Share

Chapitre 4

Author: dainamimboui
last update Last Updated: 2025-04-02 22:36:58

Le parquet grinça légèrement sous les pas légers de Ryse alors qu’elle descendait l’escalier de service menant aux cuisines. L’odeur du pain chaud et du café flottait déjà dans l’air, se mêlant aux effluves sucrés des confitures et à l’arôme plus prononcé des œufs en train de cuire.

Lorsqu’elle pénétra dans la grande cuisine animée, elle fut aussitôt accueillie par le brouhaha familier des servantes en plein travail. Mary, une femme aux joues rondes et au tablier couvert de farine, leva la tête en la voyant entrer.

« Ah, Ryse ! Tu arrives juste à temps. Attrape donc ce plateau et va poser les couverts sur la grande table. »

Ryse s’exécuta sans attendre, attrapant avec habileté le plateau rempli de vaisselle et de serviettes pliées.

« Alors, tu es excitée ? » lança subitement Lorna, une jeune servante aux cheveux bruns attachés en une tresse serrée.

Ryse se tourna vers elle, haussant un sourcil.

« Excitée par quoi ? »

Lorna roula des yeux en posant un panier de viennoiseries sur le comptoir.

Le bruit des couverts entrechoqués, le crépitement du beurre dans la poêle et l’odeur du café emplissaient la cuisine, créant une atmosphère familière et chaleureuse. Ryse s’affairait avec les autres servantes, déposant les couverts sur un plateau en bois poli.

« Alors, tu l’as vu ? » demanda soudain Lorna en lui jetant un regard en coin.

Ryse marqua une pause, relevant la tête vers son amie.

« Qui ça ? » fit-elle, feignant l’ignorance.

Lorna leva les yeux au ciel.

« Ne joue pas à ça avec moi, Ryse. Nigel, bien sûr ! Il est arrivé hier soir et tout le manoir est en ébullition depuis. »

Ryse serra discrètement les mains autour du plateau.

Elle n’avait pas eu l’occasion de vraiment le voir. Ou plutôt, elle n’avait pas osé. Après tout, Nigel ne lui avait accordé aucun regard, aucune attention, comme si elle n’existait pas. Alors, pourquoi devrait-elle être impatiente de le revoir ?

Oh, il est incroyablement séduisant ! » s’enthousiasma Anna en joignant ses mains sous son menton. « Grand, imposant… et son aura d’alpha est encore plus forte qu’avant. On sent son autorité rien qu’en entrant dans la même pièce que lui ! »

Ryse se força à sourire, mais elle se contenta de hocher la tête sans rien ajouter.

« Et sa fiancée, alors ? » demanda une autre servante.

Lorna poussa un soupir.

« Une vraie beauté. Brune, élégante, distinguée… Exactement ce qu’on attendrait d’une future dame de la maison. »

Anna acquiesça vivement.

« Elle est aussi très gentille. Elle a remercié chaque servante qui l’a aidée hier soir. »

Ryse n’avait pas besoin d’en entendre plus. Nigel était revenu, et il était accompagné d’une femme parfaite, digne de son rang. Cela ne la concernait en rien.

Alors pourquoi ce poids étrange s’installait-il dans sa poitrine ?

« Bon, assez bavardé ! » déclara Mary en tapant dans ses mains. « Ryse, apporte ce plateau dans la salle à manger avant que le café ne refroidisse. »

Ryse hocha la tête et s’exécuta, tâchant d’ignorer la curieuse sensation de malaise qui grandissait en elle.

Le plateau en équilibre dans ses mains, Ryse avança avec assurance dans la salle à manger principale. Le parquet ciré reflétait la lumière tamisée du matin, projetant des lueurs dorées sur les murs ornés de tableaux anciens.

Autour de la grande table en acajou, trois silhouettes étaient attablées : Madame Harris, digne et élégante dans sa robe bleu nuit, Nigel, dont la prestance imposante emplissait la pièce malgré son silence, et enfin Éloïse, dont le sourire léger contrastait avec l’aura de tension qui flottait autour d’eux.

Ryse inspira discrètement avant de s’approcher.

« Bonjour, Madame. Bonjour Monsieur Nigel, Mademoiselle Éloïse. »

Sa voix était calme, polie, exactement comme il se devait. Mais alors qu’elle déposait la théière devant Madame Harris, son regard glissa instinctivement vers Nigel. Il ne la regardait pas. Pas même un coup d’œil.

Il se contentait de fixer son assiette, la mâchoire contractée, comme si sa simple présence lui était insupportable.

Ryse ne laissa rien paraître et continua son service. Elle déposa une assiette de viennoiseries devant Éloïse, qui la remercia d’un sourire poli. Puis elle tendit la main vers Nigel pour remplir sa tasse de café.

C’est à ce moment-là qu’il éclata.

Un bruit sec résonna dans la salle lorsqu’il abattit brutalement son poing sur la table, faisant tressaillir les couverts.

« Je ne veux pas de ça ! » lâcha-t-il d’une voix tranchante.

Un silence de plomb s’abattit dans la pièce.

Madame Harris posa immédiatement sa tasse, un éclair d’autorité passant dans son regard.

« Nigel, que signifie cette attitude ? »

Mais Nigel l’ignora, se redressant brusquement sur sa chaise. Son regard brûlant se planta enfin dans celui de Ryse, mais ce n’était pas le regard d’un frère d’enfance, ni même d’un homme qui la considérait comme une domestique. C’était un regard de rejet pur.

« Je refuse qu’on m’impose une oméga dans ma vie ! » gronda-t-il. « Peu importe ce que disent les traditions, peu importe ce que ma famille attend de moi, je n’en veux pas. »

Ryse sentit son cœur se serrer dans sa poitrine, mais elle garda la tête baissée.

« Nigel… » tenta Madame Harris, visiblement contrariée.

Mais il n’était pas prêt à s’arrêter.

Il se tourna vers Éloïse et attrapa sa main avec fermeté.

« J’aime Éloïse, qu’elle soit une bêta ou non. Elle est la seule femme que je veux à mes côtés. »

Ryse ne bougea pas, se contentant de fixer le liquide ambré qui tremblait dans la tasse à cause de la tension dans l’air.

Elle n’avait jamais demandé à être impliquée dans cette histoire. Jamais souhaité que son statut d’oméga devienne un problème. Pourtant, elle était là, forcée d’encaisser chaque mot, chaque rejet, sans avoir le droit de répondre.

Madame Harris soupira longuement, posant ses mains sur la table avec calme.

« Personne ne t’impose quoi que ce soit, Nigel. Mais ta réaction est excessive. »

« Excessive ?! » Il la regarda avec incrédulité. « Tu sais ce que je ressens pour les omégas. Je refuse de revivre ça ! »

Un frisson parcourut Ryse.

Revivre quoi ?

Mais elle n’osait pas poser la question.

Au lieu de cela, elle fit ce qu’elle savait faire de mieux : elle s’inclina légèrement et recula, prenant soin de ne faire aucun bruit en quittant la pièce.

Elle n’avait rien à faire ici. Rien à dire.

Et Nigel venait de le lui rappeler avec une brutalité implacable.

Le silence qui suivit les paroles de Nigel était pesant, presque étouffant.

Personne ne bougeait, pas même Ryse, qui se tenait toujours droite, les mains crispées autour du plateau. Mais l’instant suivant, Nigel repoussa bruyamment sa chaise et se leva d’un geste sec.

Sans un regard pour personne, il quitta la pièce à grands pas, la tension vibrante encore visible dans la raideur de ses épaules.

« Nigel, attends ! » s’exclama Éloïse, se levant précipitamment pour le suivre.

Elle lança un regard désolé à Madame Harris avant de disparaître à son tour, laissant derrière elle l’odeur subtile de son parfum floral.

Ryse, quant à elle, sentit une étrange chaleur monter dans sa poitrine. Une colère sourde ? Une douleur qu’elle ne voulait pas nommer ? Elle ne savait pas. Tout ce qu’elle savait, c’était qu’elle voulait partir, quitter cette pièce où elle n’était qu’une oméga méprisée.

Elle allait tourner les talons lorsqu’une voix l’arrêta.

« Ryse, viens t’asseoir. »

C’était Madame Harris.

Il y avait dans son ton une autorité douce, mais indiscutable.

Continue to read this book for free
Scan code to download App

Latest chapter

  • Le parfum de l’omega    Chapitre 55

    Et au premier étage, dans une chambre lumineuse décorée de tons bleus et blancs, le petit Rygel remuait dans son sommeil, loin de tout ce tumulte d’adultes. Il ne savait pas encore qu’il venait d’être arraché à l’amour pur d’une mère, qu’il était devenu l’enjeu d’un combat silencieux, entre amour, douleur, possession et regrets.Une semaine s’était écoulée depuis l’arrivée de Rygel chez Nigel. Une semaine faite de silences tendus, de routines imparfaites et de pleurs trop longs la nuit. L’enfant, autrefois paisible dans les bras de sa mère, s’agitait, pleurait sans cesse, refusait de s’alimenter correctement. L’infirmière Brigitte, qui avait veillé sur lui avec tout le professionnalisme qu’on attendait d’elle, commençait à s’inquiéter.Ce matin-là, Rygel avait vomi deux fois et s’était mis à gémir sans relâche. Brigitte posa sa main sur son front moite, fronça les sourcils, et le berça tout doucement. Malgré ses gestes tendres, le petit continuait de pleurer, de hurler, jusqu’à s’endo

  • Le parfum de l’omega    Chapitre 54

    La salle d’audience était froide, silencieuse, presque irréelle. Chaque banc occupé semblait porter le poids d’un drame que personne n’osait nommer. D’un côté, Nigel, vêtu de noir comme s’il était venu enterrer quelque chose — ou quelqu’un. À ses côtés, Éloïse, droite et calme, jouant parfaitement le rôle de la compagne dévouée. En face, Ryse, fragile silhouette dans une robe beige trop large, les traits tirés par les nuits sans sommeil, les cernes creusant son regard brisé. À sa droite, Charles, droit, ferme, les mains serrées sur son dossier, prêt à tout pour défendre Ryse. Plus loin, Léonie, silencieuse, venue en observatrice mais incapable de rester indifférente. Le juge, une femme dans la cinquantaine au visage sévère, feuilletait les documents d’une main rapide. — Madame Ryse Harris, Monsieur Nikola Nigel Harris Après étude du dossier, auditions des deux parties et considérations des preuves fournies, nous allons statuer sur la garde de l’enfant, Nikola-Rygel Harris. Un si

  • Le parfum de l’omega    Chapitre 53

    Nigel la fixa un moment, puis soupira longuement. Il s’avança de quelques pas et, sans un mot, laissa ses phéromones se libérer dans l’air.Ryse sentit l’atmosphère s’alourdir d’un coup. Une vague invisible s’insinua dans son esprit, chaude, étouffante, irrésistible. Ses pupilles se dilatèrent, son cœur s’affola. Son esprit, déjà fatigué par les nuits sans sommeil, se retrouva envahi par cette présence dominante, impérieuse.— Nigel, murmura-t-elle, la voix brisée. Arrête… s’il te plaît… pas ça…Mais il ne répondit rien.Il s’assit face à elle, les yeux rivés aux siens, et appuya doucement le stylo dans sa main.— Signe.Elle tenta de résister, de se lever, de fuir cette sensation envahissante. Mais ses jambes ne répondaient plus. Sa volonté flanchait, noyée sous cette pression olfactive qui brouillait ses pensées. Dans un geste mécanique, elle abaissa la plume et signa. Trois fois.Une larme roula sur sa joue.Nigel reprit aussitôt les feuilles, les rangea dans sa sacoche sans un mot

  • Le parfum de l’omega    Chapitre 52

    Le soleil s’élevait à peine dans le ciel que Léonie se trouvait déjà dans son bureau, les mains jointes sous son menton, le regard fixe sur l’écran de son téléphone. La conversation qu’elle s’apprêtait à avoir n’était pas banale. Elle le savait. Mais elle n’en pouvait plus de rester les bras croisés.Elle inspira profondément avant de composer le numéro de son fils.Il décrocha au bout de quelques sonneries, la voix un peu sèche, à peine réveillée.— Maman ? Tout va bien ?— Non, Nigel. Rien ne va. Il faut qu’on parle.Un silence. Puis un soupir.— Je suppose que ça a à voir avec Ryse.— Bien évidemment. Elle m’a tout dit. Tu veux lui prendre son enfant, l’arracher à elle comme s’il s’agissait d’un objet ! Tu as perdu l’esprit ?Nigel resta un moment silencieux avant de répondre avec une étonnante froideur :— Je n’ai pas perdu l’esprit. C’est justement parce que je sais ce que je fais que je prends cette décision. C’est la meilleure chose à faire.— Meilleure pour qui ? Pour toi ? Po

  • Le parfum de l’omega    Chapitre 51

    Elle hésita, puis lui tendit son fils, les mains tremblantes. Elle alla s’asseoir dans le canapé pendant que Charles berçait le petit.— Il a les yeux de sa mère, dit-il doucement. Et son cœur aussi, j’espère…Ryse enfouit son visage entre ses mains, secouée par des sanglots silencieux.— Je ne veux pas qu’il me l’enlève, Charles. Il n’a jamais voulu de lui. Il a été cruel, froid, absent. Et maintenant, il vient me le voler. Comme si j’étais incapable. Comme si j’étais… rien.Charles la rejoignit sur le canapé, toujours tenant Rygel contre lui, et la regarda avec une intensité calme.— Écoute-moi bien. Tu n’es pas rien, Ryse. Tu es sa mère. Tu as tout sacrifié pour cet enfant. Tu l’as porté. Tu l’as aimé. Tu continues à te battre seule, chaque jour. Ce que Nigel fait… c’est lâche. C’est une tentative désespérée de contrôle. Mais il ne gagnera pas.Elle releva les yeux, pleins d’espoir mêlé à la peur.— Tu peux m’aider ?— Je vais tout faire pour, répondit-il d’un ton résolu. Je vais c

  • Le parfum de l’omega    Chapitre 50

    grande villa de Nigel baignait dans un silence paisible, brisé par les bruits de marteaux, de perceuses et de cartons qu’on ouvrait à la hâte. Dans une des pièces du deuxième étage, une armée de décorateurs installait ce qui serait bientôt la chambre de Nikola-Rygel.Éloïse tournait sur elle-même, observant chaque détail : les murs bleu pastel ornés de petits nuages en relief, le grand berceau blanc laqué, les meubles adaptés à la taille d’un nourrisson. Il y avait des peluches dans un coin, des vêtements pliés sur une commode, et un tapis moelleux en forme d’ours.Elle souriait de toutes ses dents, heureuse, presque euphorique.— C’est parfait, murmura-t-elle. Vraiment parfait.Nigel, appuyé contre l’encadrement de la porte, observait la scène sans dire un mot. Il n’avait pas participé aux choix de la décoration. Tout avait été confié à Éloïse, qui s’en était donné à cœur joie.— Tu vois, dit-elle en se retournant vers lui, tu n’avais pas à t’inquiéter. Rygel sera bien ici. Je me su

More Chapters
Explore and read good novels for free
Free access to a vast number of good novels on GoodNovel app. Download the books you like and read anywhere & anytime.
Read books for free on the app
SCAN CODE TO READ ON APP
DMCA.com Protection Status