FleureLa lumière du matin perce les rideaux comme une lame pâle.Je n’ai presque pas dormi. À chaque battement d’horloge, je revoyais son visage si proche, la tiédeur de son souffle, ce baiser sur ma joue qui brûle encore.Le réveil tinte, mais je reste immobile, les yeux ouverts sur un plafond trop blanc.La pluie a cessé. Un silence étrange s’est posé sur la suite, comme si la nuit avait englouti tout son bruit.Je me lève enfin. Mes pieds rencontrent la froideur du parquet et un frisson me parcourt, mélange de fatigue et d’une fébrilité que je n’ose nommer.Dans la glace de la salle de bain, mon reflet me dévisage. Mes yeux portent l’ombre de la veille : cerclés, presque brillants. On pourrait croire que je reviens d’un rêve trop dense.L’eau glacée sur mon visage ne suffit pas à effacer son souvenir.Je me rappelle la douceur de son baiser , ce geste minuscule qui a fait vaciller tout mon monde.Je ferme les yeux, un instant, mais l’image revient, obstinée.Qu’est-ce qui nous arr
FleureLe tic-tac de l’horloge s’étire, obstiné, comme un battement de cœur trop fort.La suite est plongée dans une pénombre tiède ; seules quelques braises de lumière échappées de la ville découpent les meubles en silhouettes vacillantes.La pluie, dehors, persiste, un rideau liquide qui isole le monde derrière les vitres.Aaron reste devant moi, si proche que je devine la chaleur de son corps malgré la mince couche de satin qui me sépare de l’air.Chaque respiration devient un écho ; je crois entendre le froissement de son souffle glisser contre ma peau, alors qu’aucun mot ne franchit nos lèvres.Ses yeux, d’un gris presque métallique, accrochent les miens.Ils disent plus que des phrases, plus que le silence : ils brûlent d’une fièvre que je reconnais parce qu’elle gronde aussi en moi.Je voudrais parler, rompre ce vertige, mais ma gorge se serre.La pluie rythme l’attente, un battement régulier qui se mêle au tempo irrégulier de mon cœur.Je sens encore sur ma bouche le parfum du
FleureUn chuchotement à la porte, trois coups feutrés.Je sors de la salle de bain, la vapeur encore accrochée à ma peau comme une bruine tiède.Le peignoir de satin effleure mes chevilles, et chaque pas soulève un murmure de tissu.Lorsque j’entre dans la suite, la lampe basse projette un halo doré qui adoucit les angles.Aaron se redresse du canapé, veste posée derrière lui, cravate desserrée.Son regard glisse sur moi comme une caresse silencieuse.Je sens la chaleur de ce regard avant même qu’il ne parle.— Le service d’étage, dit-il, grave et calme.Je hoche la tête.Il ouvre. Une bouffée d’arômes nous enveloppe aussitôt : pain encore chaud, truffe, zeste d’agrumes.Le serveur entre, précis, presque invisible. Il pousse un chariot drapé d’ivoire où scintillent des cloches argentées.Un simple salut, un murmure de « Bonne soirée », et la porte se referme.Le monde extérieur se dissout derrière le déclic du loquet.Aaron soulève le premier couvercle : un nuage de vapeur, un parfum
FleureLa suite est plongée dans un silence ouaté lorsque je referme la porte de la chambre attenante.Je laisse glisser la traîne de ma robe sur le parquet clair : un bruissement de soie qui ressemble à un soupir.L’air sent encore le champagne et la pluie.J’ouvre la salle de bain.La lumière douce se reflète sur le marbre blanc, sur la grande baignoire ovale qui m’attend comme une invitation.Je fais couler l’eau.Le murmure du robinet s’étire, régulier, apaisant.Un à un, j’ôte les boutons de la robe.Le tissu s’efface de ma peau, laissant une fraîcheur inattendue.Je suspends le vêtement à une patère, puis dénoue le ruban de ma lingerie, simple, presque austère, jusqu’à ce qu’il ne reste que la tiédeur de l’air contre moi.Un frisson me parcourt : fatigue, soulagement, peut-être autre chose.Je glisse dans l’eau chaude.La chaleur m’enveloppe, dissout les nœuds de la journée.La mousse flotte comme une nuée légère autour de mes épaules.Les images reviennent : la cérémonie sous l
AaronLe cliquetis du champagne résonne encore à mes oreilles quand nous quittons la villa.La pluie, fine comme une bruine d’argent, recouvre les pavés de reflets changeants.Le chauffeur ouvre la portière de la voiture noire.Fleure s’installe à ma droite, le dos droit, les mains croisées sur sa robe, l’allure d’une statue qu’aucune émotion ne traverse.Je ferme la portière, et le monde extérieur s’efface.Silence.Seul le ronron du moteur.Je la regarde. Son profil est une ligne nette contre la vitre embuée.— Nous n’allons pas rentrer, dis-je enfin.Elle tourne légèrement la tête, un sourcil haussé.— Non ?— J’ai réservé une suite au Grand Palace.Je marque une pause, cherchant une formulation moins brutale.— …Pour la nuit.Un frémissement traverse son visage, à peine perceptible.— Une lune de miel, donc, constate-t-elle d’un ton neutre.— Une nuit officielle. Rien de plus.Je ne peux empêcher un demi-sourire amer.— Le décor exigé par la pièce que nous jouons.Elle ne répond p
FleureLe réveil sonne trop tôt. La chambre est noyée d’un gris bleuté, la lumière timide d’un matin pluvieux glissant entre les rideaux. Je reste immobile, une seconde, à écouter le battement précipité de mon cœur. Pas de joie. Une tension sourde, comme un oiseau qui se cogne contre une vitre invisible.Un coup sec à la porte.— Fleure ? Toujours en train de réfléchir ?Maya entre avant ma réponse, robe couleur champagne, cheveux relevés en un chignon délicat. Elle porte ce sourire que je connais par cœur, celui qui tente de me rassurer sans y croire tout à fait.— Je savais que tu ne dormirais pas.Je hausse les épaules.— Difficile de dormir quand on se marie, n’est-ce pas ?Elle s’approche, pose ses mains chaudes sur mes épaules.— Tu es sûre de toi ?— Disons que je suis… décidée.Maya soupire, le regard troublé.— Décidée n’est pas le mot que j’espérais.— C’est le seul qui me convient.Je me lève, pieds nus sur le parquet froid. Dehors, la ville s’étire, indifférente à ce que n