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Chapitre 6: Jeux d'ombres

Author: Clara Wynter
last update Last Updated: 2025-07-24 18:06:23

Le calme précaire de l’appartement de Livia fut rompu par un souffle glacé qui fit frissonner sa nuque. Depuis l’incident de la voiture sabotée, elle tentait de reprendre une vie normale, mais la sensation d’être épiée s’accrochait à elle comme une seconde peau. Chaque ombre, chaque craquement du parquet, lui semblait chargé de menace.

Elle s’adossa à la fenêtre et observa la rue déserte en contrebas. Le réverbère diffusait une lumière jaunâtre, et elle eut l’impression qu’un mouvement furtif venait de s’effacer derrière une voiture garée. Ses mains se crispèrent sur le rebord de la vitre. Calme-toi, Livia. Tu deviens paranoïaque.

En arrivant au bureau le lendemain matin, elle sentit immédiatement la lourdeur de l’ambiance. Des conversations s’interrompirent à son passage. Céline, comme à son habitude, l’attendait de pied ferme, perchée sur ses talons aiguilles, un sourire satisfait étirant ses lèvres carminées.

— Vous êtes en retard, Moreau, lança-t-elle d’un ton mielleux mais acéré. Vous croyez peut-être que la proximité avec Monsieur Valcourt vous autorise tout ?

— Non, madame, répondit Livia en se forçant à rester calme.

— Hm. Voyons combien de temps vous tiendrez…

Les humiliations de Céline étaient devenues quotidiennes. Elle s’arrangeait pour isoler Livia du reste de l’équipe, lui refusait l’accès à des dossiers cruciaux et la chargeait de tâches ingrates. Certaines collègues se contentaient de détourner le regard, d’autres la suivaient d’un ricanement à peine voilé.

À plusieurs reprises dans la journée, Livia remarqua un homme brun, grand et massif, en costume sombre. Elle le vit dans le hall, puis dans le café en bas de l’immeuble. Ses yeux semblaient capter chaque mouvement. Était-ce un inconnu… ou un protecteur ?

Le soir venu, Livia s’effondra sur son canapé, épuisée. Le vibreur de son téléphone la fit sursauter. Un nouveau message anonyme clignotait sur l’écran :

“Il n’est pas celui que tu crois. Renseigne-toi sur la mort de ta mère.”

Elle sentit le sang quitter son visage. Sa mère… Son cœur se serra. La douleur vive et ancienne la frappa de plein fouet, ramenant à la surface des souvenirs qu’elle avait tenté d’enfouir.

Cette nuit-là, elle dormit mal. Les échos d’un passé douloureux s’imposaient à elle. Elle revit la petite fille qu’elle était, recroquevillée sous la table de la cuisine, les mains plaquées sur les oreilles pour étouffer les cris de son père. “Si ta mère n’avait pas été aussi faible, nous n’en serions pas là.” Les paroles acides, la gifle sèche qui avait résonné comme un coup de tonnerre…

Elle se redressa dans son lit, trempée de sueur. Pourquoi ce message maintenant ? Et pourquoi Raphaël ?

Le lendemain, à peine eut-elle franchi les portes de Valcourt Industries qu’elle fut appelée par Céline.

— Monsieur Valcourt souhaite vous voir. Tout de suite.

Livia inspira profondément et toqua à la porte du bureau.

— Entrez, gronda une voix grave.

Elle entra, la gorge sèche. Raphaël ne leva pas les yeux de son dossier.

— Vous avez l’air fatiguée, commenta-t-il. Des problèmes ?

— Non, monsieur, mentit-elle en soutenant son regard.

Il referma le dossier et croisa les bras, son expression indéchiffrable.

— Vous n’êtes pas la seule à avoir des ennemis ici. Je vous ai assigné quelqu’un pour assurer votre sécurité.

— Quoi ? Vous… vous m’avez mise sous surveillance ?

— Appelez cela de la prudence, répliqua-t-il d’un ton tranchant. Victor vous suivra discrètement.

— Je n’ai pas besoin de…

— Vous n’avez pas votre mot à dire, trancha Raphaël. Vous ne comprenez pas encore le terrain sur lequel vous évoluez.

— Vous croyez pouvoir contrôler tout le monde ? lança-t-elle, la colère montant.

Il se pencha légèrement vers elle, son regard d’acier la clouant sur place.

— Non. Mais je contrôle ce qui m’appartient.

Le silence qui suivit fut presque suffocant. Elle détourna les yeux, trop bouleversée pour répondre.

Plus tard, à la nuit tombée, Livia se retrouva assise à sa table de cuisine, un vieil album photo ouvert devant elle. Les visages figés de ses parents la dévisageaient. Sa mère souriait timidement, comme si même sur papier, elle n’osait prendre trop de place.

Elle alluma son ordinateur portable et tapa nerveusement : Raphaël Valcourt + père Moreau.

Des dizaines d’articles apparurent. Elle cliqua, fit défiler… puis ses doigts s’immobilisèrent. Une vieille photo en noir et blanc s’afficha. Raphaël, adolescent, se tenait aux côtés de son père. Et là, debout près d’eux, se trouvait son propre père, lui serrant la main devant un bureau luxueux.

Le souffle de Livia se coupa. Pourquoi leurs pères étaient-ils liés ? Qu’est-ce que cela signifiait pour elle ?

Elle sentit un vertige la prendre. Derrière la porte, Victor, impassible, l’observait à travers l’entrebâillement, prêt à informer Raphaël de ses recherches.

Livia ne savait pas encore que chaque pas qu’elle faisait vers la vérité l’enchaînait un peu plus à Raphaël.

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