Le Bord de la Fureur

Point de vue de Kieran

Darius et moi étions debout devant la grande porte du château et je sonnai la cloche. Elle était ancienne, tout comme le château.

La porte s’ouvrit vers l’intérieur, émettant un écho tandis qu’elle fissurait la pierre du sol. Instinctivement, nous échangeâmes un regard, et une fois la porte appuyée contre le mur, nous entrâmes.

Le passage était décoré dans un style moderne, ce qui me plut. Je n’allais pas me promener avec une torche enflammée.

L’air sentait l’encens ancien, et un homme grand, mince et pâle vint vers nous.

« Bienvenue, Alpha Kieran, » salua-t-il. « Et à vous aussi, Darius. »

« Par ici, je vous prie. Lord Caius vous attend, » dit l’homme en nous invitant à le suivre.

Nous le suivîmes en silence, marchant sur le sol de pierre polie. Le couloir nous mena à une grande salle de réunion avec d’anciens lustres suspendus au plafond.

Il était là, assis à l’extrémité de la salle, sur une chaise de marbre noir.

« Caius, » dis-je, et le messager pâle s’inclina puis quitta la pièce. Il avait l’air aussi mort que tous les autres dans ce château.

« Kieran Draven Wolfe, » dit Caius, souriant depuis sa chaise. « Qu’est-ce qui t’amène dans mon château ? »

Je n’étais plus d’humeur à tourner autour du pot. « Je veux récupérer Sienna. Je sais que tu l’as. »

« C’est une accusation sérieuse, » répondit-il.

« Je n’ai pas besoin de t’accuser. Je sais ce que je dis, » répliquai-je calmement.

« Ainsi soit-il, » répondit Caius en reposant ses bras sur les accoudoirs.

« Ne mets pas notre patience à l’épreuve, » prévint Darius. Il détestait les vampires, peut-être encore plus que moi.

« Pourquoi pas ? Vous testez bien la mienne, » répliqua Caius, et Darius grogna. Il perdit son calme et s’élança pour attaquer, mais je le retins, bloquant sa route avec mon bras pressé contre son ventre.

« Ça suffit, Darius, » sifflai-je. « Nous sommes venus pour parler, pas pour nous battre. »

Caius ricana, son sourire s’élargissant. « On dirait pourtant le contraire. Tu amènes ton homme sur mon territoire pour me nuire. »

Je savais qu’il me provoquait, testant ma maîtrise de moi. Caius était plus vieux que nous deux et assez malin pour nous piéger jusqu’à nous faire perdre du temps. Je ne pouvais pas laisser la meute sans chef trop longtemps, sinon les loups deviendraient agités.

J’avalai ma fierté. « Je m’excuse pour sa colère. Il est jeune, » dis-je calmement.

« Toi aussi, » répondit-il, me fixant de ses yeux rouges.

Comment quelqu’un pouvait-il avoir près de trois cents ans et paraître encore âgé de vingt-cinq ?

« Ma demande tient toujours. Je ne partirai pas sans Sienna, » dis-je.

« Très bien, » dit-il. « Mais es-tu prêt à me donner ce que je veux en échange ? »

« Qu’est-ce que tu veux, démon ? » demanda Darius avec haine.

Caius rit, un rire bref et moqueur. « Je vois pourquoi elle a accepté d’être ma compagne. Vous avez dû agir comme des chiens, la forçant à obéir. »

Des mensonges. Tout ce qu’il disait n’était que mensonge.

« Sienna ne ferait jamais ça… » dis-je, mais il m’interrompit.

« Vraiment ? Alors dis-moi pourquoi elle a accepté d’être liée à moi ? » demanda Caius.

« Les loups et les vampires n’ont rien en commun. Tu es un vieux menteur pathétique, » cracha Darius.

« Mais elle n’est pas une louve ordinaire, n’est-ce pas ? » demanda Caius.

« Qu’est-ce que ça veut dire ? » s’étonna Darius.

Je ne pouvais pas le laisser découvrir la vérité. Trop de gens voulaient l’utiliser à leurs propres fins. J’y avais pensé, autrefois, mais plus maintenant. J’avais eu tort.

« Il ne t’a rien dit, hein ? » continua Caius.

« Assez de tes tours, Caius. Rends-la-moi, » avertis-je.

Il resta silencieux, puis un sourire apparut sur son visage. « Tu devras me combattre d’abord. »

C’est tout ce qu’il fallut pour faire rugir Darius. Il fonça vers lui, stupide, guidé par ses émotions, offrant à Caius exactement ce qu’il voulait.

Je vis Caius bouger avec une vitesse surnaturelle. Darius était plus lent, et lorsqu’il frappa, Caius esquiva facilement et riposta d’un coup précis qui fit tomber Darius lourdement sur le sol de pierre froide.

« Darius ! » rugis-je en avançant, mais je me retins. La colère ne résoudrait rien. Je devais trouver la faiblesse de Caius.

Il était rapide, et même si une morsure de loup lui serait fatale, il fallait être aussi rapide que lui pour le toucher. Je ne voulais pas le tuer et briser le traité de paix du monde surnaturel.

« Qu’attends-tu, Alpha ? Ne te retiens pas pour moi, » dit Caius en souriant, alors qu’il assommait Darius.

« Oh, tu dois craindre qu’on fasse un bébé hybride, » se moqua-t-il. « Sinon, c’est peut-être un souvenir douloureux, n’est-ce pas ? » demanda-t-il.

« Perdre ton meilleur ami, comme tu viens de la perdre maintenant, » ajouta-t-il en riant doucement.

J’en eus assez. La rage monta en moi et mon corps se transforma partiellement. Je voulais garder le contrôle. Mes crocs s’allongèrent, mes griffes sortirent, et j’attaquai violemment.

Il était rapide, esquivant mes coups. Nous étions égaux, et je haïssais cela. Je ne perdrai pas. Pas maintenant.

Il bougeait avec agilité, frappant presque, manquant de peu ma tête.

La colère me submergea, et je le projetai violemment jusqu’à ce que nous nous écrasions sur la grande table en bois.

Nous nous relevâmes, prenant quelques pas de recul. « Finissons-en, » grondai-je.

« Avec plaisir, » répondit Caius, et nous fonçâmes l’un sur l’autre, crocs et griffes prêts à frapper.

Il manqua son coup, et je le touchai, griffant son bras. Il grogna, reculant. Le coup suivant fut plus rapide, le surprenant et le projetant au sol.

Il se releva en grondant, plus rapide qu’avant, et me frappa au bras. Le sang coula, et je le repoussai au fond de la pièce.

Nous levâmes nos griffes, prêts à frapper à nouveau, quand sa voix retentit :

« Arrêtez ! »