Chapitre 75 : Les murs tombentMalikLe matin s’installe doucement, et la lumière dorée du soleil glisse sur les murs de l’appartement, projetant des ombres douces et mouvantes sur le parquet usé. Pourtant, malgré cette clarté paisible, un poids nouveau et lourd s’enfonce dans ma poitrine. Hier soir, dans ce silence partagé, j’ai cru qu’on avançait, qu’on bâtissait quelque chose de solide et durable. Mais la réalité, implacable et brutale, revient toujours me rappeler que rien n’est jamais acquis.Je reste immobile, observant Awa s’activer dans la cuisine. Ses gestes sont précis, presque mécaniques, mais je perçois la nervosité dans la façon dont ses mains tremblent légèrement. Elle évite systématiquement mon regard, comme si elle cherchait à fuir une vérité qu’elle ne veut pas encore affronter. Un mur invisible s’est dressé entre nous, plus dur à franchir que tous les silences du monde.Je décide de ne pas la brusquer. Pas aujourd’hui. Je me contente de m’asseoir sur le bord du canap
Chapitre 74 : Fragments d’intimitéAwaLa lumière douce du matin filtre à travers les rideaux de la chambre, dessinant des motifs d’ombre et de clarté sur les draps froissés. Je reste immobile sur le dos, incapable de détacher mes yeux de Malik. Sa respiration est calme, régulière, comme une berceuse secrète qui m’apaise. Je pourrais rester ainsi des heures, à simplement le regarder, essayer de lire dans ses traits ce qu’il ne dit pas.Son visage paisible cache la bataille qu’il mène chaque jour. Je connais ces silences lourds, ces démons qui le hantent quand il pense être seul. Moi aussi, j’ai ces ombres. Pourtant, ce matin, il y a quelque chose de différent. Quelque chose de fragile, d’intime, qui commence à percer la carapace que j’ai mise autour de mon cœur.Je tends lentement la main, la peur au ventre, le doute en filigrane. Mes doigts effleurent sa joue, une caresse légère, presque incertaine, mais chargée d’une promesse muette. Malik ouvre les yeux, surpris, puis son regard se
Chapitre 73 : Ce qu’on écrit pour survivreAwaJe n’ai jamais écrit autant que ces derniers jours. Des lettres, des pensées, des éclats de mémoire. C’est devenu une nécessité, un besoin vital. Comme respirer. Comme manger. Comme pleurer.J’ai toujours cru que les mots pouvaient sauver. Mais je ne savais pas qu’ils pouvaient aussi recoudre. Lentement. Patience après patience. Douleur après douleur.La lettre que j’ai donnée à Malik, je n’ose plus y penser. Je ne me rappelle même pas tout ce que j’ai écrit. Juste que c’était brut. Nu. Vrai.Aujourd’hui, j’écris encore. Mais pas pour lui. Pour moi.> « À celle que j’étais…Je te pardonne.Je pardonne ton silence, ta peur, ta fuite.Tu n’étais pas lâche. Tu étais brisée.Tu faisais ce que tu pouvais pour rester debout. »Je pleure doucement en griffonnant. Ce ne sont pas des larmes de désespoir. C’est un nettoyage. Une pluie nécessaire.Quand j’arrive à la dernière ligne, je me rends compte qu’il fait nuit. Je suis restée enfermée dans ma
Chapitre 72 : Ce qu’on ne dit pas, mais qui pèseAwaLa nuit a été calme. Trop calme. Pas de cauchemars. Pas de souvenirs agressifs. Juste ce vide étrange après la tempête. Ce silence intérieur qui ne ressemble ni à la paix ni à l’oubli.Je me lève avant l’aube. Le ciel est encore noir, percé de quelques étoiles récalcitrantes. Dans la cuisine, je prépare du café, même si je sais que mon estomac n’en veut pas. Le geste me rassure. Le parfum me rappelle une autre version de moi. Une femme qui croyait encore pouvoir contrôler le chaos. Une femme qui vivait, pas qui survivait.Je m’assois en silence et j’écoute le monde qui respire. Les coqs. Le vent. Les premiers pas dans la ruelle. Et puis, sa voix.— Tu n’as pas dormi ?Je lève les yeux. Malik. Il est adossé à la porte, torse nu, les cheveux en bataille. Il a l’air d’un homme arraché à ses rêves. Et je me surprends à me demander si j’y étais, dans ces rêves-là.— Si, un peu. Pas mal, même. Toi ?Il hausse les épaules, s’approche et s’
Chapitre 71 : Ce qu’on bâtit avec les ruinesAwaLe matin se lève sur un ciel laiteux, pâle comme un linge qu’on aurait trop lavé. Je cligne des yeux, engourdie par une nuit hachée, et je le vois. Il est là.Malik dort sur le sol, roulé dans une couverture fine, le dos tourné vers moi, mais la tête légèrement tournée dans ma direction. Comme s’il restait en veille même dans son sommeil.Son souffle est calme. Régulier. Il respire comme un homme qui n’a pas connu les chaînes. Ou alors, comme un homme qui les a brisées depuis longtemps.Moi, je les entends encore, ces chaînes invisibles. Chaque nuit.J’ai fait un cauchemar. Encore. Kévin était dans la maison. Pas bruyant, pas violent. Pire : silencieux, ancré, avec ce sourire carnassier. Celui qui disait : Tu ne t’échapperas jamais.Mais cette nuit, je ne me suis pas levée en sursaut. Je ne suis pas restée paralysée. Je n’ai pas eu envie de hurler. J’ai juste tourné la tête. J’ai regardé Malik dormir. Et j’ai écouté son souffle. Son sou
Chapitre 70 : Quand le silence respire encoreAwaLes jours avancent. Mais la nuit, tout revient. Les mots de Kévin. Ses gestes. Ce qu’il a détruit. Ce qu’il a éveillé aussi. Il m’a volé bien plus que du temps. Il m’a volé la certitude d’être moi.Et pourtant, chaque matin, je me lève. Je noue mon foulard. Je m’assieds au bord du lit. Et j’écoute. Mon cœur. Mes pensées. Je ne me fuis plus.Je recommence à soigner. Avec Malik. Il reste toujours en retrait, me laissant la place. C’est étrange, cette douceur. Elle me déstabilise. Il ne me brusque pas. Il ne s’impose pas. Il m’apprivoise.Un matin, je suis en train de trier des feuilles de baobab sèches lorsqu’il entre, une grande natte roulée sur l’épaule.— On va s’asseoir dehors, propose-t-il. Le soleil est bon aujourd’hui.Je le regarde sans répondre, les doigts encore couverts de poudre verte. Il sourit.— Tu peux continuer ton tri là-bas. Je ne veux pas t’enlever à ton monde.Et il pose la natte à l’ombre du manguier. Il ne dit plus