L’appartement était plongé dans une lumière tamisée, presque irréelle. Dehors, la ville vivait, rugissait, mais ici, dans cette cache silencieuse aux murs insonorisés, le temps semblait suspendu. Livia avançait pieds nus sur le parquet froid, chaque pas résonnant dans le vide comme un compte à rebours invisible. Un jour de plus. Un mensonge de plus.Victor, assis à la table de la cuisine, tapotait sur son ordinateur portable, les yeux rivés à l’écran. Les traits tirés, la barbe mal rasée, il n’avait rien du conseiller élégant qu’elle avait connu des années plus tôt. Il avait accepté de la cacher, de la protéger… mais surtout, de l’aider à retourner la partie contre Marc-Antoine.— Il mord à l’hameçon, dit-il en relevant enfin les yeux vers elle. Tes messages, ton silence. Il croit que tu es à bout. Que tu doutes de Raphaël pour de bon.Livia haussa un sourcil, un sourire amer aux lèvres.— Je ne suis pas certaine de jouer un rôle, Victor. Je doute réellement. Pas seulement à cause de
Le silence de la chambre était plus assourdissant que n’importe quel cri. Livia fixait l’écran noir de son téléphone, ses doigts crispés autour de l’appareil comme s’il pouvait lui échapper. Le message de Marc-Antoine clignotait encore dans son esprit, imprimé à l’encre indélébile sur le parchemin de ses angoisses : « Quitte-le, ou je fais éclater toute la vérité. »Un marché. Froid. Implacable. Et terriblement efficace.Elle s’était assise au bord du lit, le regard perdu dans les plis du drap froissé, comme si le tissu pouvait lui souffler une réponse. Raphaël dormait dans la pièce voisine, dans ce fauteuil qu’il refusait de quitter, même épuisé, même brisé. Il dormait, et elle, elle pactisait avec un démon.La voix de Marc-Antoine résonnait encore dans sa mémoire, cruelle et sûre d’elle, lors de leur rencontre furtive la veille, dans un coin de rue isolé, sous un réverbère malade.— Tu n’as pas compris, Livia. Ce n’est pas une demande. C’est un choix.— Un chantage, tu veux dire.—
La pluie battait contre les vitres comme une colère sourde, rythmant les secondes d’une angoisse qui ne disait pas son nom. Livia, assise sur le canapé étroit de la chambre d’appoint de la clinique privée, serrait contre elle un coussin dont elle ne sentait même plus la texture. Elle ne dormait plus. Ne mangeait presque pas. Son ventre s’arrondissait, abritant une vie qui la raccrochait au monde alors que tout en elle hurlait de se détacher. Chaque mouvement de son enfant était une piqûre à vif, un rappel de tout ce qu’elle ne contrôlait plus.Raphaël était absent. Dans une réunion, selon Victor. Peut-être en train de faire taire un témoin, supposait-elle. Elle ne posait plus de questions. Elle n’aurait pas su quoi faire des réponses. Son cœur, éreinté, battait encore uniquement pour cette petite existence qu’elle protégeait malgré tout.Elle fixait le mur sans le voir quand son téléphone vibra. Une seule notification. Anonyme.Expéditeur inconnu :« Si tu veux connaître la vérité sur
Le silence pesait comme un couvercle sur la pièce. Seuls les battements réguliers du moniteur cardiaque brisaient l’immobilité. Livia était assise, jambes croisées, les mains posées sur son ventre arrondi. La lumière douce de la clinique dessinait des ombres mouvantes sur ses traits pâles.Elle fixait le mur face à elle sans réellement le voir. Tout son être tanguait entre deux abîmes. Entre la vérité qu’elle refusait encore d’admettre… et l’homme qu’elle n’arrivait pas à renier.Raphaël.Il n’était pas venu aujourd’hui. Pour la première fois depuis l’accident. Pour la première fois depuis des semaines, il n’avait pas franchi le seuil de sa chambre. Et ce vide, pourtant attendu, la blessait plus qu’elle ne l’aurait cru.Était-ce de la colère qu’elle ressentait ? Ou du soulagement ? Ou… un manque brutal, inavoué ?Elle ferma les yeux.Mathis.Le nom de son frère la heurta comme une gifle invisible. Depuis qu’elle avait lu cette lettre oubliée, confiée par son oncle Pierre, chaque mot d
e vent tiède de fin d’après-midi filtrait à travers les persiennes entrouvertes. Dans le salon du domaine familial, Livia fixait la vieille commode de bois sombre, là où son oncle Pierre fouillait avec une lenteur méthodique. Son cœur cognait fort contre sa cage thoracique, sans qu’elle sache pourquoi. Il y avait dans l’air une tension suspendue, comme un frisson que l’on refuse d’écouter.— Je l’ai gardée, murmura enfin Pierre, sa voix couverte d’une fine couche d’émotion. Une lettre de Mathis. Je n’ai jamais su si je devais te la donner. Jusqu’à maintenant.Il tendit une enveloppe usée, jaunie par le temps. Les bords étaient cornés, le nom "Livia" griffonné à l’encre noire, tremblante.Elle la prit avec des mains fébriles, comme si ce papier risquait de s’évaporer sous ses doigts. Son souffle était court, sa vision troublée par des souvenirs. Mathis. Son rire. Son regard moqueur et protecteur. Son absence.— Je ne savais même pas qu’il t’avait écrit… souffla-t-elle.— Il me l’a conf
La matinée s’éveillait à peine, mais l’air semblait déjà chargé d’une électricité lourde, étouffante, comme avant une tempête. Livia, debout près de la baie vitrée, contemplait l’horizon sans vraiment le voir. Les montagnes en arrière-plan, la forêt encore endormie… tout paraissait paisible. Trompeur. Insultant. Son propre corps était un champ de bataille : un ventre alourdi par la vie, un cœur déchiré par la trahison, et une âme fatiguée de se débattre.Elle l’entendit avant de le voir. Les pas feutrés dans le couloir, le froissement discret d’une chemise contre un mur, cette présence qu’elle reconnaîtrait entre mille. Raphaël. Il s’arrêta à l’entrée de la pièce, hésitant. Elle ne se retourna pas.— Tu ne dors plus ? demanda-t-il, la voix rauque d’une nuit blanche.Elle haussa légèrement les épaules.— Tu me surveilles encore ?— Je m’inquiète. C’est différent.Un silence. Puis elle tourna enfin la tête vers lui. Il était là, défait, les traits tirés, les cheveux en désordre, mais to