Le baiser avait laissé dans leur poitrine un écho vibrant, comme une mélodie qu’on ne peut oublier. Pourtant, lorsque Jack et Olivia reprirent leur souffle, assis côte à côte sur ce vieux banc sous le chêne, un silence mêlé de douceur et d’incertitude s’installa entre eux.
Jack brisa finalement ce silence, sa voix basse et un peu rauque : « Je ne pensais pas que ça pouvait être aussi compliqué. » Olivia hocha la tête, jouant nerveusement avec la manche de sa veste. « Ce n’est jamais simple, Jack. Avec toi, tout est nouveau, et j’ai peur. »
« De quoi as-tu peur ? » demanda-t-il doucement. Elle détourna le regard, luttant contre l’émotion. « De perdre ce que je n’ai jamais vraiment eu. De décevoir Riley... de te décevoir toi. »
Jack sentit son cœur se serrer. Il connaissait ce sentiment, ce poids invisible de ne jamais être assez. « Tu sais, moi aussi j’ai peur. Peur que ce bonheur soit éphémère. Que tout s’effondre à la moindre secousse. »
Olivia tourna enfin les yeux vers lui, cherchant une réponse dans son regard. Elle y trouva une sincérité brute, un homme brisé mais prêt à se reconstruire. « Je veux essayer, Jack. Pour Riley, pour nous. »
Les jours suivants furent un mélange d’euphorie et de tension. Chaque moment passé ensemble était précieux, mais l’ombre des non-dits planait toujours. Olivia gardait encore secret son passé, cette double vie qu’elle menaçait d’exploser.
Jack, lui, tâchait de se montrer patient, mais les questions le rongeaient. Qui était vraiment Olivia Harper ? Pourquoi son regard parfois se faisait-il si distant, comme si un autre monde l’appelait ?
Un soir, alors qu’ils dînaient tous les deux après avoir couché Riley, Olivia finit par s’ouvrir, un peu plus.
« Jack, il y a quelque chose que je dois te dire. Pas tout, pas encore. Mais bientôt. »Il la regarda intensément, prêt à l’écouter, à comprendre. « Je suis là, Olivia. » Elle prit une profonde inspiration. « Je viens d’un autre milieu, un monde que je fuis depuis longtemps. J’ai une famille... une fortune que je ne réclame pas. »
Jack fronça les sourcils, cherchant à comprendre. « Pourquoi tu ne m’en as pas parlé avant ? » « Parce que je ne voulais pas que tu me voies autrement. Pas comme la femme qui a tout, mais comme celle qui est juste là, pour toi, pour Riley. »
Jack se leva, s’approcha et prit ses mains dans les siennes. « Peu importe ce que tu es, ce qui compte, c’est ce que tu es pour nous. »
Olivia sentit alors une vague d’émotion la submerger. Pour la première fois, elle se permit de croire en cet avenir qu’elle avait toujours repoussé. Mais le fragile équilibre qu’ils avaient trouvé fut bientôt menacé par des événements qu’aucun d’eux n’avait vus venir…
L’automne s’était installé pour de bon, et avec lui une fraîcheur dans l’air, mordante, presque prophétique. Jack et Olivia savouraient encore leur récent rapprochement, même si chaque instant passé ensemble semblait suspendu à un fil invisible. Riley, quant à elle, rayonnait comme jamais. La voir rire, courir dans le salon, chanter à tue-tête pendant qu’Olivia préparait le dîner, avait créé dans la maison une chaleur nouvelle. Une impression de foyer, d’avenir. Mais une ombre rôdait.
Tout avait commencé par des détails insignifiants. Des appels en absence, sans numéro. Des silences prolongés au bout du fil. Puis des lettres anonymes, pliées avec soin, laissées dans la boîte aux lettres sans timbre ni nom. La première ne contenait que quatre mots : « Tu ne peux fuir. »
Olivia avait cru à une erreur. À une mauvaise blague. Mais la deuxième lettre l’avait glacée jusqu’à l’os. « Tu peux jouer à la nounou. Mais tu es toujours une Harper. »
Le mot « Harper », écrit en lettres noires, fines, presque élégantes, laissa un goût de cendre dans sa gorge. Seules très peu de personnes connaissaient son véritable nom, et encore moins la réalité de sa rupture avec le clan Harper.
Cette nuit-là, Olivia ne dormit pas. Jack, qui s’était assoupi sur le canapé après avoir corrigé des copies, la retrouva assise dans la cuisine à deux heures du matin, les yeux rivés sur une enveloppe.
« Tu veux m’en parler ? » demanda-t-il, encore à moitié endormi. Olivia sursauta légèrement. Puis, contre toute attente, elle secoua la tête. « Ce n’est rien. Juste… des souvenirs. »
Jack s’approcha, la regarda longuement. Il savait qu’elle mentait, mais il ne voulait pas la brusquer.
« Je suis là, Liv. Tu le sais, hein ? Tu peux tout me dire. »Elle sourit doucement, mais ce sourire ne monta pas jusqu’à ses yeux. Le lendemain, une voiture noire était garée en bas de la maison. Moteur coupé. Vitres teintées. Pas de conducteur visible. Elle resta là toute la matinée, puis disparut sans un bruit.
Le surlendemain, Riley revint du parc avec une tresse dans les cheveux, qu’Olivia ne lui avait pas faite.
« C’est une dame gentille, » avait dit l’enfant, insouciante. « Elle sentait comme des roses. Elle m’a dit que j’étais jolie, comme maman. »Olivia sentit le sang quitter son visage. Elle reconnut la description, l’odeur, le ton mielleux, Margot Harper. Sa tante, celle qui avait dirigé les affaires familiales après la mort de ses parents. Celle qui avait tout fait pour modeler Olivia selon les standards rigides des Harper : froide, distante, manipulatrice… et riche.
Olivia n’avait pas fui que l’argent. Elle avait fui une dynastie. Le soir même, elle alla voir Jack, la gorge nouée. Il était en train de lire une histoire à Riley, qui s’endormait paisiblement, un sourire encore accroché aux lèvres.
Elle attendit qu’il sorte de la chambre, puis referma doucement la porte derrière lui. « Il faut qu’on parle. » Jack se figea. Son regard sérieux, presque inquiet, balaya le visage d’Olivia. « C’est à propos des lettres, pas vrai ? Et de cette voiture ? »
Elle hocha la tête, le souffle court. « Jack… je t’ai dit que j’étais issue d’un autre monde. Ce monde vient de me retrouver. Et il ne me laissera pas partir aussi facilement. » « Qui est-ce ? » demanda-t-il, la mâchoire serrée. « Ma famille. Les Harper. Ils possèdent des hôtels, des banques, des parts dans des entreprises que tu utilises tous les jours sans le savoir. Et maintenant… ils veulent me reprendre. Comme une poupée qu’on avait égarée. »
Jack resta un moment sans parler. Puis il dit, dans un murmure grave : « Tu crois qu’ils peuvent nous faire du mal ? À Riley ? » Le regard d’Olivia se posa sur lui, lourd de sens. « Avec les Harper, Jack… tout est possible. »
La nuit tomba sur la Vallée du Sel comme un voile de cendres, mais dans le Berceau, une lueur persistait. Les parois, chargées d'histoires et d'empreintes, pulsaient lentement comme une respiration millénaire. Riley, debout au centre du sanctuaire, fixait les autres. Ils étaient sept autour d'elle : Mira, Amma, Eliah, Jack, les deux Errants, et une silhouette nouvelle, apparue à l'aube, vêtue de haillons et portant une flamme silencieuse dans les yeux.Il se présenta comme Ivar. Un rescapé d'un ancien sanctuaire, disparu depuis des cycles. Son savoir était fragmentaire, mais il parlait d'une prophétie : « Lorsque les cendres se lèveront, le vent jugera les cœurs et les intentions. Et seuls ceux qui n'ont rien réclamé pourront transmettre. »Amma fronça les sourcils, encore une prophétie ? Nous venons à peine de détruire un système fondé sur les dogmes.Mais Ivar secoua la tête, ce n'est pas une croyance. C'est un signal. Le vent parle. Et il vient.Dans le ciel, au-dessus de la vallée
Le ciel était strié de nuages denses, aux reflets cuivre, comme si la mémoire du monde elle-même avait entamé sa lente descente vers l’oubli. Mais sous terre, dans les galeries du Berceau, une autre dynamique était à l’œuvre : les fragments du passé, les voix longtemps dispersées, se rassemblaient.Jack arriva le premier, épuisé, amaigri, les yeux hantés par des mois de fuite et de sacrifices. Il se tenait à l’entrée du sanctuaire, hésitant. Lorsqu’il vit Riley, figée devant un mur de pierre vibrante, il sentit son souffle se suspendre. Non pas parce qu’elle était sa fille, mais parce qu’elle était devenue quelque chose de plus grand. Elle était le pont entre ce qui avait été détruit et ce qui pouvait être reconstruit.Il s’avanca, silencieusement. Riley se retourna, leurs regards se croisèrent. Pas de mots. Juste cette certitude qu’ils étaient encore en vie, encore humains, encore debout. Jack toucha la paroi, ressentant une onde parcourir ses veines, un souvenir qui n’était pas le s
Le sud s’ouvrait devant eux comme un livre aux pages blanches, vibrant d’un soleil pâle filtré par les cendres suspendues. Riley, Eliah, et les deux Errants progressaient lentement, laissant derrière eux les ruines d’un monde où chaque mot avait été pesé, chaque souvenir dicté. Devant eux, le silence.La vallée du Sel, que les cartes anciennes désignaient comme une terre morte, s'était transformée en un vaste sanctuaire désertique. Au loin, les formations rocheuses ressemblaient à des statues fondues, comme si des géants avaient péri là, figés par un souffle divin. Selon les rumeurs, les cavernes se trouvaient au fond d’un ravin invisible sur les cartes du Codex. Un lieu à lécart des anciens flux, protégé par l’oubli.Les jours s’enchaînèrent, éreintants. Eliah se montrait attentif, veillant sur Riley d’un regard discret, tandis que les Errants partageaient leurs maigres connaissances des lieux. Chaque soir, autour du feu, les récits circulaient : souvenirs volés, mythes anciens, frag
La brume qui s'élevait lentement sur les berges du lac noirissait l'horizon d'une mélancolie sourde. Dans le silence matinal, les pas de Riley crissaient contre les gravillons humides. Elle s'était levée avant les autres, fuyant l’étroit cocon de l’abri de fortune qu’ils avaient dressé à la hâte. Depuis la fin du Codex et la chute de Clio, tout semblait se détacher peu à peu : les certitudes, les alliances, et même les liens du sang.Jack était resté silencieux depuis leur arrivée au camp improvisé. Les lignes de son visage s'étaient durcies, comme figées dans un éternel hiver. Riley n'avait pas osé lui adresser un mot. Elle savait que l'heure des choix approchait. Et que certains adieux ne se prononcent pas.Mira l'avait rejointe peu après, une couverture encore autour des épaules. Elle ne dit rien d'abord. Puis, en regardant l'eau sombre :— Il va falloir partir.Riley hocha la tête. Elle aussi le sentait. L'organisation des Refusés se fragmentait. Certains parlaient de rejoindre le
Le vent du plateau tibétain soufflait fort, comme pour repousser les intrus. La neige n’était plus celle de l’hiver, mais celle d’un secret trop longtemps gardé. En contrebas, enfoui sous des strates de roche et d’oubli, le Dôme Intérieur émergeait comme une cicatrice dans la montagne.Riley posa les yeux sur l’entrée effondrée. Il ne restait qu’un pan de béton creusé, un demi-symbole gravé : un œil fermé, barré d’une ligne. Le signe des Refusés. Ceux qu’on n’avait pas seulement testés, mais niés.— Tu es sûre ? demanda Asha.— J’ai reconnu l’endroit. Je l’ai vu en rêve, des années durant. Mais ce n’étaient pas des rêves. C’étaient des fragments.Elle s’agenouilla et glissa les doigts dans la poussière gelée. Soudain, une pulsation résonna sous la roche. Le sol vibra doucement, comme une respiration enfouie. Le Dôme n’était pas mort. Il attendait.Le groupe descendit lentement dans le boyau d’accès. L’air se faisait plus dense à mesure qu’ils avançaient, saturé de silence et de souven
L’aube s’était levée sur l’océan, embrassant la mer d’un rouge voilé. Le submersible avançait lentement vers une base improvisée sur une île oubliée, loin des réseaux satellites et des regards scrutateurs. Riley observait les reflets dans l’eau depuis la lucarne du poste de repos. Tout en elle vibrait encore du choc intérieur. Ils avaient détruit une forteresse de Clio, un sanctuaire des doubles, mais la paix ne venait pas.Il restait encore un verrou. Et il n’était ni technologique, ni militaire. Il était humain. Et profondément intime. Le retour à la base fut silencieux. Elian et Mei travaillaient déjà à croiser les données arrachées à la base chilienne : des noms de mécènes, des fragments codés dans des banques privées, des protocoles de survie de Clio. Mais surtout, une anomalie. Une signature.Un code génétique que Riley reconnut immédiatement : le sien. Et rattaché à ce code, un seul nom, un seul dossier verrouillé : Le Projet Lyra.— Pourquoi ce nom ? demanda Soren, les yeux fi