Chapitre 5

Chapitre 5 

Point de vue d’André

La brume glissait entre les arbres comme une mer silencieuse et mouvante. Chaque mouvement de la forêt était capté par mes sens, chaque odeur transmise à mon esprit comme un message que je ne pouvais ignorer. Mais malgré toute mon attention, il y avait une présence qui dominait mes pensées, une chaleur qui refusait de s’éteindre : **Selena**.

Je la voyais, immobile, accroupie près d’un tronc tombé, ses doigts effleurant l’écorce avec une douceur qui contrastait avec la violence de ce monde sauvage. Chaque geste, chaque mouvement de son corps semblait calculé, conscient du danger mais étrangement gracieux. Elle n’avait rien de la fragilité que la plupart des humains exhibaient. Non, elle possédait une force que seuls ceux qui avaient survécu à la douleur pouvaient comprendre.

Pourtant, même en observant sa force, mon instinct de protecteur grondait. Elle n’était qu’une humaine. Fragile. Défigurée, aux yeux de certains. Et malgré tout, mes yeux ne pouvaient se détourner. Il y avait quelque chose dans ses cicatrices, quelque chose dans son regard qui m’appelait d’une manière que je n’avais jamais connue. Une sorte de défi silencieux : je ne devrais pas être attiré par elle, mais chaque fibre de mon être refusait de l’ignorer.

Je fis un pas vers elle, mes muscles tendus mais contrôlés, chaque mouvement calculé pour montrer force et protection, pas menace. Je savais que je pouvais l’impressionner, mais mon objectif n’était pas la peur. Il fallait qu’elle sente que je veillais sur elle, que personne, ni la meute ni la forêt, ne pourrait lui faire du mal tant que j’étais là.

La tension entre nous était palpable, presque tangible. Je pouvais sentir son cœur battre à l’unisson avec le mien, et chaque respiration qu’elle prenait semblait se synchroniser avec mon rythme intérieur. La forêt entière paraissait retenir son souffle, consciente de ce lien naissant.

— Ne bouge pas, murmurai-je, plus pour moi que pour elle.

Elle ne bougea pas. Ses yeux, verts et clairs, semblaient chercher quelque chose dans les miens, et je sus qu’elle essayait de comprendre le mélange de désir, de protection et de fascination qui m’animait. C’était dangereux. Pour elle, pour moi, pour tout ce que nous représentions. Et pourtant, je ne pouvais me résoudre à rompre ce lien naissant.

Un grondement lointain me fit tressaillir. La meute. Ils sentaient le danger, et leurs instincts les poussaient à l’alerte. Mais je n’étais pas inquiet pour eux. Mon attention restait fixée sur Selena. Elle était plus qu’une simple humaine dans cette forêt. Elle était devenue la pièce centrale d’un puzzle que je n’avais jamais su vouloir assembler, et chaque instant passé loin d’elle me semblait vide et sans sens.

Je m’accroupis légèrement, réduisant la distance entre nous, sans toutefois envahir son espace. Mon regard scrutait chaque ligne de son visage, chaque imperfection que certains pourraient appeler défaut, mais qui à mes yeux faisait partie de son essence unique. Et dans ce simple geste, j’envoyais un message silencieux : je te vois, je te comprends, et je ne te laisserai jamais seule.

Le vent porta jusqu’à nous un parfum mêlé de terre humide et de résine, mais au-dessus de tout, je pouvais sentir son odeur propre, humaine et singulière, un mélange subtil de peur et de courage. C’était hypnotisant. Une partie de moi voulait s’avancer davantage, franchir les limites de la simple proximité, mais la discipline d’Alpha me retenait. Je ne pouvais pas permettre que mon désir mette en danger ce lien fragile.

— Pourquoi… moi ? pensais-je silencieusement. Pourquoi elle ? Pourquoi cette humaine me trouble-t-elle autant alors que j’ai appris à ne jamais laisser mes émotions prendre le dessus ?

La réponse, je le savais, était enfouie dans ses yeux, dans sa façon d’affronter la forêt et ses dangers sans jamais céder complètement à la peur. Elle n’était pas comme les autres. Elle n’avait pas besoin de moi pour survivre, et pourtant, elle choisissait d’être là, face à moi, vulnérable mais digne. C’était une force rare, et je sentais instinctivement que quiconque essayait de la menacer paierait cher.

Un bruissement dans les fourrés me rappela que nous n’étions jamais seuls. Les yeux de la meute nous observaient, prêts à intervenir, mais je restai immobile, laissant le contrôle de la situation me revenir naturellement. Chaque mouvement que je faisais, chaque souffle que je prenais, était destiné à créer une barrière invisible entre elle et le danger. Je savais que la force brute n’était pas toujours nécessaire. Parfois, le simple fait d’être là suffisait à protéger.

Je m’assis finalement sur une souche tombée, rapprochant Selena de moi sans qu’elle ne le réalise complètement. La proximité était subtile, mais elle suffisait à envoyer un message clair : je ne te laisserai pas tomber. Elle leva les yeux vers moi, et je lus dans son regard un mélange de crainte et de désir, une reconnaissance muette que ce lien entre nous était réel et puissant.

— Nous devrons avancer prudemment, murmurai-je enfin, brisant le silence sans pour autant le rompre complètement. La forêt est pleine de dangers, et tu n’es pas encore prête à affronter tout ce qui s’y cache. Mais je serai là. Toujours.

Elle hocha légèrement la tête, et je vis un souffle de soulagement dans ses yeux. Ce simple geste me fit comprendre que, malgré les risques, elle me faisait confiance. Et cette confiance était un trésor rare, plus précieux que tout ce que la meute pouvait offrir.

Alors que le vent se levait, soulevant les feuilles mortes et apportant avec lui le parfum humide des sous-bois, je sus que quelque chose approchait. Une présence que ni moi ni Selena ne pouvions ignorer. La tension monta d’un cran, et mon corps se tendit instinctivement. La forêt entière semblait retenir son souffle, et je compris que ce qui allait suivre testerait notre lien, notre courage et notre capacité à rester unis face au danger.

— Reste près de moi, pensais-je, chaque fibre de mon être concentrée sur elle. Peu importe ce qui arrive, nous affronterons cela ensemble.

Les ombres dans les arbres bougèrent, furtives et rapides. Je pouvais sentir l’énergie animale qui se déplaçait autour de nous, prête à frapper. Et pourtant, au milieu de cette menace invisible, je ne sentais aucune peur. Seulement une détermination profonde, celle d’un Alpha qui avait trouvé quelqu’un qu’il était prêt à protéger à tout prix.

— Rien ne te touchera, Selena, murmurais-je silencieusement, presque comme une prière. Pas tant que je serai là.

Et alors que la première silhouette d’un prédateur inconnu se détachait dans la brume, mes muscles se tendirent, prêts à agir. Mais ce n’était plus seulement pour moi, ni pour la meute. C’était pour elle. Pour elle seule. Et dans cet instant, j’acceptai pleinement le poids de ce rôle, le danger et le désir mêlés, sachant que notre lien venait de franchir une frontière invisible, irréversible et magnifique.

Le silence de la clairière fut brisé par un bruit sec, un craquement de branche sous le poids de l’inconnu. Mon souffle se fit plus rapide, mais ma voix intérieure restait calme. Selena était là, à quelques pas, et je pouvais sentir son énergie vibrer en moi, s’entrelacer avec la mienne. Et dans ce simple contact, non physique mais puissant, je compris que notre destin venait de s’entrelacer d’une manière qui dépasserait tous les obstacles.

Le monde extérieur pouvait être cruel et impitoyable. Les règles de la meute pouvaient être strictes et intransigeantes. Mais ici, dans cette clairière brumeuse, une chose était certaine : je n’avais jamais ressenti un lien aussi fort. Et peu importait ce qui allait arriver, je savais que je protégerais Selena jusqu’au dernier souffle, jusqu’à ce que nous puissions découvrir ensemble ce que cette rencontre interdite signifiait vraiment.

Puis, dans le silence pesant de la forêt, une présence plus menaçante encore se révéla. Mon regard se durcit. La prochaine seconde déciderait de tout.