourcils.— Quoi ? Pourquoi tu rigoles ?Une voix grave et rieuse lui répondit en islandais, que Luke traduisit à Dante au fur et à mesure.— Il dit que bien sûr qu
Dante n’avait pas attendu que sa mère raccroche.À peine la communication terminée, il se jeta sur son ordinateur et tapa frénétiquement sur le clavier :« Lyvia Hale auteure Les cendres de l’amour ».Rien.Aucune photo, aucune biographie, pas même une trace sur les réseaux sociaux.— C’est pas possible… murmura-t-il entre ses dents serrées.Il recommença la recherche, vérifia les maisons d’édition, le dépôt légal, les forums de lecture.Toujours rien.Plus il creusait, plus une certitude glaçante s’enracinait en lui.— Luke…Dante attrapa son téléphone, les doigts tremblants.— Luke, viens tout de suite à mon bureau. Maintenant. Pas dans dix minutes. Tout de suite.Le ton ne laissait aucune place à la discussion.Trente minutes plus tard, la porte s’ouvrit à la volée. Luke entra, essoufflé.— Qu’est-ce qui se passe, Dante ? T’as une tête de mec qui vient de voir un fantôme.Dante fit quelques pas dans la pièce avant de se retourner brusquement vers lui, les yeux brûlants.— Où en es-
Je restai figé, le livre à la main, le cœur battant à tout rompre.Chaque ligne me revenait comme une gifle.La douleur.Les dialogues.Même la manière dont le personnage principal appelait l’heroine du roman.C’était nous.C’était moi.Impossible.Impossible qu’un écrivain ait pu deviner ça.À moins que…Je saisis mon téléphone, tremblant de rage et de panique, et composai le numéro de ma mère.Elle répondit aussitôt, joyeuse et légère.— Mon chéri ! Je venais justement de parler de toi à Patricia, tu devineras jamais—— Maman, où es-tu ?Elle marqua un temps d’arrêt, surprise par mon ton.— Eh bien… au restaurant la Plantation avec Patricia, pourquoi ?— J’ai besoin que tu me dises ce qui se passe après le premier chapitre de ton foutu livre.Un petit silence, puis un éclat de rire.— Attends… quoi ? Depuis quand tu t’intéresses aux bouquins ? Toi qui m’as dit il y a dix minutes de le jeter à la poubelle ?Je passai ma main sur mon visage, tentant de garder mon calme.— Maman, je t
L’appartement que la maison d’édition avait réservé pour nous donnait sur la Seine. Une vue splendide, des murs immaculés, un mobilier design… le rêve de beaucoup. Mais pas le nôtre.Léna et Mila restaient plantées au milieu du vaste salon, le nez froncé.— C’est trop blanc ici, murmura Mila. On dirait un hôpital.— Et ça sent pas la mer, ajouta Léna, déçue.Je souris doucement.— Je sais, mes chéries. Ce n’est que pour un moment. Promis, on rentrera vite à la maison.Elles hochèrent la tête, sans grande conviction.Je leur caressai les cheveux, me promettant intérieurement de ne pas les laisser s’enraciner dans ce monde clinquant.La sonnerie retentit.Je sursautai.Un homme en costume noir, sourire figé, se tenait sur le seuil.— Bonjour madame Hale, je suis le chauffeur. Madame Green m’a demandé de conduire les jeunes demoiselles à l’école.— L’école ? Déjà ?Il hocha poliment la tête.Je n’eus pas le temps d’argumenter que Léna poussa un cri de joie :— Maman, regarde !En bas, su







