Des semaines plus tard.
Je broyais du noir. J’étais anéantie. Je venais de toucher le fond une énième fois, mais cette fois-ci je ne m’en relèverais sûrement pas. Tout s’écroulait autour de moi et maintenant je devais vivre avec cette réalité. Aucun appel de Bryan. Aucune tentative de sa part. Je me résignai à accepter la vérité. Il était mieux sans moi et je devais l’accepter. Cette pensée me transperça le cœur. Je me sentais mourir à petit feu. Toute seule dans cet appartement, Carine se laissa aller aux larmes et à la tristesse. Un deuxième coup de poignard qui changea à présent tout dans sa vie. Les journées sombres se succédaient et Carine se battait du mieux qu’elle le pouvait. Elle se battait pour survivre. Plusieurs mois plus tard... — Carine, j’ai essayé de te comprendre mais tu dois lui dire toute la vérité. Bryan doit savoir ce qui se passe et connaître pour... — Ça suffit Lise. Bryan ne saura pas, ni pour l’un ni pour l’autre, du moins pas comme ça. Lise la regardait attristée. Elle tenait fermement la main de son amie. Carine toussa légèrement tout en se redressant sur son lit. Elle passait désormais ses journées couchée et son amie l’accompagnait dans ces moments difficiles. — Attends, je t’aide, s’interposa Lise qui l’aida à se redresser. — Lise, promets-moi que tu ne lui diras rien. Jusqu’à ce que je ne sois... Lise s’empressa de porter sa main à sa bouche et lui fit un signe de protestation de la tête, ses yeux devenant brillants d’émotion. D’une voix fatiguée, Carine insista de nouveau. — Lise, promets-le-moi s’il te plaît. Je ne veux la pitié de personne, encore moins celle de Bryan. Ses yeux embués, Lise se rapprocha de son amie et la serra dans ses bras de toutes ses forces. — Je t’en fais la promesse Carine. Promets-moi de te battre. Bats-toi pour cette nouvelle vie. Bats-toi mon amie, bats-toi... Deux ans plus tard. Tous vêtus de noir, Lise et ses quelques amis présents l’accompagnaient dans sa dernière demeure. Carine était décédée, emportant avec elle son amour pour Bryan. Au loin, Bryan avançait, ses yeux rougis par la tristesse, sa gorge serrée, ses mains tremblantes et son souffle coupé. Il n’en croyait pas ses yeux. Des années sans nouvelle, et la seule nouvelle qu’il recevait, c’était le décès de celle qui partageait autrefois sa vie. Il peinait à marcher, chacun de ses pas semblait porter un lourd fardeau. Il marchait puis s’arrêtait. Il regardait autour de lui, troublé. Ça ne peut pas être vrai. Carine ne peut pas être morte... pensait-il, dévasté. Son cœur battait violemment dans sa poitrine. Ses jambes cédaient presque sous son poids. L’air manquait, comme si chaque respiration lui arrachait un morceau de vie. La douleur lui brûlait l’âme. Il sentait qu’un gouffre sans fond s’ouvrait en lui. La cérémonie funèbre continuait son cours. Et aux dernières paroles du curé, tout le monde se dispersa, laissant Lise une dernière fois face à son amie endormie à tout jamais. — Carine, comment allons-nous vivre sans toi ? se lamentait-elle, les yeux embués de larmes. Elle s’agenouilla face au cercueil, posant sa tête contre le bois glacé. Elle pleurait à chaudes larmes. — Carine..., va et repose-toi ma belle. Tu le mérites... Bryan se rapprochait, sa main portée à sa bouche. Il n’en croyait pas ses yeux. Il avançait tout doucement. Derrière Lise, il vit le cercueil. Incapable de se retenir, il s’agenouilla et poussa un cri déchirant. — CARINEEE !!! Lise se retourna instinctivement et le vit agenouillé, replié sur lui-même. Elle se leva en essuyant ses larmes d’un geste rapide. Tout à coup, ses sourcils se froncèrent et sa mâchoire se resserra. Elle s’avança vers lui, poings serrés. — Arrête de verser tes larmes, tu ne le mérites même pas ! Tu as vu ce que tu devais voir. Maintenant, tu dois t’en aller Bryan. Va-t’en, va rejoindre ta famille et donne-leur tout cet amour que tu as cessé de ressentir pour Carine ! s’écria-t-elle avec une colère perceptible dans sa voix. Lise s’en alla et le laissa là, face à la dépouille de son ex-femme. Lise Je ressentais une colère du plus profond de mon cœur. Carine était ma meilleure amie et la voir aujourd’hui décédée, prête à être mise sous terre, me détruisait. J’avais perdu une sœur, mais elle m’avait fait confiance. Je devais me battre pour nous. Elle m’avait laissée ce qui comptait le plus pour elle, je devais être forte pour nous toutes. Bryan était comme un frère pour moi, mais il avait très bien fini par passer à autre chose. Il avait cessé d’espérer et il s’en était allé, emportant avec lui cet amour qu’ils ressentaient l’un pour l’autre. Je ne lui pardonnerai peut-être pas. Bryan Je n’arrivais pas à croire ce que je voyais. Carine, mon amour... Tu me laissais avec tant de questions sans réponses. Que t’était-il arrivé ? Comment une telle chose avait pu t’arriver ? Toi qui étais si pleine de vie... Comment ? Pourquoi toi ? Mon cœur criait de douleur. Chaque souvenir de toi me transperçait comme une lame. Ton rire résonnait encore dans ma tête, mais maintenant il n’était qu’un écho qui me détruisait. J’avais l’impression qu’on m’avait arraché tout ce que j’avais de plus précieux. Je te revoyais, tes yeux brillants, ton sourire tendre. Et maintenant, il ne restait plus que ce silence étouffant, ce vide qui m’écrasait. Comment pourrais-je faire face à tout ça Carine ? Comment ?... Je pleurais à chaudes larmes, incapable de me retenir. Je savais que c’était la fin. Je ne te reverrais plus jamais. Il était très tard lorsqu’il arriva chez lui, soûl à mort. (DRINNGGGGG !!!) — Cathy, ou..vre-moi !!! hurla-t-il, à peine équilibré. Cette dernière s’empressa d’ouvrir la porte, l’inquiétude se lisant sur son visage. — Mais où étais-tu donc Bryan ? J’étais très inquiète ! Mais... mais qu’est-ce qui t’arrive ? Tu es soûl Bryan ?!!! Mais qu’est-ce qui se passe ?! s’exclama-t-elle, un brin de colère et d’étonnement dans la voix. — Rorhhggg ! Laisse-moi rentrer ! Il l’écarta face à lui, marchant difficilement. Il se jeta sur le canapé une fois au salon. Cathy, stupéfaite, se rapprocha de lui. — Qu’est-ce qui t’arrive Bryan ? Je ne t’ai jamais vu dans cet état. Où étais-tu ? Il se débattait contre la fatigue liée à la boisson. — Je... je l’ai vue... j’ai... Carine..., se débattait-il sous l’emprise de l’alcool. Cathy plissa les yeux. — Carine ? Ton ex-femme ?! — Carine, ma femme... Ma femme Carine n’est plus. Elle est morte !!! s’effondra-t-il en pleurs. Cathy sursauta, ses yeux s’écarquillèrent d’étonnement. — Viens Bryan... Lève-toi. Tu dois te reposer. Elle s’approcha de lui et l’aida à se lever. — Non lâche-moi... Laisse-moi ici tout seul... protesta-t-il malgré la fatigue. — Allons-y Bryan ! Tu dois te reposer ! insista-t-elle en l’aidant à s’accrocher à elle. Alors qu’ils avançaient tout doucement vers leur chambre, une petite voix toute douce se fit entendre dans la chambre du fond. — Ma-man... Ma-man ! — Bryan, fais un effort ! À cause de toi, la petite vient de se réveiller ! — La petite... Notre petite fille, à toi et moi... vient... ça ?! divaguait-il. Il se mit à pousser de légers rires. — Carine et moi voulions avoir une petite fille... On s’aimait et notre fille devait s’appeler Alice... Mais nous n’avons jamais pu avoir cette fille et maintenant... elle est morte Cathy... — Un effort Bryan..., déclara-t-elle. Elle ouvrit la porte de sa chambre et l’y coucha sur le lit. — Maintenant essaye de te calmer Bryan... Je vais voir la petite. Tu as sûrement dû l’effrayer. On n’entend plus que ça dans toute la baraque ! lança-t-elle avant de sortir. Bryan resta immobile sur le lit, se laissant aller à la fatigue. Alors qu’il s’endormait progressivement, des larmes s’échappaient tout de même de ses yeux. Lise Face à elle, une boîte était déposée. À côté, un portrait d’elle et de Carine, toutes deux souriantes. Elle récupéra la boîte, la contempla un moment entre ses mains avant de braquer ses yeux sur le portrait. — Carine, tu savais que ce moment arriverait. Cette boîte contient les souvenirs de tous tes derniers instants. Tu as voulu que je la lui remette à ce moment précis. Bien... je le ferai. Mais je l’empêcherai de prendre ce qui compte le plus pour toi.Plusieurs années plus tôt,— Oh chérie, j’ai vu Cathy aujourd’hui au marché, dit Carine en apprêtant le dîner.— T’en es certaine chérie ? Aux dernières nouvelles, elle est censée rentrer de ses vacances le week-end prochain, répondit Bryan, tout en regardant la télévision.Carine plissa légèrement les yeux.— Chéri, le dîner est prêt, annonça-t-elle.Elle s’avança vers la table dressée de couverts et y déposa la première partie du repas.Bryan se leva aussitôt du canapé, son visage illuminé d’un sourire tendre et affectueux.— Mais chérie, ça sent tellement bon, dit-il en se rapprochant d’elle.Il l’embrassa tendrement et les deux s’échangèrent un regard amoureux.— Tu sais que je t’aime de tout mon cœur, murmura Carine.— Moi encore plus. T’es l’amour de ma vie et je ne t’échangerais pour rien au monde, répondit Bryan qui l’embrassa une nouvelle fois.— Maintenant, asseyons-nous, le dîner risque de refroidir Bryan, le repoussa-t-elle tout doucement.Bryan ne détourna pas son regard
Le poing de Bryan se serra plus fort encore. Son visage était marqué par la colère et une profonde tristesse. Son regard assombri ne fixait que cette lettre qui venait de lui révéler cette désillusion qu’a ressentie Carine en le voyant avec une autre femme.Sa gorge et sa mâchoire se resserraient, ses yeux avaient déjà bien rougi à force de pleurer.Au fond de lui, quelque chose s’était brisé. Et à cause de lui, Carine n’avait pas pu être comblée jusqu’à ses derniers jours.Brusquement, il se leva de son siège, plia les lettres et les remit dans le coffret. Cette fois-ci, il ne la rangea pas dans le tiroir. Il la couvrit de sa veste et s’en alla.Lise referma tout doucement la porte de sa chambre. Une fois dehors, ses yeux brillaient et, d’un revers de la main, elle nettoya les larmes qui s’apprêtaient à sortir.Puis, elle descendit jusqu’au salon, s’asseyant face à son ordinateur afin de se plonger dans le travail. Elle se passa nerveusement les mains sur ses cheveux. Ensuite, elle s
Le temps s’était suspendu pour Bryan.Il n’aurait jamais pensé que son désir d’être père allait l’éloigner à tout jamais de Carine.Subitement, il releva la tête. Ses larmes coulèrent sur cette deuxième lettre qu’il tenait fermement.Une deuxième lettre, une deuxième confession et un deuxième coup qu’il recevait en plein cœur.Sa main s’avança vers cette boîte qu’il effleurait du bout des doigts. Ils tremblaient, mais ils avançaient tout de même vers le coffre.Il sortit la troisième lettre, soigneusement rangée avec toutes les autres.BryanCe que je ressens en ce moment précis est indescriptible... Elle attendait que je revienne mais je ne suis pas revenu vers elle.Il ferma les yeux, sa respiration s’accéléra.Je ne l’ai pas fait parce que j’avais arrêté de la voir comme une compagne de vie, une amie... Mais je la regardais désormais comme cette femme qui devait donner naissance à mes enfants.Il se passa les deux mains sur le visage, tremblant.Je l’avais cloîtrée à ce rôle, oubli
Tout comme avec la première, cette deuxième lettre lui transperça le cœur dès le début.Bryan avait les mains qui tremblaient, son regard s’était intensifié sur chaque mot, chaque phrase de Carine.Mais ses mains continuaient à tenir ce format ; tenir pour ne pas le laisser tomber. Tenir pour ne pas la laisser tomber une seconde fois.Cette deuxième lettre était un autre bout de Carine qui lui était destiné.Il se devait de la lire, peu importe si ça le mettait au pied du mur, à l’exposition de ses manquements en tant que mari.Une année et quelques mois plus tôt,Lise lui tenait la main tendrement; elle tenait à rester près de son amie. Elle ne voulait pas la laisser vivre tout cela toute seule. C’était son combat mais leur amitié faisait que ce soit leur combat.Elle la regardait tendrement, se forçant de ne pas pleurer. Sa promesse de toujours garder son sourire ne devait pas être rompue.Sous ses yeux, Carine tenait de son autre main ce stylo qui lui permettait d’écrire ce que son
Finalement, il ne parvint pas à l’ouvrir. Bryan referma le tiroir et se leva aussitôt de son siège. Il prit sa veste accrochée et s’en alla de son garage.Le regard assombri, les mains dans les poches et la tête légèrement baissée, Bryan marchait dans la rue comme un fantôme errant empli d’une grande souffrance. Chaque pas qu’il faisait semblait lourd, lourd de remords. Il marchait sans regarder autour de lui. Ses yeux étaient figés droit devant lui comme s’il se refusait de repartir vers cette réalité qui le hantait à présent.Il termina sa marche dans un parc. Il arpenta l’allée menant à un banc public. Lorsqu’il s’assit, les bruits des cris d’enfants le saisirent. Ses yeux baissés se levèrent en direction de ces cris qui devenaient de plus en plus importants.Le jardin était envahi d’enfants qui s’amusaient. Leurs rires, cette innocence dans leurs regards, cette joie de vivre lui arrachèrent, le temps de quelques instants, un léger sourire.Vint le moment où ces enfants furent appe
Il y a un an et quelques mois...— Lise, s’il te plaît, rapporte-moi quelques formats, dit Carine.— Des formats ? Pourquoi faire ? demanda-t-elle, intriguée par cette demande si soudaine.Carine se redressa sur son lit et se pencha vers son chevet. Elle en sortit un support et un stylo.— Je vais mettre tout ce que je ressens sur ces formats. Et après que je ne sois plus...Elle s’arrêta un moment.— Tu les remettras à Bryan pour moi s'il te plait, termina-t-elle.Lise s’avança, les yeux mouillés, vers son amie et lui tint la main.— Ne dis pas ça Carine, tout se passera bien. Tu dois te battre. Tu dois te battre pour nous, s’il te plaît, lui dit-elle, émue aux larmes.Carine lui sourit tendrement, posa sa main sur le bas de ses yeux et essuya les larmes qui montaient à la surface.— Lise, mon amie. Je ne veux pas te voir triste. Je veux garder jusqu’à la fin le souvenir de ce sourire qui illumine à chaque fois ton visage. S’il te plaît, fais-moi le plaisir de ne plus l’enlever, décl