Chapitre 4

Le Bêta de mon père m'a conduite dans une roseraie.

En découvrant le jardin familier, j'ai levé les yeux, stupéfaite.

Depuis que j'étais avec Ethan, une anxiété sourde m'habitait. La Meute de l'Ombre Lunaire appartenait à un monde trop riche, inaccessible pour une orpheline comme moi. Alors pour me hisser à sa hauteur, je m'étais jetée à corps perdu dans mon domaine.

Trois ans plus tôt, j'avais créé la Rose Lunaire, une fleur d'une beauté époustouflante. Chaque spécimen valait plusieurs milliers d'euros, et la liste d'attente s'étendait déjà sur des mois.

Et cette roseraie devant moi était le lieu où je les cultivais.

Nous n'accueillions que cinq visiteurs par jour. Sachant que je devais reprendre les lieux aujourd'hui, l'endroit avait été exceptionnellement fermé au public.

En contemplant les roses épanouies, je me sentais que mon cœur oppressé s'est libéré légèrement.

Alors que je venais de signer les documents de transfert, des voix agitées sont montées soudain de l'étage inférieur :

« Nous avions réservé 9,999 Roses Lunaires pour aujourd'hui, et maintenant vous nous annoncez une rupture de stock ? Quelle est cette incompétence ? Que le propriétaire vienne m'expliquer ! »

Cette voix m'était trop familière. J'ai reconnu immédiatement Ethan.

Le directeur à mes côtés s'est expliqué, gêné : « Ce monsieur en bas souhaite offrir un cadeau d'anniversaire à son épouse, alors... »

« Ce n'est rien. Voyons ce qu'il désire », ai-je pris une profonde inspiration, toute joie évaporée.

J'ai fermé les yeux un instant avant de regarder en contrebas.

Sous les projecteurs dorés, Sara, vêtue d'une robe de champagne coûteuse, se blottissait contre Ethan. « Ce n'est pas grave, Ethan. Je n'en ai pas vraiment besoin. Je voulais juste admirer ces roses qu'on dit si belles... Tant pis. »

« Dommage, j'aurais aimé les voir avant d'aller à l'hôpital... Mais ne dérangeons pas ces gens, partons. »

Sa voix était doucement plaintive, mais la déception dans ses yeux était criante.

Ethan s'est tourné vers elle, son regard débordant d'une tendresse douloureuse. Il l'a serrée contre lui, la voix veloutée : « Mon cœur, tu restes aussi raisonnable qu'avant. Sois tranquille, puisque tu veux les voir, je remuerai ciel et terre. »

Puis il a toisé le personnel avec une froideur coupante : « C'est ça votre service ? Vous ne voyez pas une malade ici ? Peu importe vos excuses, je veux ces roses aujourd'hui ! »

« Bravo ! » Ses amis, vêtus avec recherche, ont lancé des exclamations appuyées.

« Ethan, tu gâtes ta Luna comme toujours ! »

« Vraiment ! Ethan et Sara forment un couple si naturel. »

« Et cette Hélène ? Une orpheline sans nom ne mérite pas de se tenir à tes côtés. Tu aurais dû la quitter depuis longtemps ! »

Je savais qu'ils me méprisaient, mais pas à ce point.

Mon esprit est devenu blanc.

Les Roses Lunaires… Je les avais créées à l'époque où mon amour pour Ethan consumait, enfermée dans le laboratoire jour et nuit. Chaque pétale portait l'espoir d'un avenir et la passion que je lui vouais.

Et maintenant ? Ces fleurs nées de mon cœur offertes à celle qui m'avait brisée !

Une douleur déchirante m'a étreint la poitrine, si violente que j'en a perdu le souffle.

Elle était malade ?

Très bien !

Face à la satisfaction mal dissimulée dans les yeux de Sara, un rictus amer a retroussé mes lèvres. Il fallait être aussi aveugle et insensible qu'Ethan pour ne pas percer son jeu.

Un homme a donné un coup de coude à Ethan, narquois : « À propos, quand comptes-tu mettre Hélène devant la vérité ? On meurt de voir sa tête quand elle comprendra ! »

Mais les traits d'Ethan se sont glacés instantanément : « Qui vous autorise à parler d'elle ainsi ? »

Ses amis ont échangé des regards perplexes, l'ambiance soudain gelée.

Sara s'est empressée de désamorcer la tension : « Ethan, ils ne veulent que ton bien. Après tout, elle n'est qu'une orpheline, vraiment indigne de toi... »

« Assez ! » l'a-t-il interrompue avant qu'elle n'achève, « Ce n'est pas ton affaire. Je maîtrise la situation. »

Le sourire de Sara s'est figé. Elle s'est dégagée brusquement de son étreinte, le regard chargé de reproches : « Je sais que tu tiens à elle, mais tu avais promis de l'humilier lors de votre anniversaire la semaine prochaine ! Tu vas déjà revenir sur ta parole ? »

Les sourcils d'Ethan se sont froncés davantage. Il a contemplé son visage baigné de larmes, ses lèvres esquissant un mot qui n'est pas venu. Finalement, il a détourné le regard, irrité, sans répondre.

Ce bref silence était pour Sara la pire des réponses.

Des larmes ont jailli aussitôt. Elle a posé une main sur son abdomen et a crié : « Si tu es vraiment tombé amoureux d'elle, alors j'irai à l'hôpital me faire avorter ! De toute façon, cet enfant n'aurait pas de père ! Plutôt que de le voir souffrir toute sa vie, autant en finir maintenant ! »

« Tu es enceinte ? » La voix d'Ethan est montée brusquement, sidéré.

Foudroyé, il a agrippé la main qu'elle gardait sur son ventre. Puis, baissant les yeux, son regard a mêlé incrédulité et euphorie : « Depuis quand ?! »

Sara a grimpé de douleur sous son étreinte. Mais face à sa réaction bouleversée, une lueur de triomphe a traversé son regard.

« Il y a deux mois. Je n'osais pas te le dire. Mais à quoi bon maintenant ? Je ne peux pas laisser cet enfant devenir un obstacle entre vous. Je... » Même portée par l'allégresse, elle a conservé son habituel jeu de manipulation, son visage affichant une fragile détresse.

Ethan l'a étreinte avec force avant qu'elle n'achève : « Comment peux-tu être aussi insensée ? »

Il a pris son visage entre ses mains, la voix empreinte d'une résignation tendre : « Quand ai-je parlé de revenir sur ma promesse ? Puisque je te l'ai donnée, je la tiendrai. Mais tu ne dois surtout rien lui révéler, compris ? »

Sara s'est blottie de nouveau contre lui, les larmes cédant la place à un sourire. Profitant de l'accalmie, elle a glissé quelques caprices supplémentaires : « glisser » par erreur des preuves de ma prétendue infidélité pendant la vidéo souvenir, annoncer publiquement que notre mariage était le fruit de ma manipulation, et expliquer que nous n'étions pas légalement unis à cause de mon incompétence...

Chaque manigance visait à anéantir ma réputation.

Et Ethan, encore submergé par la joie de sa paternité et la culpabilité envers Sara, a tout accepté sans hésiter.

Mon corps s'est mis à trembler violemment, hors de tout contrôle.

Le menteur !

Ethan, ce grand imposteur !

Le personnel dépêché par le directeur avait déjà tout préparé.

Je les observais quitter les lieux ensemble, des larmes silencieuses coulant sur mes joues.

Mais Ethan y est resté. Il a formulé une demande inattendue : « Faites-moi un bouquet de 99 roses champagne. Immédiatement. »

Les roses champagne étaient jadis mes préférées.

Lors de notre mariage, il avait transformé la cérémonie en un océan de roses champagne. Au milieu de cette mer florale, il m'avait fait la promesse enflammée : « Hélène, de toute ma vie, je n'offrirai des roses qu'à toi seule. »

Et maintenant ? Il réservait en secret 9,999 Roses Lunaires à une autre.

J'ai secoué la tête, le cœur submergé par une ironie amère.