CassandraJ’ai regardé Ezra s’éloigner.Chaque pas qu’il faisait me déchirait un peu plus. J’aurais voulu courir vers lui. L’attraper. Lui hurler que je mentais. Que rien n’était vrai. Que je ne l’avais pas quitté.Mais je suis restée là. Droite. Immuable.Comme si mon corps n'était plus à moi. Comme si mes mots n’étaient que des rôles, des phrases qu’on m’avait gravées dans la gorge.J’ai croisé son regard une dernière fois, avant qu’il tourne le dos. Il avait compris. Je l’ai vu. Dans ce millième de seconde, ses yeux ont vacillé. Un mélange de colère, de douleur… et de foi déçue. C’est ça, le pire. Il voulait encore croire en moi. Même là, même après tout.Et moi, je lui ai tranché la gorge avec mes silences.Noah m’observe du coin de l’œil. Il ne dit rien. Il sent mes tremblements. Mais il ne les commente jamais. Il préfère le silence à la faiblesse. Il préfère l’obéissance à la vérité.Je me suis inventé un mensonge parfait pour survivre ici.Et aujourd’hui, il est devenu ma seule
CassandraJe l’ai senti avant de le voir.Cette présence, comme une brûlure dans l’air. Une vibration sourde dans ma poitrine, un frisson sur ma nuque. Mon cœur a raté un battement, puis un autre. Et quand je me suis tournée, il était là.Ezra.Il n’a rien crié.Il n’a pas couru vers moi, ni levé la main. Il s’est simplement arrêté à quelques mètres, comme s’il ne savait plus comment exister près de moi.Ses yeux m’ont transpercée.Et j’ai su que je ne pourrais plus fuir.Je me redresse lentement, la main toujours posée sur le rebord de la fenêtre où j’observais le ciel gris. La ville est un champ de ruines. Comme nous.— Tu es venu seul, je murmure.Il hoche la tête, les mâchoires tendues.— Je ne suis pas là pour te ramener. Ni pour supplier.Je le fixe. Mon cœur bat trop fort.— Alors pourquoi ?Il sort quelque chose de la poche intérieure de sa veste. Un papier froissé. Le dessin. Mon esquisse inachevée.— Pour comprendre, dit-il d’une voix rauque. Pourquoi tu as arrêté de me dess
EzraJe sais qu’elle n’est plus là avant même d’ouvrir la porte.Le silence est trop profond. L’air trop vide. Comme si l’espace avait retenu son souffle après son départ.Je pousse doucement la porte de notre chambre. Le craquement du bois résonne trop fort dans le silence. Mes yeux balayent la pièce dans un réflexe inutile. Je connais déjà le verdict. Tout est encore en place. Le lit défait. Les draps froissés. Son gilet posé sur le dossier d’une chaise. Mais elle, non.Elle s’est évaporée.Et avec elle, une partie de moi que je ne retrouverai jamais.Mon souffle est rauque. Je passe une main sur ma nuque, tentant de repousser le froid qui s’est infiltré jusque dans mes os. J’avance d’un pas, puis deux. Quelque chose crisse sous mon pied. Une feuille chiffonnée. Je me baisse.C’est un dessin. Un croquis à moitié terminé. Une esquisse de mon visage. Inachevée. L’ombre de mon regard, les contours de ma bouche. Mais rien de plus. Elle s’est arrêtée avant de terminer. Comme si elle n’ar
CassandraOn court.Je n’entends plus rien d’autre que le battement de mon cœur et le souffle de Noah, juste derrière moi. Nos pas résonnent dans les ruelles vides comme des tambours de guerre. On court comme si le monde s’écroulait derrière nous.Et c’est peut-être le cas.Le froid m’arrache la peau. L’air est tranchant. L’adrénaline me brûle les veines. Il attrape ma main sans me demander. Sa poigne est ferme, chaude, pressée. On tourne à gauche, à droite, sans réfléchir. Nos corps savent ce que nos esprits refusent d’admettre.On fuit. On survit.Il me tire dans un immeuble à moitié désaffecté. Murs effrités. Fenêtres brisées. Odeur d’humidité et de rouille. Il claque la porte. Verrouille. Je m’effondre contre le mur, haletante. Mon manteau est ouvert. Mes jambes nues tremblent. Ma gorge pique encore de la poussière de poudre. Le goût métallique de la panique colle à ma langue.Il reste debout un instant. Épuisé. Il passe la main dans ses cheveux, essuie la sueur de son front. Et j
CassandraJe me détache de Noah.Mes mains tremblent à peine.Je respire.Et je fais face.Je regarde Caleb. Puis Ezra. Puis Adrien.— Vous voulez vous battre pour moi ?Alors regardez-moi bien.Ma voix claque dans la rue. Elle raye l’air comme une vérité nue.— Je ne suis pas un trophée. Je ne suis pas un objet. Je suis le feu que vous essayez tous d’enfermer.Et le feu ne s’enferme pas.Je m’avance.Nue sous mon manteau.Droite. Fière.Et pour la première fois, ils se taisent.Même Adrien.Même Caleb.Même Ezra.— Vous voulez me garder ?Alors brûlez avec moi.EzraElle est magnifique.Démente. Infernale.Indomptable.Et je suis foutu.CassandraLe silence a une odeur. Celle du sang qui ne coule pas encore. De la poudre qu’on n’a pas encore allumée. Du cœur qui bat trop fort dans la poitrine.Je les regarde. Tous les trois. Caleb. Adrien. Ezra. Des noms comme des chaînes autour de mes poignets. Mais aujourd’hui, c’est moi qui serre les liens. C’est moi qui tiens les armes.— Vous m’
La ville n’a pas changé. Pas vraiment. Elle porte toujours les mêmes reflets d’acier sur ses façades, les mêmes échos de pas précipités sur le bitume, les mêmes odeurs mêlées d’essence, de luxe et de mensonges. Mais pour moi, tout est différent.Parce que désormais, je sais ce que j’ai à perdre.Et ce que je suis prête à brûler pour le garder.CassandraJe descends les escaliers du vieil immeuble en silence, le cuir de mes bottes étouffant les grincements du bois usé. L’eau ruisselle encore le long de mes tempes, mes cheveux humides collent à ma nuque. Mes pensées, elles, sont sèches. Coupantes.Le cœur alourdi.Noah marche juste derrière moi, à une distance parfaite. Pas trop proche pour me presser, pas trop loin pour me perdre. Il est calme. Beaucoup trop calme. Mais je le connais. Ce silence, chez lui, c’est une arme. Une qui se tend comme un arc. Il sent que ça arrive.Je le sens aussi.Ce n’est plus une course contre nos désirs. Ni même une fuite.C’est une guerre.Et les premier