LOGINÉloïse, qui était restée silencieuse jusque-là, s’agenouilla à ses côtés et prit doucement sa main. « Je comprends… » murmura-t-elle. Puis, son regard s’assombrit alors qu’elle jetait un coup d’œil vers la porte. « Et pourtant, ce soir, Ryse a laissé ses phéromones se diffuser. »
Elle tourna de nouveau son visage vers Nigel. « Tu vois ce que ça veut dire, n’est-ce pas ? » Nigel ne répondit pas tout de suite. Son esprit était encore embrumé, mais une chose était certaine : il ne pouvait pas rester près de Ryse. Pas après ce qu’il venait de ressentir. Et surtout pas si elle représentait une menace pour son équilibre fragile. Le silence s’était installé dans le salon, lourd et pesant. Lorsque madame Harris revint, elle était accompagnée de Nigel et d’Éloïse. Son visage, d’ordinaire si chaleureux, était fermé, marqué par l’inquiétude. Nigel, lui, semblait encore troublé. Son teint était légèrement pâle, et ses mâchoires étaient crispées comme s’il se battait intérieurement pour garder contenance. Ryse n’attendit pas de croiser leurs regards. Son cœur tambourinait violemment dans sa poitrine, ses pensées s’entrechoquaient sans ordre précis. Elle savait que quelque chose n’allait pas, que Nigel l’accusait probablement d’un acte qu’elle n’avait pas commis. Le malaise qui s’était installé depuis son retour, ce rejet viscéral… Elle n’avait pas les réponses, mais elle sentait le danger s’abattre sur elle comme un orage prêt à éclater. Alors, sans attendre que quelqu’un ne l’interpelle, elle s’éclipsa. Elle gravit rapidement les escaliers, le souffle court, et se réfugia dans sa chambre exiguë sous les combles. Une fois la porte refermée derrière elle, ses jambes la trahirent et elle s’adossa lourdement contre le bois, sa main tremblante pressée contre sa poitrine. Elle ne comprenait pas. Pourquoi Nigel avait-il réagi ainsi ? Pourquoi cet air horrifié ? Pourquoi cette fuite précipitée, comme si sa seule présence lui était insupportable ? Et surtout… pourquoi avait-elle ce sentiment écrasant de culpabilité, alors qu’elle n’avait rien fait ? Elle inspira profondément, tentant de calmer les battements erratiques de son cœur. Mais une seule pensée l’obsédait : Nigel la méprisait. Et ce soir venait de le confirmer. Ryse n’avait pas dormi de la nuit. Allongée sur son lit, les yeux fixés sur le plafond, elle n’avait cessé de ressasser la scène encore et encore. Chaque détail, chaque expression sur le visage de Nigel, chaque mot prononcé par Éloïse tournaient en boucle dans son esprit, comme un cauchemar dont elle ne pouvait se réveiller. Pourquoi ? Pourquoi avait-il réagi avec tant de rejet, tant de dégoût ? Elle savait qu’il avait changé après son départ, qu’il était devenu un homme différent, un alpha accompli, mais jamais elle n’aurait imaginé qu’il puisse la regarder avec autant d’hostilité. Elle était coupable de quoi, au juste ? D’être une oméga ? D’avoir existé dans le même espace que lui ? Le matin pointait à peine lorsque l’on frappa doucement à sa porte. Ryse sursauta légèrement, arrachée à ses pensées. Elle hésita un instant, son instinct lui dictant de ne pas répondre, de rester cachée dans son petit refuge. Mais la voix qui s’éleva derrière le battant la fit changer d’avis. « Ryse, c’est moi. » Madame Harris. Elle s’empressa de se lever et d’ouvrir la porte. La matriarche se tenait là, vêtue d’une robe élégante mais sobre, ses cheveux impeccablement coiffés malgré l’heure matinale. Son regard était doux, mais empreint d’une gravité qui fit se crisper l’estomac de Ryse. « Puis-je entrer ? » demanda-t-elle d’un ton bienveillant. Ryse acquiesça silencieusement et s’effaça pour la laisser passer. Madame Harris s’installa sur le bord du lit, observant un instant la petite chambre aux murs pâles. C’était une pièce modeste, loin du luxe du reste de la maison, mais elle était toujours impeccable, à l’image de Ryse. Un soupir traversa les lèvres de la femme avant qu’elle ne tourne de nouveau son attention vers elle. « Je suis venue te parler de ce qui s’est passé hier soir. » Ryse baissa les yeux, mal à l’aise. Elle s’attendait à des reproches, à une mise en garde, peut-être même à une décision drastique concernant sa place dans cette maison. Mais au lieu de cela, madame Harris posa une main douce sur la sienne. « Ce n’était pas ta faute, mon enfant. » Ryse releva brusquement la tête, les yeux écarquillés. « Mais… » « Chut. Laisse-moi parler. » Madame Harris eut un sourire triste avant de reprendre, sa voix empreinte d’une tendresse presque maternelle. « Tu n’as jamais été une oméga agressive. Je le sais. Tu as toujours su te contenir, même lorsque tu étais plus jeune. Mais hier soir… tes phéromones se sont échappées, n’est-ce pas ? » Ryse hocha la tête, troublée. « Je… Je ne comprends pas comment c’est arrivé. » La matriarche soupira légèrement. « C’est naturel, tu sais ? Un oméga ne peut pas toujours tout contrôler, surtout lorsqu’il est en présence d’un alpha qu’il connaît depuis longtemps. » Ryse détourna les yeux, mal à l’aise. « Sauf que Nigel ne m’a pas reconnue… » murmura-t-elle. Un silence s’installa. Puis, madame Harris reprit doucement : « Quand vous étiez petits… Il aimait ton odeur. » Ryse releva la tête, interdite. « Quoi ? » Un léger sourire nostalgique étira les lèvres de madame Harris. « Tu ne t’en souviens peut-être pas, mais Nigel passait son temps avec toi. Il te considérait presque comme une petite sœur. Quand ton corps a commencé à dégager des phéromones pour la première fois, il était curieux, intrigué. Il trouvait ton odeur réconfortante. » Ryse resta figée, incapable de dire quoi que ce soit. « J’ai pensé que ce serait pareil aujourd’hui », reprit madame Harris dans un murmure. « Que, même après toutes ces années, son instinct le guiderait vers toi, comme avant. » Mais ce n’était pas arrivé. Au lieu d’être attiré par elle, Nigel l’avait repoussée. Ryse sentit un poids s’installer sur sa poitrine. « Mais ce n’est plus le même Nigel », admit enfin madame Harris, son regard se voilant de tristesse. Elle serra légèrement la main de Ryse, comme pour s’excuser. « Quelque chose en lui a changé. Quelque chose que je ne comprends pas encore. Mais ce que je sais, c’est qu’il ne fallait pas que tes phéromones s’échappent ainsi. » Ryse sentit son estomac se nouer. « Je ne voulais pas… Je n’ai pas cherché à… » « Je le sais, ma chérie », l’interrompit doucement madame Harris. « Mais Nigel et Éloïse ne le voient pas ainsi. Ils pensent que tu l’as fait exprès. » Le cœur de Ryse rata un battement. Alors c’était donc ça. Ils l’accusaient vraiment. Elle baissa la tête, une vague de désespoir la submergeant. « Que… que vais-je faire ? » murmura-t-elle. Madame Harris la regarda longuement avant de se lever, lissant les plis de sa robe. « Pour l’instant, évite simplement Nigel. Laisse-lui du temps. » Puis, elle se dirigea vers la porte, mais avant de sortir, elle s’arrêta et se retourna une dernière fois. « Ne doute pas de toi, Ryse. Tu n’as rien fait de mal. » Et sur ces mots, elle s’en alla, laissant Ryse seule avec son tourment.Il y a quinze ans, j’étais perdue. J’ai blessé. J’ai détruit. Mais grâce à Ryse… grâce à Nigel… j’ai pu renaître. Aujourd’hui, je veux vous dire ceci : parfois, la douleur nous rend fous. Mais l’amour vrai, même abîmé, même rejeté, reste la seule chose capable de nous sauver. Merci de m’avoir aimée même quand je ne le méritais plus. » Ryse se leva et traversa la pièce. Elle prit Éloïse dans ses bras, et elles restèrent enlacées un long moment. Il y avait quelque chose de sacré dans ce pardon. Cette nuit-là, dans leur chambre, Ryse et Nigel s’allongèrent côte à côte. Dehors, les lampes du jardin illuminaient le visage endormi de la nature. Nigel caressa la joue de sa femme. « Tu te souviens de la première fois que je t’ai vue ? » « Tu étais pâle comme un linge, et tu as vomi à cause de mes phéromones », répondit-elle en souriant. Ils éclatèrent de rire. « On revient de loin, hein ? » dit-il, la gorge un peu nouée. « Très loin… Mais on est là. Ensemble. » Il se redressa l
Au rez-de-chaussée, Léonie organisait la logistique, heureuse comme rarement on l’avait vue. Même Éloïse, radieuse, l’aidait avec douceur. Depuis sa libération et son traitement, elle s’était reconstruite, et Charles et elle étaient désormais fiancés. Rygel, dix ans, courait dans la maison, tenant une boîte à alliances qu’il refusait de confier à quiconque. “Je dois les protéger ! Maman me l’a dit !”L’après-midi, le centre “L’Aurore Oméga” fut inauguré dans l’émotion générale. Une foule composée de femmes, d’enfants, d’anciens camarades, de soutiens politiques et de familles venues de tout le pays se tenait devant les portes du bâtiment. Ryse, main dans la main avec Nigel, prononça un discours bouleversant, racontant son propre parcours, sa résilience, et son rêve de bâtir un lieu où les Omégas pourraient se reconstruire, apprendre, guérir.“Ce centre est un symbole. Pas seulement de ma vie… mais de toutes nos vies. Celles qu’on a brisées, qu’on a ignorées, qu’on a méprisées. Il est
Tout le monde se figea. Ryse, surprise, acquiesça d’un petit signe de tête, l’air attentif. Nigel se redressa légèrement, prêt à intervenir si besoin, mais Éloïse le devança.— J’ai… j’ai longtemps cru que je devais me battre pour une vie qui ne me correspondait plus. J’ai fait des choses terribles. Et j’ai dit des choses encore pires. J’ai blessé des gens. Toi, Ryse… je t’ai humiliée, haïe, persécutée. Je t’ai vue comme un obstacle, alors que tu n’étais qu’une femme, amoureuse, perdue… tout comme moi.Ryse ne dit rien. Ses yeux s’étaient un peu embués, mais son expression restait calme.Éloïse continua, la voix un peu plus tremblante.— Je ne demande pas qu’on m’excuse. Je veux juste que tu saches que je suis profondément désolée. Pour tout. Et je suis heureuse que tu aies trouvé la paix avec Nigel, et avec toi-même. Tu la mérites. Et… merci de t’être battue pour ton fils. Pour votre famille.Un long silence suivit ses mots. Le genre de silence lourd, solennel, mais doux, presque sac
Lorsqu’ils atteignirent ensemble cet instant suspendu, où tout se tend avant d’exploser en lumière, Ryse se sentit fondre, submergée d’un bonheur trop grand, trop vaste, trop vrai. Elle enfouit son visage contre Nigel, incapable de retenir ses larmes.Il la garda dans ses bras, longtemps après. Aucun mot n’était nécessaire. Leurs corps parlaient pour eux. Leurs silences étaient des serments.Et dans le calme de cette nuit, ils savaient qu’ils avaient retrouvé le chemin. Ensemble.Le plateau était baigné d’une lumière chaude. Les caméras étaient déjà en place, l’équipe technique chuchotait derrière les moniteurs. Tout était prêt.Assise sur le fauteuil central, Ryse fixait le vide.Elle portait une robe sobre, crème, sans bijoux, les cheveux relevés. Pas pour séduire, pas pour impressionner. Pour se montrer telle qu’elle était : vraie, digne. Ses doigts tremblaient légèrement, mais son regard était solide. Derrière les rideaux du studio, Nigel attendait, le cœur battant.— On est en di
Elle baissa la tête. Une larme glissa le long de sa joue.— Je n’ai pas su m’arrêter. Je me suis laissée dévorer par la peur de te perdre. Par la honte… Tu m’as préférée parce qu’elle n’était pas disponible. Et quand elle est revenue… j’ai su. J’ai toujours su.Nigel hocha lentement la tête.— Et moi, je n’ai rien fait pour t’aider. Je n’ai rien fait pour te rassurer. Je t’ai laissé t’enfoncer. Et je ne t’ai même pas donné le respect de la vérité.Un silence.Puis Éloïse murmura :— Est-ce que tu l’aimes ? Ryse ?— Je l’aime plus que tout. Je crois que je l’ai toujours aimée. Mais… je ne t’en parle pas pour te faire du mal. Je te le dis parce que tu dois savoir que je suis enfin prêt à être honnête. Même si c’est trop tard.Elle releva les yeux vers lui. Il y avait une fatigue dans son regard, mais aussi une étrange paix.— Tu vas être père, encore une fois, dit-elle. Tu crois que tu feras mieux cette fois-ci ?— Je ne sais pas, répondit-il avec sincérité. Mais je vais essayer. Avec t
Un silence s’installa. Seuls les petits soupirs de Rygel, dans son sommeil, faisaient battre le cœur de la pièce.Léonie s’absenta pour aller chercher un baume antiseptique, mais avant de monter, elle posa une main sur l’épaule de son fils.— Tu sais ce que tu dois faire. Elle le regarda droit dans les yeux. Elle a besoin d’aide. Pas de chaînes.Nigel hocha la tête sans un mot.Peu après, il se leva, embrassa Rygel sur le front et embrassa doucement Ryse sur le sommet du crâne.— J’iai au commissariat demain Elle releva les yeux, confuse.— Pourquoi ?— Pour elle. Il soupira. Je vais demander à ce qu’on la libère. Pas parce qu’elle ne mérite pas de payer, mais parce qu’elle est malade, Ryse. Elle doit être soignée, pas enfermée comme une criminelle.Ryse n’opposa aucune objection. Elle savait que malgré tout, Éloïse avait aimé Nigel, à sa manière, et qu’elle avait juste perdu pied. Elle hocha la tête en silence, pendant que Nigel prenait sa veste et s’éloignait.Alors que la porte se







